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Le fonds de 2,1 millions d’euros financera des recherches sur trois ans visant à déterminer si les objets africains conservés dans les musées nationaux français et allemands ont été acquis à juste titre.
Comme le mouvement vers « décoloniser » les musées gagne du terrain en Europe, la France et l’Allemagne ont lancé un fonds de recherche de 2,1 millions d’euros pour étudier la provenance des objets culturels africains dans leurs institutions nationales.
Le nouveau fonds vise à financer des projets de recherche axés sur des objets culturels de partout en Afrique subsaharienne. Les anciennes colonies françaises et allemandes comme le Cameroun et le Togo (chacune colonisée à la fois par la France et l’Allemagne) seront prioritaires.
Chaque pays contribuera à hauteur de 360 000 € par an au fonds triennal, qui fonctionnera en fonction d’une demande de projets.
L’initiative a été annoncée par les ministères de la Culture français et allemand au début du mois. Les formulaires de soumission des projets éligibles sont disponibles en ligne cette semaine jusqu’au 30 avril.
Le Centre Marc Bloch, centre de recherche franco-allemand en sciences sociales et humaines à Berlin, gérera le décaissement des fonds.
«La première année sera expérimentale», précise le Dr Julie Sissia, chef de projet scientifique du fonds et chercheuse au Centre Marc Bloch. « Nous avons imposé le moins de contraintes budgétaires et thématiques possible aux critères d’éligibilité afin de les garder aussi ouverts que possible. »
Pour être éligibles à un financement, les projets doivent avoir une équipe institutionnelle franco-allemande, ils doivent entretenir des relations étroites avec un partenaire en Afrique et leur portée doit inclure à la fois la recherche muséale et universitaire, a déclaré Sissia.
« Nous voulons voir comment, d’un point de vue germano-français, de nouvelles équipes, de nouvelles méthodes peuvent émerger de ce format. » » Sissia a déclaré à Euronews Culture.
Sissia affirme qu’il s’agit du premier fonds consacré à la coopération internationale en matière de recherche de provenance, un grand pas vers une collaboration à l’échelle européenne sur cette question brûlante.
« Cette initiative témoigne d’une bonne collaboration franco-allemande qui fonctionne aujourd’hui dans le domaine culturel. Il y a aussi cet aspect de projet pilote, car les ministères de la Culture allemand et français envisagent d’ouvrir cette collaboration au niveau européen après les trois années d’existence. La phase expérimentale est terminée chaque année », a déclaré Sissia.
Un engagement croissant en faveur de la restitution dans toute l’Europe
Les musées d’Europe et d’Amérique du Nord sont de plus en plus appelés à revoir leur approche des objets culturels autochtones et coloniales en leur possession.
Plus récemment, le Musée américain d’histoire naturelle aux États-Unis a annoncé la fermeture de deux grandes ailes exposant des objets amérindiens, après que de nouvelles réglementations fédérales ont exigé que les musées obtiennent le consentement des tribus avant d’exposer ou de faire des recherches sur leurs objets culturels.
La France et l’Allemagne travaillent à la recherche d’un cadre pour la restitution des objets africains, une question qui est devenue une nouvelle priorité pour les décideurs politiques nationaux.
En France, cette impulsion est intervenue après un discours prononcé en 2017 par le président Emmanuel Macron, dans lequel il avait promis de reconstruire les relations tendues avec les anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne.
Il a déclaré que la restitution ou le prêt d’objets africains détenus dans les institutions culturelles françaises serait une « priorité absolue » pour son administration.
« Le patrimoine africain ne peut pas être prisonnier des musées européens », a déclaré Macron dans un tweet après son voyage au Burkina Faso, au Ghana et en Côte d’Ivoire.
France a restitué 26 objets au Bénin en 2021mais les efforts de restitution sont au point mort ces dernières années, car une loi visant à établir un cadre pour le retour des objets africains s’est heurtée à un obstacle au Parlement à la fin de l’année dernière.
L’Allemagne a également progressé sur la question, en signant un accord pour rretourner des centaines d’artefacts connus sous le nom de bronzes du Bénin, qui ont été pillés pour la première fois par une expédition coloniale britannique.
Jusqu’à présent, Berlin a restitué au Nigeria une vingtaine de bronzes qui étaient auparavant exposés dans les musées nationaux allemands. Sa collection nationale possède l’une des plus grandes collections d’objets africains au monde.
Sissia a déclaré que le nouveau fonds franco-allemand permettra également de nouvelles recherches sur la circulation des objets culturels en provenance d’Afrique, mettant en lumière la manière dont les objets traversent les frontières par l’intermédiaire des marchands d’art et des institutions culturelles internationales.