Le drag, souvent perçu comme un art, se transforme en symbole de résistance face aux politiques anti-LGBT en Russie. Dans le documentaire “Queendom”, Jenna Marvin, artiste queer non binaire, lutte pour s’exprimer librement à Magadan, confrontée à l’intolérance et à des agressions. Ses performances flamboyantes cachent une vulnérabilité profonde, révélant les défis personnels qu’elle affronte. Ce film illustre comment l’art et l’activisme s’entrelacent, faisant de son existence une déclaration politique courageuse.
Le drag : Un Art en Résistance
Le drag ne devrait pas être un sujet de débat politique, encore moins un vecteur de radicalisme. Cependant, lorsque cet art est menacé par des politiques visant à l’effacer de la sphère publique — que ce soit au nom de la nation, de la religion ou de la protection des enfants — les artistes drag se retrouvent contraints de faire de leurs corps et de leurs performances des symboles de résistance. Dans le poignant documentaire d’Agniia Galdanova, “Queendom”, le spectateur est témoin de la transformation forcée de Jenna Marvin. Cette jeune artiste drag queer non binaire aspire à créer et à performer dans la sérénité, mais les politiques anti-LGBT de la Russie de Poutine l’obligent à redéfinir son parcours.
Une Vie de Résilience à Magadan
Jenna, une jeune femme russe élancée, se présente avec une tête entièrement peinte en blanc perle et des touches de maquillage noir et blanc qui évoquent un personnage de clown. Vêtue d’un corset, de bottes en cuir noir et d’un élégant manteau, elle commence sa journée par une séance photo dans un paysage hivernal. Cependant, cette banalité se transforme rapidement en un affrontement lorsque des agents de sécurité lui demandent de quitter un supermarché, arguant que sa tenue « perturbe la paix ». Cette scène met en lumière la réalité insupportable à laquelle Jenna fait face, alors qu’elle essaie simplement de vivre sa vie dans la ville froide et isolée de Magadan, loin de Moscou, un endroit qui s’est révélé tout aussi hostile à son expression artistique.
« Chaque fois que je sors en personnage, je me sens invincible, » déclare Jenna face à la caméra, affirmant sa détermination malgré les circonstances. Son art, riche en couleurs et en créativité, lui permet de sortir de l’ordinaire, que ce soit en se transformant en être extraterrestre dans le métro ou en évoquant une solitude poignante dans un parc d’attractions. Bien que la société la perçoive comme un « autre », le travail de Jenna cherche à revendiquer sa visibilité comme une forme de force, attirant près de 200 000 abonnés sur Instagram.
Cependant, derrière cette façade flamboyante se cache une vulnérabilité poignante. “Queendom” ne se contente pas de montrer les performances audacieuses de Jenna, mais explore également ses luttes personnelles — ses conflits avec ses grands-parents, ses peurs face aux démarches administratives pour les visas, et les moments de désespoir après des agressions motivées par la haine. Ces instants intimes sont entrelacés avec les costumes extravagants qu’elle porte, créant un contraste saisissant entre son art et sa réalité.
L’un des moments les plus touchants du film survient lors d’une performance qui tourne mal, où Jenna, vêtue d’un bodysuit sombre, laisse exploser ses émotions à travers une danse désespérée. La musique électronique de Toke Brorson Odin et Damien Vandesande accentue cette lutte intérieure alors qu’elle se débat dans une flaque d’eau, rendant visible la douleur derrière sa résilience. Être constamment en résistance est épuisant, mais c’est son seul choix face à un monde qui tente de la faire taire.
“Queendom” se présente comme un puissant témoignage d’une artiste queer et un appel à l’action. Le film démontre que l’art et l’activisme ne peuvent être dissociés, car l’existence même de Jenna est devenue une déclaration politique. En choisissant de vivre ouvertement et de partager son parcours avec le monde, elle utilise son art drag extravagant pour façonner une réalité où elle n’a plus à se cacher, mais où elle peut se lever et briller sans crainte.