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Le réalisateur espagnol de 82 ans, Víctor Erice, avait auparavant sorti un total de trois longs métrages : son classique L’Esprit de la ruche en 1973, Le Sud en 1983 et Le soleil du coing en 1992. Voici maintenant Close Your Eyes, co- écrit par Erice et Michel Gaztambide, dont le titre pourrait être interprété comme un adieu. Nous ne pouvons qu’espérer que non. C’est un film mystérieux, digressif, long et mal construit, doté d’une richesse et d’une humanité particulières, tout sur l’équilibre entre la mémoire et l’oubli que nous négocions tous à la fin de notre vie. Et il s’agit aussi du cinéma, qui aide à promouvoir la mémoire et à retrouver ce qui a disparu, alors même qu’il est lui-même en danger d’être oublié. Close Your Eyes pourrait même être un commentaire ironique sur la propre absence d’Erice ces 30 dernières années.
Nous commençons dans le domaine d’une belle villa isolée en France juste après la seconde guerre mondiale, occupée par un riche reclus qui se fait appeler le «roi triste». Il est interprété par Josep Maria Pou, vêtu d’une toque (comme Hamm dans Fin de partie de Samuel Beckett) et accompagné d’un serviteur chinois fantaisiste. Il reçoit un visiteur, joué par José Coronado, un gauchiste et antifranquiste espagnol à qui le Roi Triste éprouve de la gratitude pour la façon dont il l’a aidé pendant la guerre (le Roi Triste est juif). Il offre à son visiteur un travail lucratif pour retrouver sa fille à moitié chinoise qui a disparu de sa vie.
Mais voilà qu’on sort de cette situation pour se faire dire qu’il s’agit d’un film dont la production a dû être abandonnée au début des années 90 car l’acteur Julio Arenas, incarnant le visiteur du Roi Triste, a disparu pendant le tournage et n’a jamais été retrouvé. Le réalisateur du film Miguel Garay (Manolo Solo) – qui, peut-être comme Erice, n’a pas été trop occupé dans l’industrie – est contacté à propos d’Arenas par une émission télévisée sensationnaliste qui enquête sur les mystères des « cas froids ». Garay fait une partie de son propre creusement dans le passé; il parle à la fille d’Arenas, Ana (Ana Torrent), au monteur et archiviste du film Max (une performance captivante de Mario Pardo) et à une amie et amante commune Lola (Soledad Villamil). Le secret de la disparition de Julio est (en partie) révélé, et en montrant des bobines inédites du film inachevé, une sorte de dénouement est inventé. En complétant son film avec des fragments de cet autre film imaginaire, Erice réalise une sorte de coup structurel énigmatique : un sentiment émotionnel que les choses ont en quelque sorte été expliquées et l’affaire close, alors qu’en réalité ce n’est pas le cas.
Close Your Eyes serpente et se tord et tourne, il est expansif, bavard et pourtant aussi pessimiste et pessimiste. Et oui, peut-être qu’Erice a une sombre blague autofictionnelle sur la « résolution » du mystère de sa propre disparition. Peut-être, comme Terrence Malick, Erice est-elle sur le point de nous donner une poussée d’activité en fin de carrière, combinée à la longévité de Manoel de Oliveira. Il y a quelque chose de profondément civilisé et doux dans ce film.