Depuis près de 30 ans, la conférence climatique de l’ONU réunit près de 200 nations, mais les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Les experts, comme le climatologue Mojib Latif, soulignent l’inefficacité de ces rencontres, appelant à des actions concrètes. Malgré des objectifs climatiques plus ambitieux depuis Paris 2015, la mise en œuvre reste problématique. Les discussions sur d’autres plateformes comme le G20 sont suggérées, tout en reconnaissant l’importance d’un engagement collectif face aux lobbys fossiles.
Depuis près de trois décennies, presque 200 nations se rassemblent chaque année pour la conférence climatique de l’ONU. Cependant, les émissions de gaz à effet de serre continuent de grimper. Ces rencontres peuvent-elles vraiment avoir un impact sur la sauvegarde de notre climat ?
Quand on interroge l’un des climatologues les plus influents d’Allemagne, sa réponse est immédiate : ‘Aucune attente.’ Mojib Latif, météorologue et expert en climat au GEOMAR Helmholtz-Zentrum für Ozeanforschung à Kiel, évoque l’augmentation ‘explosive’ des émissions de CO2, qui ont crû de 60 % depuis le début des conférences. Il plaide pour des actions concrètes plutôt que des discussions : ‘Ces conférences sont devenues des placebos pour donner l’illusion que les politiques se préoccupent du climat.’
Les événements climatiques extrêmes témoignent de limites atteintes par notre société, et beaucoup se sentent submergés par la gravité du sujet.
Un objectif de température depuis Paris 2015
La conférence de 2015 à Paris aurait dû représenter un tournant décisif, selon Lutz Weischer, directeur du bureau berlinois de l’organisation environnementale Germanwatch. Avant cette rencontre, une hausse de température de trois à quatre degrés semblait inévitable. Désormais, nous visons une augmentation de 2,7 degrés. ‘C’est déjà une réduction d’un degré,’ souligne-t-il. Ces données, fournies par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, renforcent l’argument de Weischer, même si une limitation à près de trois degrés entraînerait encore des conséquences dramatiques.
Weischer suit les conférences climatiques depuis une décennie, et pour lui, chaque édition est cruciale. La présence de chefs d’État, de journalistes et d’activistes crée une pression indispensable. ‘Si le secrétaire général de l’ONU me dit que ma politique climatique est insuffisante, cela incite également les politiciens à agir,’ explique-t-il.
Les données scientifiques actuelles montrent qu’aucun changement significatif n’est prévu concernant les émissions des combustibles fossiles.
Instaurer une pression constructive
L’accord de Paris stipule que les États doivent réévaluer leurs objectifs climatiques tous les cinq ans, en les rendant idéalement plus ambitieux. Cette pression au niveau international a même incité certains régimes autoritaires à s’engager.
La Chine, par exemple, souhaite atteindre un pic d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et viser la neutralité carbone d’ici 2060. ‘La volonté de bien se positionner sur la scène internationale est également partagée par les États autocratiques,’ note Weischer.
La 29e conférence climatique de l’ONU débute sous des conditions difficiles à Bakou.
Explorer d’autres plateformes comme le G20 ou le G7
Cependant, les prévisions de réchauffement climatique n’ont guère progressé, et la mise en œuvre reste problématique. Latif propose de se tourner vers d’autres forums. Les pays du G20, représentant presque 80 % des émissions mondiales, pourraient être une plateforme plus efficace : ‘Des collaborations pourraient être établies au sein de ce groupe,’ suggère-t-il. Cela permettrait un bénéfice mutuel entre les membres, y compris l’Allemagne.
Un avantage majeur des conférences climatiques réside dans leur inclusivité, où toutes les nations, y compris les plus petites, peuvent participer. ‘Si je déplaçais les discussions uniquement vers le G20, je perds les pays qui sont souvent les plus ambitieux,’ indique Weischer. Ces petits États, souvent en Afrique centrale, subissent de plein fouet les effets du changement climatique et réclament des objectifs ambitieux. ‘Mais je serais toujours confronté à des freins comme la Russie ou l’Arabie saoudite, membres du G20.’
Les recours climatiques, un signe d’espoir
Malgré un processus inclusif et la pression sur la scène internationale, le défi de l’application reste présent. Weischer aperçoit une lueur d’espoir : même si les Nations Unies ont peu de moyens de sanctionner, une tendance vers des recours juridiques liés au droit international s’est récemment manifestée. ‘Les juges sont conscients que le droit international engage les pays,’ affirme-t-il, citant le jugement marquant de la Cour constitutionnelle fédérale de 2021 concernant l’objectif de 1,5 degré fixé à Paris.
Des nouvelles récentes du monde scientifique continuent d’informer sur le climat, la santé, la technologie et la recherche.
COP28 : Un défi face aux lobbys fossiles
Bien que les appels à l’action se multiplient, Weischer souligne qu’il reste un long chemin à parcourir. Les conférences climatiques ont pris une ampleur croissante, abordant des enjeux variés tels que les finances et l’agriculture. Cependant, les Nations Unies doivent être plus vigilantes face à l’influence des lobbys d’entreprises qui profitent d’un modèle économique néfaste pour le climat. ‘Il serait bénéfique d’établir des règles plus strictes concernant la présence de ces entreprises, qu’il s’agisse de compagnies pétrolières, d’agriculture conventionnelle ou de plastiques,’ ajoute-t-il.
Il est évident que la protection du climat ne peut se réaliser qu’avec un engagement collectif. Les conférences climatiques peuvent jouer un rôle clé, mais la mise en œuvre rapide des initiatives demeure cruciale. Car, comme le rappellent constamment les climatologues : chaque fraction de degré compte !
Ce sujet a été rapporté par Deutschlandfunk le 13 novembre 2024 à 06h00.