Cette année, un forum entre Shanghai et Taipei a conduit à un accord limité sur l’échange d’animaux de zoo et à une promesse vague de visites touristiques. Les échanges entre la Chine et Taïwan se sont réduits depuis 2016, exacerbés par les tensions politiques. Malgré des menaces militaires chinoises, le maire de Taipei a tenté de promouvoir un dialogue. Des manifestations ont eu lieu, soulignant la division d’opinion à Taïwan concernant les relations avec le continent.
Cette année, le forum entre Shanghai et Taipei a abouti à un accord limité concernant l’échange d’animaux de zoo, ainsi qu’une promesse floue de futures visites touristiques de Shanghai à Taipei. Toutefois, ces résultats concrets sont à peine remarquables.
Les échanges entre la Chine et Taïwan se réduisent
Lors de la rencontre récente entre le vice-maire de Shanghai, Hua Yuan, et le maire de Taipei, Chiang Wan-an, l’accent était davantage mis sur le symbolisme que sur des réalisations tangibles. En effet, ce forum, qui existe depuis 2010, représente un des rares vestiges d’une époque où les relations entre les deux rives du détroit de Taïwan se rapprochaient.
Depuis 2016, les échanges officiels sont suspendus, suite à l’élection de Tsai Ing-wen, présidente de Taïwan du Parti démocrate progressiste (DPP), qui est perçue par Pékin comme une séparatiste. Ce dernier a rompu tout contact, et le dialogue reste impossible même sous la présidence actuelle de Lai Ching-te.
Selon la sinologue Simona Grano, directrice du projet Taïwan à l’Université de Zurich, le forum Shanghai-Taipei revêt une signification nouvelle. « Étant donné qu’il s’agit officiellement d’une collaboration entre villes, cela permet de mettre temporairement de côté les tensions politiques entre Taïwan et la Chine », explique-t-elle.
Les menaces chinoises persistent
Malgré ce cadre apaisé, le maire Chiang a été critiqué pour avoir maintenu le forum en dépit des menaces continues de la Chine. La semaine dernière, l’Armée populaire de libération de Chine a réalisé d’importants exercices militaires, déclenchant un état d’alerte au sein des forces taïwanaises. Pendant la visite de la délégation de Shanghai, les militaires taïwanais ont également repéré des navires et des avions chinois à proximité de l’île.
Le maire Chiang a tenté d’aborder la menace chinoise avec des mots apaisants, exprimant le souhait d’un avenir où la paix prévaudrait sur le conflit, évoquant des temps où les lumières des bateaux de pêche brilleraient au coucher du soleil, loin des bruits des militaires.
Le dialogue avec la partie chinoise est facilité par le fait que Chiang est membre du Parti Kuomintang (KMT), qui prône des relations plus étroites avec le continent. Les relations entre Taïwan et la Chine avaient atteint un pic pendant la présidence de Ma Ying-jeou, également du KMT, entre 2008 et 2016.
Cependant, sous le gouvernement du DPP, qui détient le pouvoir national avec le président Lai, Chiang ne peut pas se positionner comme un médiateur. Les tensions entre les deux partis dominants de la politique taïwanaise rendent les relations complexes. Malgré les critiques du DPP concernant le forum, le gouvernement a néanmoins donné son accord pour l’événement, nécessitant l’approbation du Mainland Affairs Council, l’agence en charge des relations avec le continent.
« Cet événement montre que toutes les parties sont désireuses d’échanger », souligne Grano. Elle ajoute que dans le contexte tendu du détroit de Taïwan, le gouvernement de Lai cherche à démontrer sa responsabilité en encourageant le dialogue avec Pékin. Ignorer cette opportunité pourrait donner l’impression d’une position antagoniste aux yeux des États-Unis et de l’Europe, selon l’experte.
Des manifestations en toile de fond du forum
Le forum n’a pas été exempt de tensions, avec des provocations des deux côtés. Le gouvernement taïwanais a refusé l’entrée à 11 membres de la délégation de Shanghai. En réponse, les Chinois n’ont pas invité les députés locaux du DPP à un déjeuner qu’ils ont organisé.
Dès leur arrivée à Taipei, la délégation chinoise a été accueillie par des manifestants. L’hôtel où se tenait le forum était sous haute surveillance policière. Un manifestant, déguisé en Winnie l’Ourson, a été évacué, ce personnage étant souvent utilisé pour tourner en dérision le dirigeant chinois Xi Jinping.
Les manifestations actuelles ne peuvent pas être comparées à celles de 2014, lorsque le gouvernement KMT a tenté d’introduire un accord de libéralisation du commerce des services, suscitant une forte opposition des Taïwanais qui craignaient une emprise économique de la Chine sur leur démocratie. Après trois semaines d’occupation du parlement par des étudiants, le président Ma a dû abandonner son projet.
Il existe encore des groupes à Taïwan opposés à tout contact avec le continent, mais selon Grano, la majorité des Taïwanais voient d’un bon œil des forums comme celui de Shanghai. « Beaucoup comprennent l’importance de maintenir des relations avec le continent, au moins tant qu’il n’y a pas d’invasion », conclut-elle.