Buy European Act : une réponse efficace à l’Inflation Reduction Act américain ?


La dernière réunion du Conseil de l’UE a vu les premières mesures prises vers un plan industriel européen Green Deal, et des discussions sont en cours sur un « Buy European Act » encore vaguement défini. Cependant, tous ne sont pas favorables à cette nouvelle forme de protectionnisme vert.

Quelques mois avant que la Commission européenne ne conçoive le nouveau plan industriel Green Deal, Emmanuel Macron avait exprimé son soutien à un « Buy European Act », qui, dans sa forme la plus pure, créerait une préférence pour les entreprises européennes lors des appels d’offres publics.

« L’Europe ne peut pas être le seul endroit où il n’y a pas de ‘Buy European Act' », avait-il déclaré à l’époque – en référence au « Buy American Act », qui est en place aux États-Unis depuis 1933.

Les conversations autour d’un « Buy European Act » ne sont pas nouvelles, mais le contexte actuel lui donne une visibilité renouvelée, avec une attention croissante sur ce à quoi ressembleraient les contours d’un tel acte.

Le 1er février, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé un plan industriel vert européen destiné à atténuer les effets les plus néfastes de la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) – un plan d’investissement américain de 430 milliards de dollars fournissant des subventions aux industries vertes telles que les fabricants de batteries pour voitures électriques et panneaux solaires.

L’IRA contient également de nouvelles règles de « contenu local », qui subordonnent en pratique l’octroi des aides d’État et des crédits d’impôt américains à l’obligation de délocaliser une partie de la production sur le sol américain. De telles stipulations constituent en fin de compte une violation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – une question que la Commission n’a que partiellement abordée.

Le bref — Achetez européen !

L’Europe discute de politique industrielle verte – et une fois de plus, de nouvelles subventions et une nouvelle dette de l’UE sont à l’ordre du jour. Mais les pays de l’UE subventionnent déjà massivement les parcs éoliens, les panneaux solaires et les voitures électriques avec des milliards – alors qu’est-ce qui ne va pas ?

La nécessité d’une « préférence européenne »

Alors que le plan industriel Green Deal a été largement approuvé par les dirigeants de l’UE lors du Conseil européen des 9 et 10 février, certains soutiennent que la Commission doit aller plus loin et développer un programme de « préférence européenne » – « protectionnisme vert », comme Jacques Fernique, un sénateur vert de France, l’a surnommé.

L’Europe doit-elle revoir ses règles en matière de marchés publics afin de favoriser explicitement les entreprises européennes ? Ou la Commission doit-elle répondre aux règles américaines de « contenu local » par les siennes, même si elle finirait par prendre ses distances avec l’OMC ?

Aujourd’hui, les appels d’offres publics en Europe sont ouverts à toutes les entreprises, qu’elles soient européennes ou de pays tiers. L’appel d’offres est ensuite attribué au meilleur soumissionnaire, c’est-à-dire celui qui coûte le moins cher, tout en respectant un certain nombre de critères environnementaux et sociaux, définis dans la législation européenne pertinente.

« Les critères environnementaux et sociaux pour les appels d’offres publics devraient être rendus plus stricts, et les organismes publics de l’UE devraient pouvoir, dans la mesure du possible, accorder une préférence aux entreprises européennes », a déclaré Fernique à EURACTIV.

Le point de vue est partagé par Stéphanie Yon-Courtin, l’une des principales législateurs de l’UE sur la question pour le groupe centriste Renew, qui a déclaré que « lorsque des fonds européens sont investis, nous devrions ‘acheter européen’ en priorité » en réponse aux questions d’EURACTIV.

Entre-temps, une proposition de résolution au Parlement européen, qui sera débattue par les parlementaires mercredi 15 février, soutient une stratégie « Made in Europe », dont tous les États membres bénéficieraient de la même manière.

Bien que les détails ne soient pas étoffés, l’intention est de soutenir les efforts visant à donner la priorité aux entreprises européennes, d’une manière qui n’entraîne pas de distorsions de concurrence entre les États membres.

« La réponse de l’Union aux régimes de soutien à l’innovation mis en place par les pays tiers devrait être efficace, proportionnée, ciblée […] et protéger les fondements du marché intérieur de l’Union », lit-on dans la résolution.

Du côté des entreprises, 15 start-up, dirigées par France Numériquea appelé à une révision des règles de l’UE en matière de marchés publics dans une note publiée la semaine dernière.

France Numérique estime qu’il est impératif de créer un terrain fertile pour l’innovation technologique et écologique dans les marchés publics, et que « l’innovation doit être analysée sous l’angle de la valeur ajoutée à l’économie européenne », mais a averti que les règles existantes ne vont pas assez loin dans cet égard.

FUITE : la Commission détaille un système de subventions de contrepartie pour l’industrie verte

Quelques jours à peine après que la Commission a présenté son nouveau plan industriel Green Deal pour contrer les subventions étrangères à l’industrie propre, une communication divulguée détaille toute l’étendue de la flexion temporaire des règles en matière d’aides d’État dans tout le bloc, y compris une règle pour empêcher un Allemand seul.

« Contre l’ADN de la Commission »

Cependant, une stratégie dédiée à la « préférence européenne » n’est pas du goût de tout le monde.

« Cela va à l’encontre de l’ADN de la Commission », a déclaré à EURACTIV Michel Petite, associé du cabinet d’avocats Clifford Chance et ancien directeur général du service juridique de la Commission européenne.

Selon lui, l’Europe dispose déjà d’une boîte à outils juridique adéquate pour faire face aux distorsions de concurrence avec les pays tiers, notamment les États-Unis et la Chine.

L’instrument international pour les marchés publics (IPI), par exemple, vise à restreindre l’accès aux marchés publics européens pour les entreprises de pays tiers lorsque les entreprises européennes ne bénéficient pas du même niveau d’accès dans ces pays tiers. La France s’est félicitée de l’adoption de cette clause de réciprocité en 2022.

Un nouveau règlement sur les subventions étrangères (FSR) a également été introduit le 12 janvier, imposant aux entreprises l’obligation de notifier toute contribution financière d’un acteur étatique d’un pays tiers dont elles pourraient bénéficier, à condition que la contribution soit d’au moins 50 millions d’euros, ou que le chiffre d’affaires de l’entreprise est de 500 millions d’euros.

L’adoption de mesures protectionnistes plus intenses, soit par le biais de marchés publics, soit par le biais de dispositions sur le contenu local, enverrait ainsi un « signal qui va à l’encontre de l’approche équilibrée de la Commission et de la lutte contre l’isolationnisme régional », a déclaré Petite.

Un avis similaire est exprimé par Sébastien Jean, professeur d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), qui estime que la question des marchés publics et des clauses de « contenu local » n’est pas pertinente.

« La Commission ne s’engagera pas dans cette voie car elle viole clairement ses engagements envers l’OMC », a-t-il déclaré.

Au lieu de cela, il a suggéré d’utiliser davantage les outils existants, tels que les « mesures compensatoires », qui s’appliquent à tout produit d’un pays tiers ayant bénéficié d’une subvention déloyale. Le droit compensateur vise à corriger les effets d’un tel déséquilibre artificiel.

Même la secrétaire d’État française à l’Europe, Laurence Boone, refuse de parler de protectionnisme, préférant une « stratégie Made in Europe » et des « clauses miroirs » destinées à « protéger la santé et l’environnement » des Européens.

Le débat est donc ouvert et les dirigeants de l’UE prévoient de le reprendre lors d’une réunion du Conseil européen fin mars. L’objectif est de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe et d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050 tout en évitant les distorsions de concurrence entre les États membres.

[Edited by János Allenbach-Ammann/Nathalie Weatherald]

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