La coalition tricolore en Allemagne prend fin avec le licenciement du ministre des Finances, Christian Lindner, par le chancelier Scholz. L’économiste Tom Krebs critique les décisions économiques de Lindner, jugées dépassées et inadaptées aux défis actuels, notamment face à la crise énergétique. Bien que certaines propositions de réforme aient été avancées, Krebs souligne le manque de réalisme et d’efficacité des mesures proposées, mettant en lumière les tensions croissantes au sein de la coalition.
La Fin de l’Ère Tricolore
Le chapitre de la coalition tricolore touche à sa fin. Le chancelier Scholz a pris la décision de renvoyer le ministre des Finances Lindner. Dans une interview, l’économiste Tom Krebs discute des raisons pour lesquelles les stratégies du FDP ne sont pas adaptées aux défis actuels, de l’adoption du budget 2025, et de l’avenir de Lindner.
Les Décisions Erronées de la Coalition
ntv.de : La coalition tricolore appartient déjà au passé. La décision du chancelier Scholz de se séparer de Lindner était-elle inévitable ou une erreur de jugement ?
Tom Krebs : Au cours des dix-huit derniers mois, la coalition tricolore a pris plusieurs décisions mal orientées, en grande partie à cause des opinions économiques et financières de Christian Lindner. Les divergences sur la politique économique entre les membres de la coalition ont créé des tensions croissantes. Ainsi, le licenciement de Lindner peut être perçu comme un choix judicieux.
Votre collègue économiste Jens Südekum critique Lindner, affirmant que l’idée centrale de sa déclaration est erronée : suspendre le frein à l’endettement ne constitue ni une violation constitutionnelle ni une trahison de son serment ministériel. Partagez-vous cette opinion ?
La défense de Lindner repose sur une interprétation incorrecte du frein à l’endettement, ce qu’il sait pertinemment. La suspension de ce frein est envisageable et même prévue par la Constitution, à condition qu’elle soit justifiée de manière raisonnable. Des arguments existent pour justifier une telle décision dans le cadre des dépenses imprévisibles liées à la guerre en Ukraine, qui était d’ailleurs le plan initial du gouvernement. Cependant, nous aurions pu invoquer un état d’urgence plus tôt, car la situation économique est, entre autres, dégradée à cause des répercussions de la crise énergétique. Cela a été sous-estimé trop longtemps par le gouvernement tricolore et certains économistes, ce que j’appelle dans mon livre actuel le grand mauvais diagnostic. Ce déni de la réalité se retourne désormais contre nous.
Le licenciement de Lindner est également attribué à son document conceptuel. Dans ce dernier, il prône un tournant économique libéral soutenu par de nombreux économistes. Quelle est votre évaluation de ces propositions ?
Le document de Lindner est une véritable farce économique. Il tente d’apporter des solutions aux problèmes contemporains avec des idées dépassées des années 80, ce qui ne peut fonctionner. Certains économistes semblent perdre de vue que la réalité économique et sociale est bien plus complexe que le monde théorique des manuels d’économie. Bien que ce document ait été bien reçu par certaines associations économiques en raison de ses promesses de réductions d’impôts, cela ne profite qu’aux riches investisseurs et n’apporte que peu de bénéfices à l’économie dans son ensemble. Ce type de politique, souvent qualifié de « principe de l’arrosoir », est extrêmement coûteux et n’engendre guère de croissance supplémentaire. De plus, Lindner ne discute pas sérieusement de la façon dont ces mesures seront financées sans assouplir le frein à l’endettement.
Qu’est-ce qui vous choque le plus dans ce contexte ?
La demande générale de réductions de subventions est particulièrement préoccupante. Bien que cela puisse sembler une bonne idée au premier abord, lors de sa mise en œuvre, le FDP recule rapidement. Par exemple, fin 2023, le gouvernement a tenté de financer le budget en supprimant la règle spéciale pour le diesel agricole, mais face aux manifestations des agriculteurs, Lindner a rapidement fait marche arrière. Cette suppression n’aurait d’ailleurs pas généré les milliards nécessaires. Croire que nous pouvons relancer l’économie sans aucune aide est une illusion.
Réactions aux Propositions Concurrentes
Lindner a réagi à son tour aux propositions du ministre de l’Économie Robert Habeck. Quel est votre avis sur son document stratégique ?
Le document de Habeck reconnaît au moins que dans les périodes de crises et de grandes transformations, l’État doit jouer un rôle crucial. Ce document tente de s’ancrer dans la réalité économique. Nous devons réfléchir à une politique industrielle active et réfléchie, car il est indispensable de nous y engager. Des pays comme la Chine et les États-Unis adoptent des positions agressives, et Trump va intensifier cette politique industrielle avec des droits de douane supplémentaires. Ce que je ne comprends pas chez un ministre de l’Économie vert, c’est pourquoi il propose une prime d’investissement, mais retire ensuite les critères climatiques associés. D’un point de vue environnemental, c’est un recul. Habeck a opéré un virage à 180 degrés pour faire plaisir à Lindner, mais cela n’a pas été bénéfique.
Le gouvernement actuel est sur un siège éjectable. Des élections anticipées pourraient avoir lieu en mars. Pensez-vous qu’il est possible d’adopter le budget 2025 avant cela ?
Ce serait certes souhaitable, mais je n’y crois pas vraiment, car le gouvernement, composé des Verts et du SPD, ne détient pas la majorité au Bundestag. Néanmoins, ils devraient tenter de présenter un budget pour susciter un débat et exposer leur vision d’un tournant économique. Cependant, l’Union n’approuvera pas de mesures économiques significatives pour des raisons de stratégie politique, ce qui signifiera une période prolongée de stagnation.
Comment évaluez-vous la politique économique de la coalition tricolore ?
Avant la guerre en Ukraine et le choc des prix de l’énergie, la coalition tricolore avait réussi à initier un tournant climatique, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Des avancées ont été réalisées, ainsi que des mesures sociales et des améliorations sur le marché du travail, comme l’augmentation du salaire horaire à 12 euros. Toutefois, la crise énergétique a bouleversé la situation, et le gouvernement n’a jamais su répondre de manière adéquate à cette crise. La crise énergétique a porté un coup dur au gouvernement et à l’économie.