Les stéréotypes sur la génération Z : une analyse des idées reçues sur la paresse des jeunes

La génération Z est souvent perçue comme peu motivée, mais Enzo Weber démontre qu’elle participe activement au marché du travail, contredisant ces stéréotypes. Les évolutions économiques et sociales, notamment le télétravail et les nouvelles attentes professionnelles, appellent à une révision des pratiques en gestion des ressources humaines. Il souligne l’importance de la flexibilité, de l’innovation et de la formation pour mobiliser cette génération, tout en abordant les défis liés à l’allongement de la durée de vie professionnelle.

La Génération Z : Une Main-d’Œuvre Énergique

Un stéréotype persistant entoure la génération Z : on prétend que les jeunes ne sont pas motivés à travailler. Toutefois, la réalité est bien différente, comme l’affirme le chercheur Enzo Weber lors d’un entretien. Il souligne la nécessité d’une nouvelle approche en matière de gestion des ressources humaines.

La Réalité du Marché du Travail

Selon les recherches de votre institut, la génération Z est plus active sur le marché du travail que jamais au cours des dernières décennies. Peut-on vraiment la qualifier de paresseuse ?

Enzo Weber : Cette idée est sans fondement. En analysant les données mesurables, comme la participation au marché de l’emploi, il apparaît qu’il n’existe pas d’effet générationnel mais plutôt un effet lié au temps. Les générations reflètent leur époque, et le marché du travail actuel diffère considérablement de celui d’il y a 20 ans : la main-d’œuvre se raréfie, le choc du Covid a entraîné le télétravail, les conditions de vie ont évolué, et le modèle d’un seul revenu est presque obsolète. Tout cela ne peut pas être attribué à la supposée paresse de la génération Z.

Vous avez observé une augmentation de plus de six points de pourcentage du taux d’emploi des jeunes de 20 à 24 ans depuis 2015. Cela vous étonne-t-il ?

Pas vraiment, car les réseaux sociaux véhiculent souvent une image déformée de cette génération. Bien plus de jeunes poursuivent des études, ce qui pourrait indiquer une baisse de la participation au travail. En réalité, c’est tout le contraire qui se produit. Les clichés sur la génération Z sont facilement réfutables : leurs attentes en matière d’horaires de travail ne diffèrent pas de celles des générations précédentes, et ils ne changent pas d’employeur plus fréquemment. De plus, l’augmentation de l’emploi s’explique en grande partie par le fait que de nombreux jeunes occupent des postes tout en poursuivant leurs études, y compris dans des emplois protégés. Il n’y a donc aucune preuve de paresse, bien au contraire.

Malgré tout, l’économie traverse une crise, et certains attribuent cela à un manque de motivation au travail. Sommes-nous, en tant que société, trop paresseux ?

Non, nous ne sommes pas paresseux. La volonté de travailler est présente, mais les temps ont changé, et il est crucial d’adapter notre politique de gestion des ressources humaines. Nous devrions, par exemple, encourager des discussions sur le travail autonome, tant en termes d’horaires que de contenu.

Le futur chancelier Friedrich Merz a affirmé qu’une semaine de quatre jours et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée compromettraient notre prospérité. A-t-il raison ?

Cette question n’est pas pertinente. Tout d’abord, il est faux de penser que tout le monde aspire à une semaine de quatre jours, surtout si cela entraîne une baisse de salaire. Les gens préfèrent un modèle de travail flexible, basé sur des jours de travail choisis. De plus, on ne peut pas garantir la prospérité simplement en augmentant le temps de travail, car le temps est une ressource limitée. En revanche, nous pouvons accroître la productivité. Nous devons capitaliser sur notre main-d’œuvre en misant sur l’innovation, en investissant dans de nouveaux modèles d’affaires et en soutenant la numérisation et l’intelligence artificielle. Pour cela, il est essentiel de former les employés et d’éduquer les jeunes en conséquence. Les clés de la prospérité résident dans la technologie, les investissements, la formation, des conditions de travail adéquates, l’autonomie et la motivation. C’est exactement ce qui peut mobiliser la génération Z, avide de changement.

Devons-nous envisager une durée de vie professionnelle plus longue ?

Étant donné que l’espérance de vie augmente, il est raisonnable de penser que la durée du travail pourrait également s’allonger. Cependant, nous ne sommes même pas encore arrivés à la retraite à 67 ans, et de nombreuses personnes, notamment dans des métiers physiquement exigeants, ne parviennent pas à atteindre cet âge. Simplement relever l’âge de la retraite sans apporter de solutions à ces problématiques ne ferait qu’aggraver la situation. Je propose de former les personnes à temps pour des activités liées à leur profession. De plus, même après l’âge de la retraite, il existe des opportunités. Il est courant que les contrats de travail se terminent à cet âge, ce qui limite les possibilités. Il serait préférable que ces contrats ne prennent pas fin automatiquement, mais deviennent résiliables, permettant ainsi des discussions sur l’avenir. Étant donné que les générations plus âgées sont plus nombreuses, il existe un potentiel considérable à exploiter.

Le taux d’emploi de la génération Z continuera-t-il d’augmenter dans les années à venir ?

Le potentiel d’augmentation est limité. Je ne pense pas que nous devrions considérer l’augmentation du taux d’emploi des jeunes comme un objectif ou un critère de succès. La priorité devrait être donnée à une forte participation à l’éducation. Nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre et à une crise économique sans précédent. Cela signifie qu’il y a encore des recherches pour de nombreux postes, y compris des places d’apprentissage, mais aussi une diminution des nouvelles offres. Si je n’ai pas encore de travail et que peu de nouveaux postes sont à pourvoir, cela représente un défi, surtout pour les jeunes diplômés. L’avenir dépendra de notre capacité à transformer cette crise industrielle en opportunité de transformation économique.

Victoria Robertz a échangé avec Enzo Weber