Au moins 50 personnes tuées lors de manifestations au Tchad, l’ONU demande une enquête

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Des affrontements meurtriers entre la police et des manifestants protestant contre la mainmise de l’armée sur le pouvoir ont éclaté au Tchad jeudi, faisant au moins 50 morts, dont des membres des forces de sécurité. Les Nations Unies ont condamné l’usage meurtrier de la force contre les manifestants et ont exigé qu’une enquête soit lancée.

Des centaines de manifestants se sont rendus dans la capitale N’Djamena et ailleurs pour marquer la date à laquelle l’armée avait initialement promis de céder le pouvoir, une période qui a été prolongée de deux ans.

Le Premier ministre Saleh Kebzabo a déclaré lors d’une conférence de presse qu’au moins 50 personnes avaient été tuées lors des manifestations à travers le pays et que des dizaines d’autres avaient été blessées. Il a également annoncé un couvre-feu nocturne.

Les décès sont principalement survenus dans la capitale N’Djamena et dans les villes de Moundou et Koumra, a-t-il indiqué, ajoutant qu’un couvre-feu nocturne resterait en place jusqu’au « rétablissement total de l’ordre » dans les points chauds de l’agitation.

Plus tôt jeudi, le porte-parole du gouvernement, Aziz Mahamat Saleh, avait déclaré à l’AFP qu' »une dizaine » de membres des forces de sécurité figuraient parmi les morts.

« Une manifestation interdite est devenue une insurrection », a-t-il déclaré.

Saleh a accusé les manifestants d’avoir attaqué des « bâtiments publics », notamment les bureaux du gouverneur, le siège du parti du Premier ministre et celui du président du parlement.

L’ONU, quant à elle, a condamné la violente répression des manifestants.

« Nous déplorons l’usage meurtrier de la force contre des manifestants au Tchad », a déclaré le bureau des droits de l’homme dans un tweet, exhortant les autorités de transition à « assurer la sécurité et la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique ».

« Les violations signalées doivent faire l’objet d’une enquête. Nous appelons au calme et à toutes les parties à faire preuve de retenue.

Barricades et incendies

Un journaliste de l’AFP a vu cinq corps sur le sol de l’hôpital Union Chagoua de la capitale, dont deux étaient recouverts du drapeau national tchadien et trois de draps blancs ensanglantés.

Le médecin-chef, Joseph Ampil, a par la suite confirmé à l’AFP que cinq individus étaient « morts par balles ».

Des nappes de fumée noire pouvaient être vues dans certaines parties de la ville et le craquement des grenades lacrymogènes pouvait être entendu.

Des barricades ont été érigées dans plusieurs quartiers et des pneus ont été incendiés dans les principales avenues pour bloquer la circulation.

Dans un bastion de l’opposition, les rues étaient désertes et jonchées de branches d’arbres et de tas de briques. Les écoles et les établissements universitaires ont été fermés, et de nombreux commerçants du centre-ville ont baissé leurs volets.

Le siège du parti UNDR du Premier ministre Saleh Kebzabo a également été attaqué par des manifestants « et partiellement incendié », a déclaré le vice-président de l’UNDR, Celestin Topona.

La France, l’ancienne puissance coloniale du Tchad, a condamné la violence, notant qu’elle comportait « l’utilisation d’armes létales contre des manifestants ».

« La France ne joue aucun rôle dans ces événements, qui relèvent strictement du domaine de la politique intérieure du Tchad », a déclaré le ministère des Affaires étrangères.

« De fausses informations sur la prétendue implication de la France sont sans fondement. »

Moussa Faki Mahamat, chef de la Commission de l’Union africaine, a publié un tweet pour « condamner fermement la répression » des manifestations et appeler à des moyens pacifiques pour surmonter la « crise » du pays.


Date clé

La violence fait suite à un forum national organisé par l’homme fort militaire Mahamat Idriss Deby Itno qui a prolongé son séjour au pouvoir.

Le général cinq étoiles de 38 ans a pris la relève en avril 2021 après que son père au poing de fer, Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis trois décennies, a été tué lors d’une opération contre les rebelles.

Le jeune Deby a depuis provoqué la colère de nombreuses personnes chez lui et embarrassé les partisans à l’étranger en restant au pouvoir au-delà de son délai initialement promis, qui aurait expiré jeudi.

« Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple », a déclaré Succes Masra, dont le parti Transformers faisait partie des groupes qui avaient appelé à la manifestation, sur Twitter.

« Les soldats du seul et unique général qui a refusé d’honorer sa parole et le jour où les 18 mois seront écoulés, c’est ainsi qu’il entend installer la dynastie (Deby) ».

La junte de Deby avait initialement déclaré qu’elle rétablirait le régime civil après 18 mois au pouvoir et il avait initialement promis de ne pas participer aux élections qui suivraient.

Mais à l’approche de cette échéance, un forum national organisé par Deby a remis les pendules à l’heure.

Le 1er octobre, la conférence a approuvé un nouveau délai « maximum » de 24 mois pour la tenue des élections.

Il a également nommé Deby « président de transition » et déclaré qu’il pourrait être candidat au scrutin.

Deby a prêté serment le 10 octobre, puis a nommé un soi-disant gouvernement d’union nationale dirigé par Kebzabo, un ancien journaliste de 75 ans et ancien opposant.

Un manifestant, Abass Mahamat, 35 ans, a déclaré avoir choisi d’exprimer sa colère face à « cette façade d’un dialogue qui enracine le système ».

« En 31 ans, nous n’avons vu aucun changement positif dans notre pays. »

Le vaste État aride du Sahel a connu une longue histoire de coups d’État et de troubles politiques depuis qu’il a obtenu son indépendance de la France en 1960.

Durant son long séjour au pouvoir, l’aîné Déby a repoussé plusieurs tentatives de renversement par des rebelles venus de Libye et du Soudan.

Il était soutenu par la France, qui le considérait comme un allié solide dans sa campagne contre le djihadisme au Sahel.

(FRANCE 24 avec AFP)



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