L’industrie automobile traverse une crise marquée par des réductions d’effectifs et des fermetures d’usines, tandis que BMW semble mieux résister grâce à une gestion stratégique et à une flexibilité de production. Le changement de leadership avec Nicolas Peter, expert en finance, soulève des questions sur l’avenir de l’entreprise. BMW adopte une approche prudente face à l’électrique, tout en prévoyant de nouvelles voitures de la Nouvelle Classe, avec des innovations dans les technologies de batteries.
La Situation Actuelle de l’Industrie Automobile
La réduction d’effectifs, la fermeture d’usines et les délocalisations à l’étranger plongent l’industrie automobile dans une profonde crise. Chaque jour, de nouveaux rapports alarmants surgissent. Les mesures d’austérité chez VW entraînent des manifestations bruyantes, avec des grèves d’avertissement et des milliers d’employés dans les rues. Pendant ce temps, à Munich, le siège de BMW semble ignorer ce tumulte. Comment se porte réellement BMW ? Qu’est-ce qui le différencie de ses concurrents et lui permet de faire face à cette crise plus sereinement ? Quel est le rôle des Quandt, actionnaires majoritaires de l’entreprise ? L’expert automobile Ferdinand Dudenhöffer nous éclaire.
Leadership et Changement Stratégique chez BMW
ntv.de : La semaine dernière, il a été annoncé que Norbert Reithofer laissera sa place à Nicolas Peter à la tête du conseil de surveillance en mai. Reithofer a consacré 25 ans à BMW, dont 9 ans en tant que PDG. Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir de l’entreprise ?
Ferdinand Dudenhöffer : Ce changement est particulièrement intéressant car Nicolas Peter, également avec BMW depuis longtemps, est un juriste. Dans le passé, le groupe a été dirigé par des ingénieurs, ce qui a permis à BMW de développer l’un des systèmes de production les plus flexibles de l’industrie. Alors qu’autrefois, la priorité était donnée à l’optimisation de la capacité de production, Peter apporte une expertise en vente et en finance. Ce changement s’inscrit dans une vision à long terme, comme tout ce que fait BMW.
Ferdinand Dudenhöffer : On considère Peter comme un analyste avisé. En tant que responsable du contrôle de gestion, il a veillé à ce que BMW reste rentable durant la crise financière de 2009. Cette nomination d’un financier plutôt que d’un ingénieur est-elle une réponse à la crise actuelle ?
Les chiffres sont cruciaux, mais ils ne suffisent pas à sauver une entreprise. L’intelligence financière de Peter a sans doute joué un rôle pendant la crise de 2009, mais à mon avis, c’est la flexibilité de la production qui a réellement stabilisé BMW. Pendant ce temps, Mercedes a pris du retard, se retrouvant avec des voitures à vendre à des remises importantes.
Face à la tempête que traverse l’industrie, avec des réductions d’effectifs et des fermetures d’usines, BMW se contente pour l’instant de réduire les primes et les investissements. Cela suffira-t-il ?
Cela aide à maintenir les coûts sous contrôle, mais ce n’est pas encore suffisant pour produire de nouveaux véhicules. La question cruciale est de savoir où concevoir les voitures que les consommateurs désirent. Est-il vraiment possible de développer une voiture axée sur les logiciels à Munich, ou faut-il se tourner vers la Chine ? BMW possède un grand centre de développement en Chine, mais cela suffit-il ? À mon avis, la voiture du futur ne pourra être conçue qu’en Chine, où se trouvent des entreprises technologiques innovantes. L’Amérique ne représente pas une alternative viable, car elle reste encore attachée aux véhicules à combustion.
Alors que VW est en proie à de grands conflits sociaux, quelle est la situation chez BMW ?
BMW ne partage pas les mêmes difficultés que VW. Les problèmes de VW découlent de l’implication de l’État de Basse-Saxe. BMW, en revanche, est une entreprise autonome qui adapte ses capacités et ses effectifs en fonction du marché. On peut dire que BMW est une organisation dynamique, capable de produire plus ou moins selon les besoins. Sa stratégie privilégie la stabilité à long terme et une collaboration harmonieuse avec les syndicats, contrairement à VW, où les conflits sont fréquents.
BMW est souvent perçue comme en retard sur le marché de l’électrique. Pourquoi avoir opté pour une approche technologique ouverte ?
BMW adopte une approche plus conservatrice en matière de technologie par rapport à ses concurrents. Cela comporte un coût, car une ouverture totale ressemble à une forme d’assurance, mais cela peut également engendrer une prime. Chaque entreprise choisit sa voie. Elon Musk a pris des décisions différentes, tout comme le constructeur chinois BYD, qui adopte une approche diversifiée. En ce qui concerne BMW, elle propose des véhicules hybrides et entièrement électriques. La question demeure : quelle est la quantité de protection nécessaire et quel en est le coût ?
En rétrospective, était-ce sage de ne pas s’engager pleinement dans la mobilité électrique ?
Il est difficile de trancher cette question de manière générale. Chaque décision doit être évaluée en fonction des régions. En Chine, les ventes de voitures électriques de BMW sont aussi faibles que celles de VW et Mercedes. Concernant les véhicules à hydrogène, les perspectives demeurent limitées. Pour l’Europe, grâce à sa stratégie technologique ouverte, BMW pourrait être mieux positionnée que Daimler et VW, qui se sont concentrés sur l’électrique exclusif, surtout dans le contexte mouvant du Green Deal.
BMW prévoit de lancer l’année prochaine de nouvelles voitures électriques, appelées Nouvelle Classe. Cela pourrait-il bouleverser le marché ?
Il est intéressant de noter que BMW modifie sa stratégie concernant les batteries. Au lieu de cellules prismatiques, elle opte pour des cellules cylindriques, une décision probablement influencée par des considérations de sécurité et l’expérience de Tesla. BMW a fait d’importants investissements dans cette direction. Tout dépend maintenant des avancées que cela pourra offrir.