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Air France et Airbus seront jugés à partir de lundi à Paris, 13 ans après le crash d’un A330 peu après le décollage de Rio de Janeiro qui a entraîné la mort de 228 personnes. Les parties civiles espèrent obtenir des réponses de la part des deux géants de l’aviation, qui nient toujours tous deux la responsabilité de la catastrophe.
Après plus de 10 ans de procédure et une annulation de la décision du tribunal de classer l’affaire, Air France et Airbus seront jugés pour « homicide involontaire ». A partir de lundi, les deux géants de l’aéronautique comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils affronteront les familles des 228 passagers et membres d’équipage décédés à bord du vol AF447 Rio de Janeiro-Paris lors de son crash le 1er juin 2009.
Les parties civiles, prises depuis une décennie dans un labyrinthe judiciaire d’expertises et contre-expertises demandées par Airbus, attendent depuis longtemps ce procès hors norme.
« Nous sommes à la fois impatients et un peu anxieux que ce procès commence », confie Danièle Lamy, présidente de l’association Entraide et Solidarité AF447, qui a perdu son fils dans la tragédie. « Même si cela va nous replonger dans un moment extrêmement douloureux, ce procès est absolument essentiel pour honorer la mémoire des disparus et celle des familles », a-t-elle ajouté.
« Les familles des victimes souhaitent que l’entreprise et le constructeur européen soient reconnus coupables », indique Sébastien Busy, avocat représentant plusieurs parties civiles. « Jusqu’à présent, personne n’a été reconnu responsable, et les deux parties impliquées considèrent que cet accident n’était qu’une succession de mésaventures malheureuses. »
Pour les 476 parties civiles, cependant, le drame qui s’est déroulé outre-Atlantique est plutôt le résultat d’un enchaînement de dysfonctionnements, de négligences et d’un attentisme de la part d’Airbus et d’Air France.
« Le procès des morts »
Le Bureau d’enquête et d’analyse (BEA), une agence gouvernementale française chargée d’enquêter sur les accidents et incidents d’aviation, a mené une série d’enquêtes et en juillet 2012 a établi la série de défaillances humaines et techniques qui ont conduit à l’accident.
Le 31 mai 2009, l’Airbus A330 affrété par Air France décolle de Rio de Janeiro à destination de Paris. En quittant la côte brésilienne, les pilotes ont rencontré un phénomène météorologique fréquent connu sous le nom de » pot au noir « , une zone d’orage qui provoque de fortes turbulences et des températures froides.
Dans ces conditions extrêmes, du givre s’est formé sur les sondes Pitot, qui sont des tubes de nickel situés à l’avant de l’avion et qui fournissent en permanence des informations sur la vitesse de l’avion. En conséquence, les pilotes ont reçu de fausses données sur la vitesse de l’avion à partir des sondes défectueuses et ont donc cru que l’avion perdait de l’altitude.
Deux ans après le crash, la découverte des blocs noirs de l’avion a révélé des conversations de vol qui ont révélé un manque de compréhension au sein du cockpit. À l’époque, les pilotes n’avaient pas reçu de formation adéquate pour faire face à ce genre de situation.
Pour reprendre de l’altitude, ils tirent sur le manche pour cabrer l’avion, ce qui semble être la chose la plus logique à faire dans les circonstances. La manœuvre s’est avérée fatale, car le nez de l’avion était trop haut et sa vitesse trop faible. L’avion a atteint 38 000 pieds, a perdu sa portance dans les airs et est tombé comme une pierre. L’alarme « STALL » retentit et en moins de quatre minutes, l’A330 s’écrase dans l’océan Atlantique.
Au cours du procès, Airbus devrait insister une fois de plus sur le fait que le crash a été causé par une erreur du pilote afin de pouvoir se dégager de toute responsabilité. « Le procès se tient pour les morts, qui ne peuvent pas se défendre », explique Jean-Claude Guidicelli, qui représente le père de Clara Amado, une hôtesse de l’air décédée dans l’accident. « Mais dans la hiérarchie des responsabilités, il y a d’abord Airbus, qui aurait dû changer les sondes Pitot. »
L’attentisme d’Airbus
« Nous voyons le principal coupable comme Airbus, qui a sous-estimé le risque lié au gel des sondes et n’a pas pris en compte les incidents qui avaient eu lieu dans l’année précédant le crash », a déclaré Busy. « Il semble qu’Airbus ait attendu, espérant que rien ne se passerait. »
Un an avant le crash Rio-Paris, une vingtaine d’incidents liés à des sondes gelées avaient en effet été recensés et portés à la connaissance du constructeur. Ces événements ont été jugés suffisamment graves pour pousser certaines compagnies comme Air Caraïbes et XL Airways à remplacer les sondes Thalès de fabrication française par celles du constructeur américain Goodrich.
Pourquoi Air France n’a-t-elle pas fait de même ? Selon le BEA, la compagnie aérienne avait fait part de ses inquiétudes face à ces manquements à Airbus.
« Air France voulait garder Thalès parce que c’est une compagnie française », explique Guidicelli, qui estime que « des vies ont été sacrifiées sur l’autel de l’argent et des affaires ». Après la catastrophe, le modèle en question a été remplacé dans le monde entier.
Pendant les neuf semaines du procès, une question en particulier reviendra à plusieurs reprises : cet accident aurait-il pu être évité ? Les parties civiles sont convaincues qu’elle aurait pu : Airbus a été aveuglé par une confiance sans bornes dans la fiabilité de son A330, et Air France, de son côté, aurait dû mieux informer ses équipages sur les incidents où les sondes Pitot avaient mal fonctionné.
Mais après 10 ans de procédure, certaines familles de victimes doutent qu’elles obtiendront les réponses aux questions qui les hantent. « On risque d’assister à une nouvelle partie de ping-pong entre Air France et Airbus, qui s’accusent mutuellement », estime Guidicelli.
« Airbus se rétablirait un peu l’honneur s’il reconnaissait sa part de responsabilité dans l’accident », a déclaré Danièle Lamy du Entraide et Solidarité AF447 association.
Si le tribunal les juge responsables, Air France et Airbus pourraient être condamnées à des amendes pouvant aller jusqu’à 225 000 euros. Le procès doit se terminer le 8 décembre.
Cet article a été traduit de l’original en français.
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