Avec des avancées et des revers, une année de lutte pour les droits des femmes


Des États-Unis révoquant le droit fédéral à l’avortement à l’Afghanistan imposant la burqa et interdisant progressivement aux femmes l’accès aux espaces publics, FRANCE 24 revient sur les principaux événements qui ont marqué la lutte pour les droits des femmes dans le monde au cours de l’année écoulée.

D’un continent à l’autre, les femmes ont à la fois franchi des étapes et rencontré des revers en 2022.

L’Iran a été dominé par des émeutes et des manifestations provoquées par la mort de Mahsa Amini, une jeune femme kurde iranienne décédée en détention après que la police des mœurs du pays l’a arrêtée pour avoir enfreint les lois sur le hijab.

En Afghanistan, plus d’un an après le retour au pouvoir des talibans, la situation devient de plus en plus préoccupante pour les femmes. Après plusieurs décennies de progrès social pour les femmes afghanes – et malgré les promesses des talibans, qui avaient déjà imposé une application ultra-rigide de l’islam entre 1996 et 2001 – elles sont à nouveau contraintes de porter la burqa et les filles sont interdites de fréquentation l’école.

La décision de la Cour suprême d’annuler Roe v. Wade, qui garantissait aux femmes américaines le droit constitutionnel à l’avortement, a suscité des débats et des protestations féroces aux États-Unis et au-delà. Les défenseurs du choix ont averti que les effets de la décision se feraient sentir dans le monde entier en enhardissant les militants anti-avortement, en particulier dans les pays en développement.

Mais le combat pour les droits des femmes s’est soldé par quelques victoires qui, même si elles paraissent parfois minimes, n’en sont pas moins symboliques.

FRANCE 24 revient sur les principaux événements qui ont marqué la lutte pour les droits des femmes dans le monde en 2022.

Février : la Colombie décriminalise l’avortement pendant les 24 premières semaines de grossesse

Des militants du droit à l’avortement célèbrent la décision de la Haute Cour colombienne de décriminaliser l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse à Bogota, le 21 février 2022. © Raúl Arboleda, AFP

Suivant les traces d’autres pays d’Amérique latine, le 21 février, la Cour constitutionnelle de Colombie a dépénalisé l’avortement au cours des 24 premières semaines de grossesse. Jusque-là, les femmes qui avortaient pouvaient être emprisonnées entre 16 et 54 mois dans ce pays majoritairement catholique.

Cette décision permet aux femmes de se faire avorter pour n’importe quelle raison jusqu’au sixième mois de grossesse.

Auparavant, cela n’était autorisé qu’en cas de viol, si la santé de la mère était en danger ou si le fœtus présentait une malformation incurable, selon une décision de justice de 2006, qui permettait également aux médecins de refuser de pratiquer des avortements sur la base de convictions personnelles.

La France prolonge la limite légale de l’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse

Sonia, 27 ans, se tient dans un centre de santé à Paris le 1er juillet 2022, ce qui permet aux femmes de pratiquer un avortement par aspiration (ou aspiration) sans aller à l'hôpital, ce qui signifie moins de paperasse et moins d'anxiété.
Sonia, 27 ans, se tient dans un centre de santé à Paris le 1er juillet 2022, ce qui permet aux femmes de pratiquer un avortement par aspiration (ou aspiration) sans aller à l’hôpital, ce qui signifie moins de paperasse et moins d’anxiété. © Geoffroy Van der Hasselt, AFP

Dans les tuyaux depuis octobre 2020, un projet de loi interpartis visant à étendre le délai légal d’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse a été voté au parlement le 23 février avec 135 voix pour, 47 contre et 9 abstentions. « Aujourd’hui est un jour important pour la santé sexuelle et reproductive et un jour important pour la santé des femmes », avait alors déclaré l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran.

Mars : Le régime taliban dépouille les droits des femmes afghanes

Des femmes vêtues de burqa passent devant une banderole placée par les autorités talibanes demandant aux femmes de porter le hijab, à Kandahar le 16 juin 2022.
Des femmes vêtues de burqa passent devant une banderole placée par les autorités talibanes demandant aux femmes de porter le hijab, à Kandahar le 16 juin 2022. © Javed Tanveer, AFP

Les femmes disparaissent progressivement de la sphère publique en Afghanistan car elles sont privées d’éducation, contraintes de porter la burqa et bannies de la politique et des médias. Le régime taliban a mis en place une version rigoureuse de la charia qui laisse peu de place aux femmes, qui représentent plus de la moitié de la population.

Le 23 mars, les filles initialement autorisées à retourner à l’école après que les talibans ont décidé de rouvrir les écoles secondaires ont été invitées à rentrer chez elles quelques heures plus tard. L’Afghanistan est ainsi devenu le seul pays au monde où les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école secondaire.

Depuis l’entrée en vigueur d’un décret le 7 mai, les femmes afghanes sont à nouveau contraintes de porter la burqa.

« Les femmes qui ne sont pas trop âgées ou trop jeunes doivent se couvrir le visage, sauf les yeux, conformément aux directives de la charia, afin d’éviter toute provocation lors de rencontres avec des hommes qui ne sont pas mahram (parents masculins adultes proches) », lit-on dans le décret, annoncé par le chef taliban Haibatullah Akhundzada.

En novembre, le ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice a publié un nouvel ensemble de règles : les femmes sont désormais interdites d’accès aux gymnases, piscines, parcs et jardins. Auparavant, des heures et des jours distincts avaient été réservés pour éviter que les hommes et les femmes ne se croisent.

Juin : la Cour suprême des États-Unis annule le droit à l’avortement

Des femmes tiennent des pancartes pour protester contre la décision de la Cour suprême dans l'affaire Dobbs contre Jackson Women's Health le 24 juin 2022 à Atlanta, en Géorgie.  La décision de la Cour dans l'affaire Dobbs contre Jackson Women's Health annule l'affaire Roe contre Wade, vieille de 50 ans, supprimant un droit fédéral à l'avortement.
Des femmes tiennent des pancartes pour protester contre la décision de la Cour suprême dans l’affaire Dobbs contre Jackson Women’s Health le 24 juin 2022 à Atlanta, en Géorgie. La décision de la Cour dans l’affaire Dobbs contre Jackson Women’s Health annule l’affaire Roe contre Wade, vieille de 50 ans, supprimant un droit fédéral à l’avortement. © Elijah Nouvelage, AP

La Cour suprême des États-Unis, dominée par les conservateurs, a voté le 24 juin pour annuler la décision historique de 1973 Roe contre Wade, qui avait garanti aux femmes américaines le droit constitutionnel à l’avortement pendant près d’un demi-siècle.

Bien que la nouvelle décision ne rende pas les avortements illégaux, elle laisse à chaque État le soin de réglementer ou d’interdire l’avortement, comme c’était le cas aux États-Unis avant la décision Roe vs Wade.

Treize États avaient des «interdictions de déclenchement» sur les avortements conçus pour prendre effet peu de temps après une inversion Roe. Quatorze États ont depuis interdit ou pour la plupart interdit la pratique, selon le Washington Post, et sept autres ont vu de nouvelles restrictions sur l’avortement bloquées par les tribunaux.

Au total, 26 États sont susceptibles d’interdire l’avortement, selon l’Institut Guttmacher, qui recueille des informations sur les statistiques de naissance et d’avortement aux États-Unis et dans le monde. Dix-sept États et le District de Colombie ont actuellement des lois garantissant le droit à l’avortement.

Septembre : l’Iran se soulève après la mort de Mahsa Amini en détention

  Sur cette photo prise par un individu non employé par l'Associated Press et obtenue par l'AP hors d'Iran, des Iraniens protestent contre la mort de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs, à Téhéran, le 1er octobre 2022.
Sur cette photo prise par un individu non employé par l’Associated Press et obtenue par l’AP hors d’Iran, des Iraniens protestent contre la mort de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs, à Téhéran, le 1er octobre 2022. ©AP

Le 16 septembre, Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, est décédée en détention trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour ne pas avoir correctement respecté le code vestimentaire strict imposé aux femmes portant le hijab en public.

Depuis lors, une vague de manifestations – d’abord dans les provinces puis à Téhéran – s’est poursuivie sans relâche malgré la répression gouvernementale.

Le slogan « Femme, vie, liberté » est devenu un cri de ralliement et des manifestations de soutien aux femmes iraniennes ont éclaté dans le monde entier.

Des manifestantes en Iran sont allées tête nue, ont brûlé leur foulard ou se sont coupé les cheveux en signe de protestation.

Mais de nombreux manifestants ont payé le prix ultime. Plus de 300 personnes sont mortes depuis le début des manifestations, selon les autorités, et des milliers d’autres ont été arrêtées. Plusieurs des personnes inculpées ont été condamnées à mort en lien avec les manifestations ; le 8 décembre, un homme de 23 ans a été le premier exécuté, provoquant l’indignation de la communauté internationale.

Au moins 21 personnes ont été condamnées à mort, selon Amnesty.

Le plus haut tribunal indien reconnaît le droit des femmes célibataires à l’avortement et le concept de viol conjugal

Sur cette photo prise le 6 avril 2016, 'Meera', victime de viol conjugal, pose, assise dehors près de chez elle à New Delhi.
Sur cette photo prise le 6 avril 2016, ‘Meera’, victime de viol conjugal, pose, assise dehors près de chez elle à New Delhi. © Chandan Khanna, AFP

Les féministes en Inde ont applaudi deux avancées majeures en matière de droits des femmes cette année. Le plus haut tribunal de l’Inde a déclaré le 29 septembre que les femmes non mariées ont également le droit à un accès sûr et légal à l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse.

Il s’agit d’une « reconnaissance révolutionnaire » des droits des femmes, selon les militants, car elle supprime la distinction dépassée entre les femmes mariées et célibataires.

La Cour suprême a également annoncé qu’il n’y aurait plus de distinction entre viol et viol conjugal. Suite à cette décision, le tribunal a déclaré que la définition du viol doit inclure le viol conjugal dans la loi sur l’interruption médicale de la grossesse. Cela a été considéré comme une avancée majeure dans un pays largement patriarcal où la loi stipule actuellement que les relations sexuelles entre un homme et sa femme ne peuvent être considérées comme un viol si elle a plus de 15 ans.

La Haute Cour de Delhi examinait depuis janvier une requête déposée par deux organisations de défense des droits des femmes pour faire reconnaître et criminaliser le viol conjugal.

Une cour d’appel régionale a confirmé en mars les poursuites contre un homme qui avait violé sa femme. Le juge de Bangalore (la capitale de l’État indien du sud du Karnataka) a rejeté son appel, déclarant que ne pas punir le viol conjugal violerait le principe garanti par la Constitution d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes.

Novembre : L’Assemblée nationale française vote l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution

Les manifestants tiennent des banderoles lisant "l'avortement est un droit fondamental"  devant la Tour Eiffel alors qu'ils participent à un rassemblement appelant à ce que le droit à l'avortement soit protégé par la Constitution à Paris le 2 juillet 2022.
Des manifestants brandissent des banderoles indiquant « l’avortement est un droit fondamental » devant la Tour Eiffel alors qu’ils participent à un rassemblement appelant à ce que le droit à l’avortement soit protégé par la Constitution à Paris le 2 juillet 2022. © Christophe Archambault, AFP

L’Assemblée nationale de la chambre basse a voté en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française le 24 novembre, adoptant ainsi (par 337 voix contre 32) une proposition de La France Insoumise (LFI), le parti politique populiste de gauche français, qui a été soutenu par la majorité.

LFI a mis en avant ce texte consacrant le droit à l’avortement pour « se protéger d’une régression » face au recul du droit à l’avortement aux Etats-Unis et ailleurs en Europe, selon la dirigeante du groupe Mathilde Panot, qui a dédié cette « victoire historique » aux femmes de les États-Unis, la Pologne et la Hongrie.

Décembre : l’Espagne vote pour introduire le congé menstruel

Dans cette image publiée le 17 mai 2022 par le bureau de presse du Premier ministre espagnol, La Moncloa, la ministre espagnole de l'égalité Irene Montero s'exprime lors d'une conférence de presse à la suite d'une réunion hebdomadaire du cabinet à Madrid.
Dans cette image publiée le 17 mai 2022 par le bureau de presse du Premier ministre espagnol, La Moncloa, la ministre espagnole de l’égalité Irene Montero s’exprime lors d’une conférence de presse à la suite d’une réunion hebdomadaire du cabinet à Madrid. © Borja Puig de la Bellacasa, AFP

Un projet de loi sur les congés menstruels pourrait faire de l’Espagne le premier pays européen à proposer des congés payés financés par l’État aux femmes souffrant de règles douloureuses et de problèmes de santé associés, à l’instar du Japon, de l’Indonésie et de la Zambie.

Le projet de loi, qui a été approuvé par la coalition de gauche au pouvoir en mai et par le parlement en décembre, renforcerait également les droits à l’avortement, car le gouvernement espère garantir l’accès à tout le pays et mettre fin au tabou sur les menstruations.

Cet article a été traduit de l’original en français.



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