L’article examine la reprise d’urgence de Credit Suisse par UBS en mars 2023 et les débats qui s’annoncent à ce sujet. Une enquête parlementaire doit bientôt faire entendre ses conclusions. Il est suggéré que Credit Suisse aurait pu être acquis par UBS de manière ordonnée dès 2020, avant que la situation ne dégénère. Les discussions avaient eu lieu, mais les dirigeants de Credit Suisse avaient refusé les offres, aboutissant finalement à un rachat précipité sous contrôle étatique, révélant les faiblesses de Credit Suisse.
La récente prise de contrôle d’urgence du Crédit Suisse par l’UBS, ainsi que les circonstances entourant cet événement survenu en mars 2023, sont des sujets de vives discussions qui vont bientôt reprendre en Suisse. En novembre, une commission d’enquête parlementaire devrait publier son rapport sur cette affaire.
Cependant, un point est déjà établi : le Crédit Suisse aurait potentiellement pu intégrer le groupe UBS de manière plus ordonnée trois ans plus tôt, évitant ainsi le recours controversé à des mesures d’urgence. Au lieu de cela, la fusion s’est réalisée dans l’urgence d’un week-end, ce qui a engendré des risques considérables.
Au cours des deux dernières décennies, UBS a exploré à plusieurs reprises l’idée d’une fusion avec son concurrent. Divers projets ont été élaborés, mais les dirigeants du Crédit Suisse, à savoir Tidjane Thiam, Thomas Gottstein et Ulrich Körner, n’ont pas été disposés à accepter d’offre jusqu’à peu avant son effondrement. En cas d’acceptation de l’offre à l’époque, l’histoire aurait été différente, bien que UBS ait finalement évité un partenariat hasardeux, comme cela s’est révélé par la suite.
En 2018, UBS avait tenté un rapprochement que le Crédit Suisse, sous Thiam, avait bloqué. C’est pendant la première année de la pandémie que des discussions concrètes ont eu lieu entre les deux institutions, notamment entre Axel Weber, alors président d’UBS, et Urs Rohner, président de CS. Ces échanges ont cessé à l’automne 2020 lorsque des rumeurs de discussions entre les deux banques ont commencé à circuler dans les médias.
La dernière tentative d’évaluation d’un éventuel accord a eu lieu à l’été 2022, avec Axel Lehmann et Ulrich Körner. Cependant, ces derniers ont explicitement affirmé qu’ils souhaitaient prouver qu’ils pouvaient redresser le Crédit Suisse sans l’aide d’UBS, mais cela s’est également soldé par un échec.
Dans cette période, UBS s’est consacrée à ses propres préparatifs en matière de fusion, se plaçant ainsi en position de force au moment où une intervention d’urgence s’est imposée en mars 2023. Grâce à leur préparation, UBS a su imposer ses conditions à la Confédération et à l’autorité de supervision des marchés financiers (Finma), acquérant le Crédit Suisse pour seulement trois milliards de francs, accompagnés de garanties étatiques généreuses.
Des discussions prometteuses
Les pourparlers entre UBS et CS avaient avancé de manière significative. Des conseillers stratégiques étaient engagés dans l’élaboration de scénarios, et tant la Finma que la Banque nationale suisse avaient donné leur accord au projet. En 2020, bien que le CS ait semblé relativement solide financièrement, les véritables faiblesses étaient déjà visibles. Marlene Amstad, présidente de Finma, a d’ailleurs indiqué que le marché avait commencé à réaliser la viabilité compromise du CS.
Thomas Gottstein, alors CEO du CS, avait réussi à naviguer durant la pandémie, mais la réputation de la banque était mise à mal suite à divers scandales. En 2020, la chute de réputation avait principalement débuté suite à une affaire de filature ayant entraîné le départ de Thiam, tandis que les problèmes liés aux fonds Greensill faisaient également surface. Selon les dirigeants d’UBS, le CS était perçu comme un actif déclinant déjà depuis 2016.
La logique d’une fusion entre les deux établissements était évidente, permettant ainsi des économies substantielles. En unissant leurs forces, notamment dans la gestion de fortune, il était envisagé de créer un « champion suisse mondial », un projet séduisant pour les actionnaires, surtout face à leur sous-évaluation par rapport aux banques américaines.
Les discussions avaient abouti à des propositions concrètes concernant les nouvelles structures de direction, où Axel Weber devait rester président, tandis qu’Urs Rohner était envisagé comme vice-président. Sergio Ermotti était le candidat privilégié pour diriger la nouvelle entité, avec des réflexions sur les divisions viables et celles à abandonner au sein de CS.
Un tournant décisif
Tandis que le Crédit Suisse tentait de s’en sortir difficilement en 2020, UBS avait déjà fait le constat que CS était voué à l’échec, une conviction qui s’était renforcée depuis la nouvelle stratégie annoncée par Tidjane Thiam