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Alors que le Parlement européen travaille sur une révision du règlement sur les microplastiques, des législateurs européens et des ONG se sont déplacés hors de Bruxelles pour constater par eux-mêmes l’ampleur et l’impact de la pollution des granulés de plastique sur place.
À l’invitation des ONG Surfrider Foundation et The Pew Charitable Trusts, Euractiv s’est rendu mercredi 21 février dans le village d’Écaussinnes, à environ 30 km de Bruxelles, en compagnie de l’eurodéputée Verte Saskia Bricmont et des équipes des députées Caroline Roose, Ska Keller et Kira Peter-Hansen.
Écaussinnes, commune de 11 000 habitants, est limitrophe du plus grand site pétrochimique de Wallonie, la zone industrielle de Feluy.
Parmi les quatre sociétés présentes, la principale, Total Petrochemical, est la plus grande usine européenne de production de granulés plastiques du groupe TotalEnergies.
Chaque année, entre 1 et 1,2 million de tonnes de granulés de plastique sont produites à Feluy, ce qui représente environ 44 % de la production totale de ce matériau du géant pétrolier français.
Une source majeure de pollution
Les pellets sont la matière première utilisée pour fabriquer des objets en plastique. Les pertes de ces pellets dans l’environnement constituent la troisième source de rejets involontaires de microplastiques. On estime que 184 290 tonnes de ces granulés de plastique sont perdues chaque année en Europe.
Pour lutter contre cette pollution extrêmement difficile à traiter et qui peut être toxique pour la santé humaine et animale, la Commission européenne a présenté en octobre 2023 une proposition de règlement visant à réduire les pertes de pellets dans l’environnement.
La législation proposée vise à introduire des exigences minimales pour toutes les entreprises impliquées dans la transformation et le transport de granulés de plastique.
L’objectif est de réduire de 6 % la quantité totale de rejets involontaires de microplastiques d’ici 2030.
Pour l’eurodéputée Saskia Bricmont, la nécessité d’une réglementation européenne spécifique est évidente.
« Cela pollue les terres, les mers, nos océans, la faune et nous aussi, car les terres agricoles sont contaminées », a-t-elle expliqué, avant de conclure que « la directive a le mérite d’exister, mais elle est largement insuffisante dans le sens où elle ne touchent toutes les entreprises ».
Selon Natacha Tullis, responsable du projet de prévention des plastiques dans les océans chez The Pew Charitable Trusts, « nous avons besoin d’une action urgente et contraignante au niveau de l’UE, ainsi que de la conformité de l’industrie, pour lutter contre la troisième plus grande source de pollution microplastique dans l’UE ». .
Le site industriel de Feluy
Le problème de la pollution par les pellets plastiques sur le site de Feluy en Wallonie remonte à l’implantation de l’industrie pétrochimique au milieu des années 1970.
Arnaud Guérard, l’édile local chargé de l’environnement à Écaussinnes, s’est saisi du sujet en 2020, lorsque des riverains et des agriculteurs l’ont alerté de la présence de ces boules en plastique translucides dans la rivière qui traverse le village, à huit kilomètres en aval des usines. .
« Nous sommes confrontés à un processus industriel dysfonctionnel et pas suffisamment sécurisé pour conserver tous les produits [plastic pellets] à l’intérieur du site », a-t-il expliqué.
Pour l’édile, toute entreprise industrielle a le devoir de s’assurer que ses matières restent confinées et confinées sur le site de production, surtout lorsqu’il s’agit de déchets industriels.
Dans le cas des industries de Feluy, l’élu local et les ONG ont dénoncé des négligences dans le transport des pellets produits.
Chargés en vrac, dans des sacs fragiles et non hermétiques, généralement utilisés pour contenir du sable, les granulés de plastique peuvent facilement se disperser dans la nature, et devenir très difficiles à éliminer.
« Si on perd un sac, on a déjà perdu un million de pellets, et une fois dans la nature, il est quasiment impossible de les récupérer », prévient Lucie Padovani, responsable politique de Surfrider Foundation.
Les constructeurs ont installé une soufflerie à la sortie de l’usine pour éliminer les éventuelles granulés de plastique éparpillés sur les camions.
Cependant, on trouve encore des pellets en dehors des usines.
Une action en justice
En visitant les abords du site industriel, nous avons pu constater que la terre est incrustée de ces granulés de plastique, notamment autour du bassin pluvial.
Ces billes sont chargées d’additifs pour leur conférer certaines propriétés et présentent donc un risque de contamination pour l’eau, les animaux qui les ingèrent et, in fine, les humains.
« Les constructeurs n’ont jamais pu nous donner une évaluation de la quantité [of plastic pellets] rejetées, ce qui constitue la première réaction en cas de pollution grave », précise Arnaud Guérard.
La première réaction de l’autorité locale a été de contacter les entreprises pour tenter de les sensibiliser au problème de la pollution et d’arrêter la contamination.
Les quatre entreprises du site de Feluy se sont toutefois « renvoyées la balle » pour leur responsabilité dans la dispersion des billes de plastique : chacun des fabricants a rejeté la faute sur les autres ou sur les sociétés de transport qui nettoient les camions à l’extérieur du site.
Face à ce refus, les autorités locales ont alors révisé les autorisations pour assurer un meilleur niveau de prévention, en collaboration avec l’administration régionale et le ministre wallon de l’environnement.
Enfin, une plainte a été déposée auprès de la justice belge pour demander la reconnaissance de la responsabilité des industriels et des dommages environnementaux.
« Nous n’en sommes pas encore là en termes de régulation », a déclaré l’eurodéputée Saskia Bricmont, ajoutant qu' »aujourd’hui, on constate que tant qu’il n’y a pas de cadre, les initiatives volontaires des entreprises ne suffisent pas ».
« Ici à Écaussinnes, l’impunité règne, chacun se renvoie la balle », a-t-elle conclu.
[Edited by Zoran Radosavljevic]