La guerre en Ukraine a des conséquences dévastatrices sur les enfants, avec 7,5 millions d’entre eux touchés. Olena Roswadowska, experte en droits de l’enfant, souligne l’impact psychologique de ce conflit, entraînant dépression, apathie et difficultés scolaires. Les enfants s’adaptent aux dangers, mais leur développement social est compromis. Les parents doivent valider les émotions de leurs enfants pour les aider à surmonter les traumatismes, tout en faisant face eux-mêmes à leurs propres blessures psychologiques.
L’impact dévastateur de la guerre sur les enfants en Ukraine
Lorsque des pères perdent la vie sur le champ de bataille, des mères pleurent leurs partenaires, et des écoles ferment en raison des bombardements, les enfants subissent également les conséquences de la guerre. En Ukraine, où cette tragédie se déroule, se trouvent 7,5 millions d’enfants, dont environ 1,5 million vivent dans des zones sous occupation russe. Ils font face à des alertes à la bombe, des coupures de courant et des attaques de drones, tout comme les adultes de leur entourage.
Le témoignage d’Olena Roswadowska : une experte au service des enfants
Olena Roswadowska, spécialiste des droits de l’enfant, a consacré sa carrière à aider les jeunes touchés par le conflit en Ukraine depuis 2015. Elle a fondé l’organisation Voices of Children, qui offre un soutien psychologique à ces enfants. L’association emploie 100 psychologues à travers le pays.
Madame Roswadowska, quel est l’impact de la guerre sur les enfants en Ukraine ?
Les enfants s’habituent à des alarmes de sirènes incessantes, tandis que certains perdent des proches ou sont contraints de fuir leur domicile. Les plus jeunes souffrent de l’impossibilité d’aller à l’école maternelle, et pour les adolescents, perdre leur premier amour ou leurs amis en raison du conflit est particulièrement dévastateur. À un âge où les relations sociales prennent de l’importance, ces pertes sont d’un poids immense.
Comment les enfants réagissent-ils face à de tels chocs ?
Au début de la guerre, nous avons observé de nombreuses crises de panique. Aujourd’hui, alors que le conflit dure, ces premières réactions ont laissé place à des sentiments plus profonds et à des traumatismes durables.
Quels types de sentiments observons-nous ?
Des symptômes tels que la dépression, l’apathie, des pensées suicidaires, l’automutilation et des problèmes alimentaires sont courants. Ces symptômes révèlent des traumatismes profonds. Nombre d’enfants voient leur performance scolaire diminuer, conséquence directe du stress qui entrave leur capacité de concentration. Les plus jeunes deviennent souvent agressifs, se harcelant mutuellement, ce qui traduit les conflits qui secouent le pays et se reflètent dans leurs interactions.
Depuis 2015, vous œuvrez auprès d’enfants touchés par le conflit. En quoi votre travail a-t-il évolué depuis l’escalade de 2022 ?
Nous faisons face à un danger accru dans toute l’Ukraine, où il n’existe plus de zones sûres. Avant cette intensification, je pouvais organiser des camps d’été pour les enfants vivant à l’est, leur offrant une ou deux semaines de répit. Aujourd’hui, même dans l’ouest, les roquettes peuvent frapper à tout moment, rendant toute échappatoire impossible.
Avec de nombreux enfants n’ayant plus que des cours en ligne, quelles en sont les conséquences ?
Les enfants se retrouvent privés de compétences essentielles. Beaucoup développent des troubles du langage en raison du manque de communication, tandis que d’autres peinent à interagir avec leurs pairs, ce qui pose des risques de problèmes sociaux à l’avenir. La socialisation est cruciale, que ce soit à l’école ou à l’extérieur, et cela devient de plus en plus difficile dans certaines régions de l’Ukraine.
Que peuvent faire ces enfants pour compenser ces manques ?
Les parents d’enfants plus jeunes demandent souvent des thérapies du langage pour aider leurs enfants à surmonter leurs difficultés. Nous proposons également des thérapies artistiques et des sessions de groupe pour favoriser l’interaction. Cependant, la situation est alarmante : nous avons besoin de beaucoup plus de personnel, car la plupart des thérapeutes qualifiés ont fui le pays.
Plus d’un million d’enfants vivent dans des zones régulièrement bombardées. Comment gèrent-ils cela ?
Ils s’adaptent aux sirènes, tout comme nous, les adultes. Ils apprennent à reconnaître les bruits des drones et de l’artillerie, discernant si un projectile se rapproche ou s’éloigne. Une amie m’a raconté que sa fille, lors de l’approche d’un chasseur, s’est immédiatement jetée au sol en position de protection, démontrant une résilience surprenante.
Les enfants doivent grandir très vite en temps de guerre.
Effectivement, et leur perception de la situation est souvent très différente de celle des adultes. Tandis que ces derniers ressentent tristesse et colère en comparant la guerre à leurs propres expériences, les enfants n’ont souvent connu que cela. Ils acceptent la réalité telle qu’elle est. Parfois, lors de visites dans des villages dévastés, j’ai été frappée par leur capacité à trouver de la joie même dans les pires circonstances, comme lorsqu’ils s’exclament : « Allons faire de la luge, il neige si bien ! »
Cependant, les traumatismes de la guerre laissent des séquelles. Comment les parents peuvent-ils soutenir leurs enfants dans cette période difficile ?
Ils doivent apprendre à comprendre le traumatisme de leurs enfants et à établir un lien avec eux. Il est crucial que les parents prennent au sérieux les émotions de leurs enfants. Dire à un garçon de ne pas pleurer n’est pas la solution ; nous leur recommandons de valider les émotions pour permettre aux enfants de les traiter.
Les parents rencontrent-ils des difficultés à être présents pour leurs enfants traumatisés ?
Oui, souvent. Les parents eux-mêmes peuvent être traumatisés. Il est essentiel qu’ils en parlent avec leurs enfants, en leur disant par exemple : « Maman ne va pas bien en ce moment, mais nous surmonterons cela ensemble. » Une communication ouverte favorise une meilleure compréhension et connexion entre parents et enfants.