Andrea Orcel face à un double défi : la prise de contrôle de Commerzbank et Banco BPM, au risque de perdre son poste.

Andrea Orcel face à un double défi : la prise de contrôle de Commerzbank et Banco BPM, au risque de perdre son poste.

Andrea Orcel, PDG d’Unicredit, lance une offensive d’acquisition sur la Commerzbank et la Banco BPM, suscitant des interrogations sur ses motivations. Bien qu’il prétende ne pas vouloir fusionner deux banques simultanément, la complexité des acquisitions, les résistances politiques et la réaction des conseils d’administration compliquent la situation. Orcel doit convaincre divers acteurs tout en naviguant dans un climat d’incertitude, où un échec pourrait entacher son héritage à la tête d’Unicredit.

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Andrea Orcel, le PDG d’Unicredit, affiche une confiance inébranlable. En septembre, il a lancé une offensive d’acquisition inattendue visant la Commerzbank allemande, et la semaine passée, il a également proposé d’acheter la Banco BPM italienne. Dans le milieu des banquiers d’investissement, où les egos sont souvent démesurés, le fait de tenter deux acquisitions hostiles en même temps est tout à fait exceptionnel. Cela soulève une question : s’agit-il d’un coup de génie ou d’une manifestation de mégalomanie ?

La Commerzbank : une taille imposante face à la BPM

Orcel affirme qu’il ne fusionnerait jamais deux banques simultanément. Pourtant, la réalité semble indiquer le contraire. La fusion d’une grande institution bancaire peut prendre plusieurs années, comme l’illustre l’expérience passée. Bien que l’ancien dirigeant de la banque d’investissement UBS souhaite intégrer d’abord la BPM, puis la Commerzbank, il est inévitable que des redondances majeures surviennent durant le processus.

Pourtant, la situation est loin d’être résolue. En Allemagne comme en Italie, l’opinion politique se montre sceptique, voire hostile, envers cette initiative. De plus, les directions des deux banques se sentent agressées. Bettina Orlopp, la dirigeante de la Commerzbank, fait preuve de diplomatie apparente et souhaite examiner d’abord une offre potentielle qui n’est pas encore formulée. De son côté, le conseil d’administration de la BPM a rejeté l’offre actuelle de 10 milliards d’euros. Unicredit prévoit de financer ces acquisitions à l’aide de ses propres actions et envisage une augmentation de capital à cette fin.

Concernant la Commerzbank, qui est environ deux fois plus grande que la Banco BPM, Orcel détient déjà 21 % des actions grâce à des actions et des produits dérivés. Toutefois, il a temporairement mis son projet d’acquisition en attente, prétendument par respect pour les élections fédérales imminentes. Il convient également de noter qu’en Allemagne, l’État possède 12 % de la Commerzbank.

L’acquisition de la BPM se révèle également complexe. Cette institution a été formée en 2017 par une fusion, ce qui signifie qu’elle dispose encore de deux sièges principaux, à Milan et Vérone. De plus, la Banco BPM a récemment annoncé l’acquisition de la société de gestion d’actifs Anima pour 1,6 milliard d’euros. Ce gestionnaire serait également un atout pour Unicredit, car des lacunes ont été identifiées dans sa gestion d’actifs.

En outre, le grand groupe français Crédit Agricole possède 9,2 % de la BPM, ce qui représente à la fois une opportunité et un risque pour Unicredit, selon que les Français souhaitent vendre ou nourrissent d’autres ambitions. Pour couronner le tout, la BPM a récemment acquis 5 % de l’ancienne banque en difficulté, Monte Paschi di Siena (MPS), auprès de l’État italien. À Rome, on espère qu’une prise de contrôle complète de la MPS pourrait donner naissance à un troisième grand acteur, aux côtés d’Intesa Sanpaolo et d’Unicredit, et ainsi stimuler la concurrence sur le marché bancaire italien.

Convaincre les parties prenantes : un défi de taille pour Orcel

Tout cela semble complexe, et c’est le cas. Orcel doit rallier quatre groupes essentiels : les politiciens influents, les directions des banques, l’autorité de régulation bancaire de la Banque centrale européenne, et les actionnaires des trois établissements de crédit concernés. Suite à l’annonce de sa deuxième tentative d’acquisition, les actions d’Unicredit ont chuté de près de 7 %. Bien qu’elles aient presque retrouvé leur niveau initial, cela constitue un avertissement clair de la part des actionnaires : ne pas aller trop loin.

Il est évident qu’Orcel n’envisage pas une acquisition basée sur le charme, mais plutôt une approche plus agressive pour faire croître Unicredit et améliorer son classement parmi les banques européennes. Que ces tentatives de deux acquisitions simultanées soient le signe d’un génie stratégique ou d’un excès de confiance, seul l’avenir le dira. Actuellement, de nombreux indicateurs suggèrent qu’Orcel pourrait se surcharger de responsabilités. Toutefois, il ne faut pas le sous-estimer. Si Orcel échoue dans ses deux projets, les conséquences pourraient être sévères, le laissant avec un héritage de désastre qui pourrait compromettre sa position de PDG d’Unicredit.

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