Impact du sabotage de l’approvisionnement en eau au Kosovo : enjeux au-delà des infrastructures

Impact du sabotage de l'approvisionnement en eau au Kosovo : enjeux au-delà des infrastructures

Un consensus s’est établi au Kosovo concernant l’explosion sur le canal Ibar-Lepenac, qualifiée d’acte de terrorisme. Le Premier ministre Kurti évoque un groupe soutenu par la Serbie, tandis que certains Serbes suspectent Pristina d’être impliquée. Les réparations sont en cours, mais l’approvisionnement en eau reste instable. La police a renforcé sa présence dans le nord, effectuant des perquisitions sans résultats probants. Les tensions ethniques pourraient s’exacerber si des accusations prématurées sont formulées.

Pour une fois, l’ensemble du Kosovo semble partager un consensus : il s’agit d’un acte de terrorisme. L’explosion survenue dans la nuit de samedi dernier, qui a causé de graves dommages au canal Ibar-Lepenac dans le nord du Kosovo, est perçue comme une attaque directe contre l’infrastructure essentielle du pays. Le Premier ministre Albin Kurti évoque un « groupe professionnel » appuyé et orchestré depuis la Serbie, bien que les preuves concrètes manquent encore à ce stade.

Les partis politiques ainsi que les ONG serbo-kosovares s’accordent également à condamner cet acte de sabotage. Toutefois, certains Serbes émettent des soupçons sur une éventuelle implication de Pristina, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un stratagème pour intensifier la pression sur la population serbe et favoriser son émigration. Là encore, aucune preuve tangible n’a été mise en avant.

Le canal en question fait partie d’un système vital qui transporte l’eau du fleuve Ibar vers le sud, servant à l’irrigation des terres agricoles, à la consommation d’eau potable et au refroidissement des centrales à charbon d’Obilic. Dans un pays déjà confronté à des problèmes d’approvisionnement en eau, ce système est de la plus haute importance. L’explosion a causé un large cratère dans le canal en béton, qui fonctionne comme un aqueduc à Zubin Potok. Il semblerait qu’environ 20 kilos de dynamite et des détonateurs étanches aient été utilisés pour réaliser cette destruction. Actuellement, les réparations sont en cours, mais l’approvisionnement en eau potable reste instable dans plusieurs régions.

Une présence policière renforcée dans le nord

La police spéciale du Kosovo a renforcé sa présence dans le nord, où la population est majoritairement serbe, suite à l’incident. Au cours des derniers jours, de nombreuses perquisitions ont été menées, entraînant plusieurs arrestations, bien que la plupart des personnes arrêtées aient été relâchées par la suite. Aucune piste sérieuse n’a encore été découverte, bien que des armes et des uniformes, y compris des combinaisons de combat russes, aient été saisis.

De nombreux responsables politiques au Kosovo, y compris le Premier ministre Kurti, en profitent pour émettre des hypothèses sur une possible implication russe dans cet acte de sabotage. Cette théorie s’inscrit dans une stratégie de communication plus large, où Kurti dépeint Belgrade comme un relais du Kremlin dans la région, assimilant le conflit avec la Serbie à une confrontation géopolitique entre la Russie et l’Occident.

Kurti fait également référence à l’incident survenu à Banjska en septembre dernier, où environ trois douzaines de Serbes armés avaient pris position dans un monastère, s’opposant aux forces de police pendant plusieurs heures. Le leader de ce groupe a réussi à fuir en Serbie et est actuellement en liberté conditionnelle, tandis que le procès à son encontre n’a pas encore eu lieu.

Une accusation risquée

Le président serbe Aleksandar Vucic a annoncé l’ouverture d’une enquête sur cet incident. Selon lui, ceux qui sont responsables de l’attaque contre l’approvisionnement en eau du Kosovo n’ont pas agi dans l’intérêt de la Serbie. Vucic a dénoncé les accusations formulées par Pristina comme de la propagande et espère pouvoir dévoiler les résultats de l’enquête d’ici la semaine prochaine.

Milica Andric Rakic, une jeune femme de 33 ans originaire de Zubin Potok et à la tête de l’ONG Nouvelle Initiative Sociale, exprime des doutes quant à l’identité des coupables. « Il est très probable que nous ne saurons jamais qui est derrière cet attentat », déclare-t-elle lors d’un entretien. Elle souligne que des extrémistes tant du Kosovo que de Serbie pourraient être impliqués. Ce qui l’inquiète, ce sont les répercussions politiques qui pourraient découler de cette attaque.

Pointer du doigt les Serbes comme responsables de cet acte, comme le fait Kurti, est à la fois prématuré et irresponsable. Tous les Kosovars comprennent l’importance cruciale de l’approvisionnement en eau dans le nord pour l’ensemble du pays. En insinuant que les Serbes sont des saboteurs, Pristina risque d’aggraver les tensions déjà délicates entre les différentes communautés ethniques.