Aux mains des gangs

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Statut : 04.02.2023 03h30

En Haïti, l’État n’existe en grande partie que sur le papier. Dans la capitale, Port-au-Prince, des gangs criminels ont pris le contrôle de quartiers individuels. Les enlèvements et la violence sexuelle caractérisent la vie quotidienne.

Par Anne Demmer, ARD Studio Mexico

Lorsque Joël Janus veut traverser la capitale d’Haïti, Port-au-Price, il sait rarement jusqu’où il va. Des barrages routiers en feu empêchent régulièrement les gens de poursuivre leur route. Ils ne peuvent parfois plus faire la navette entre les différents quartiers contrôlés par des gangs concurrents.

Lui aussi, raconte le maire du bidonville de Cité Soleil au téléphone, a déjà été agressé par les gangs. Sa maison était occupée par des membres de gangs et sa femme a été kidnappée.

Maintenant, elle est à nouveau libre. Il a dû payer une rançon de 40 000 $. Depuis lors, les deux se sont cachés dans une autre partie de la ville. Mais même là, il ne sort presque jamais de la maison, dit le maire, de peur d’être agressé. Il n’est plus à l’abri des gangs depuis qu’il s’est prononcé contre la violence. Il craint pour sa vie.

Un terreau fertile pour la maladie et la violence

Dans sa partie de la ville, des tas d’ordures s’amoncellent le long des trottoirs, les restes fermentent au soleil entre les maisons. Environ cinq millions de personnes vivent à Cité Soleil dans des cabanes simplement constituées de bois dans un très petit espace, sans eau courante.

Un terreau fertile pour le choléra, qui malheureusement a de nouveau éclaté l’an dernier, mais ne s’est jusqu’à présent pas propagé extrêmement, contrairement à toutes les craintes. Un problème beaucoup plus urgent est la violence des gangs.

Le gouvernement et la police sont incapables d’assurer la sécurité. Au contraire : rien que la semaine dernière, au moins dix policiers ont été tués par des membres de gangs.

Les maisons sont pillées, incendiées. Les gens doivent fuir. Les enlèvements et les extorsions sont à l’ordre du jour. Tout comme la violence sexuelle.

Viol armé de femmes

Joe était dans le bus quand un gang a arrêté le chauffeur. La mère de famille de 37 ans rappelle que toutes les passagères auraient dû descendre. Presque toutes les femmes avaient été violées par des membres de gangs, parce qu’ils n’avaient pas assez d’argent avec eux.

Elle a dû aller à l’hôpital elle-même. Le viol des femmes est utilisé comme une arme dans cette guerre.

Les viols collectifs sont un événement quotidien horrible en Haïti. Joe veut aider d’autres femmes, elle travaille pour l’organisation SOFA. Celui-ci offre une aide psychologique aux femmes qui ont subi des violences sexuelles.

Jimmy Cherizier (au centre) est aujourd’hui l’une des personnes les plus connues d’Haïti – il est considéré comme le chef de gang le plus puissant du pays.

Image : dpa

La collusion est inévitable

Médecins Sans Frontières est l’une des rares organisations qui se déplace à travers le pays. Les employés doivent souvent négocier avec les patrons de gangs pour pouvoir s’occuper du tout de la population locale, explique le porte-parole Alexandre Marcou.

Les membres de gangs seraient également traités : « Ils savent qu’ils ont besoin de nous et qu’ils n’ont rien à payer pour cela. Ils dégagent les barricades pour nous afin que nous puissions passer. »

Néanmoins, il est également conscient du risque que le travail comporte, dit Marcou. En moyenne, MSF traite 110 blessés par balle en un mois.

Rien ne fonctionne – ni la police ni la justice

Les gangs ont pris le contrôle à 100% de Port-au-Prince, disent les gens dans les rues de la capitale. Les Nations Unies parlent de 60 %.

La situation est confuse, dit Rosy Auguste Ducena de l’organisation de défense des droits humains Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). La corruption est un énorme problème. Certaines parties de la police ont des liens étroits avec les gangs.

Bien sûr, l’incertitude est aussi liée au fait que le système judiciaire ne fonctionne pas. Les actes de violence resteraient impunis.

Chef d’Etat par intérim sans légitimité ?

Il y a des mois, le Premier ministre par intérim Ariel Henry a demandé à la communauté internationale d’intervenir. L’employé de l’organisation de défense des droits de l’homme critique le fait que le Premier ministre par intérim puisse encore compter sur le soutien de la communauté internationale. Cependant, il n’a aucune légitimité.

Henry serait associé à certains gangs, tout comme des sections de l’opposition.

Parfois, ce sont les policiers qui atteignent les barricades enflammées – comme ici à Port-au-Prince après que plusieurs policiers sont morts dans des coups de feu avec des membres de gangs.

Image : AFP

Appel à nouvelle intervention

Mais l’appel à l’intervention internationale se fait également de plus en plus fort parmi la population, en particulier dans les quartiers pauvres de la ville, qui souffrent principalement de la violence des gangs. Les organisations de la société civile, quant à elles, sont majoritairement favorables à une solution haïtienne à la crise.

Car le souvenir des engagements passés des casques bleus est trop présent. Des soldats de l’ONU ont violé des femmes, complices d’abus sur mineurs, selon des recherches. Les casques bleus apportaient le choléra.

Joe, 37 ans, a peu d’espoir d’un avenir meilleur pour son fils. « Les enfants qui grandissent maintenant seront obligés de porter des armes demain. Quand je regarde mon fils, il a maintenant trois ans, je ressens une profonde tristesse. »

Les gangs dominent Haïti

Anne Demmer, rbb, 3.2.2023 14:38

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