Un partisan de Poutine et un défenseur de criminels de guerre en lice pour la présidence roumaine

Un partisan de Poutine et un défenseur de criminels de guerre en lice pour la présidence roumaine

En Roumanie, l’élection présidentielle a été marquée par la victoire surprise de Calin Georgescu, un politicien d’extrême droite, qui a obtenu près de 23 % des voix. Sa campagne, axée sur la ruralité et les réseaux sociaux, exprime un nationalisme orthodoxe et un révisionnisme historique, glorifiant des figures controversées du passé fasciste. Si élu, Georgescu pourrait modifier le paysage politique et la position de la Roumanie au sein de l’OTAN, tout en soutenant des idées pro-russes.

En Roumanie, la récente élection présidentielle a été marquée par un manque de contenu substantiel et une sélection de candidats peu inspirants, se soldant par un bouleversement politique inattendu. Calin Georgescu, un politicien d’extrême droite sans affiliation partisane, a surpris tout le monde en remportant près de 23 % des voix lors du scrutin de dimanche.

Si ce docteur en sciences agricoles parvient à l’emporter lors du second tour dans deux semaines, la Roumanie, sixième plus grand pays de l’UE et un allié pro-occidental de l’OTAN sur la mer Noire, pourrait se retrouver avec un président qui glorifie le passé fasciste du pays et affiche ouvertement son soutien à la Russie.

Une campagne électorale innovante sur TikTok

Georgescu a axé sa campagne électorale principalement sur la ruralité et les réseaux sociaux, ce qui lui a permis d’échapper à l’attention de nombreux analystes politiques. Sur TikTok, il a attiré des centaines de milliers de nouveaux abonnés au cours des dernières semaines.

Des journalistes ont découvert que l’équipe de Georgescu a habilement exploité l’algorithme de la plateforme de vidéos pour rediriger des sympathisants d’autres partis vers ses contenus. Les origines de son expertise et de ses ressources pour une campagne sur les réseaux sociaux aussi bien orchestrée demeurent floues.

Ce triomphe inattendu s’inscrit également dans un contexte de désillusion politique généralisée. L’influence croissante des services de sécurité sur la politique, exacerbée sous la présidence de Klaus Iohannis, ainsi qu’une coalition impopulaire de conservateurs et de sociaux-démocrates, ont alimenté chez de nombreux électeurs le sentiment que la politique est un jeu biaisé.

A l’élection précédente, le parti pro-européen et réformiste USR avait su capitaliser sur le mécontentement envers les partis traditionnels. Aujourd’hui, les électeurs frustrés se tournent de plus en plus vers des mouvements d’extrême droite.

Révisionnisme historique et nationalisme orthodoxe

Georgescu, qui enseigne à l’université, a également collaboré avec le ministère de l’Environnement et divers organismes de l’ONU pour promouvoir le développement durable. Son organisation, Pamantul Stramosesc (Terre des ancêtres), prône l’autosuffisance en utilisant le slogan « Nourriture, eau, énergie », et tire son nom d’un magazine associé au mouvement légionnaire fasciste des années 30.

La combinaison de patriotisme face à l’exploitation, de piété orthodoxe et de révisionnisme historique est emblématique de la droite roumaine. Georgescu a, entre autres, loué Corneliu Codreanu, un leader antisémite du mouvement légionnaire, et Ion Antonescu, un dictateur responsable d’atrocités durant le Holocaust, les qualifiant de martyrs et de héros.

Il est important de rappeler que la Roumanie, au-delà de son rôle de soutien à l’Allemagne pendant la guerre, a mené des politiques d’extermination qui ont coûté la vie à des centaines de milliers de Juifs et des dizaines de milliers de Roms. Le massacre d’Odessa en 1941 reste l’un des plus tragiques, mais une réévaluation profonde de cette période de l’histoire n’a jamais été entreprise.

Un tournant historique pour la Roumanie

Le potentiel d’un courant révisionniste et ultranationaliste en Roumanie est alarmant. Pendant la pandémie, l’Alliance pour l’union des Roumains (AUR) a gagné en visibilité. Son président, George Simion, était perçu comme un candidat sérieux pour le second tour, terminant finalement quatrième avec près de 14 % des voix.

Ancien membre de l’AUR, Georgescu a pris ses distances avec le parti en 2022 à la suite de ses déclarations minimisant le passé fasciste du pays. Simion, cherchant à adopter une ligne moins radicale, a même cité Giorgia Meloni comme source d’inspiration pour son mouvement.

Simion a exprimé son soutien à Georgescu lors de la soirée électorale, et ensemble, ces deux figures souverainistes ont représenté plus d’un tiers des votes. L’historien Oliver Jens Schmitt de l’Université de Vienne a qualifié ce résultat de moment historique préoccupant pour la Roumanie, soulignant les ambitions de Georgescu de se positionner comme un successeur à Codreanu.

Un membre stratégique de l’OTAN

Bien que le rôle du président roumain soit principalement symbolique, il est également le commandant en chef des forces armées et joue un rôle dans les décisions de politique étrangère, notamment à travers la nomination d’ambassadeurs.

Georgescu a exprimé son refus de condamner l’invasion russe en Ukraine, déclarant que Vladimir Poutine aime son pays. Cependant, il critique vivement l’OTAN et l’UE, les qualifiant d’échecs. Des articles élogieux à son égard ont même été publiés sur des plateformes de propagande russe avant leur interdiction.

La Roumanie revêt une importance stratégique pour l’OTAN, avec une frontière de 400 kilomètres avec l’Ukraine et des infrastructures cruciales pour les routes d’approvisionnement. La plus grande base de l’OTAN en Europe est en cours de construction près de Constanta. Si Georgescu accède à la présidence, cela pourrait marquer un tournant majeur pour la Roumanie.