Des algues, des pois et de la racine de konjac ont donné naissance à Vrimp, une crevette végétalienne testée par Nestlé. Malgré des attentes élevées pour les alternatives végétales, le marché montre des signes de stagnation, avec des baisses de ventes pour des entreprises comme Beyond Meat. Les critiques sur les ingrédients transformés et le goût insatisfaisant des substituts affectent leur réputation, malgré un intérêt croissant pour les produits végétaliens en Suisse.
Quelles créations peuvent émerger des algues, des pois et de la racine de konjac ? La réponse est : une crevette végétalienne, plus précisément nommée « Vrimp », un produit testé par Nestlé sur le marché il y a trois ans.
À l’époque, les attentes étaient élevées – voire énormes – pour ces alternatives végétaliennes. L’idée que des millions de consommateurs pourraient abandonner la viande et le poisson au profit de protéines de pois et de jacquier semblait à portée de main. Des entreprises pionnières comme Impossible Foods et Beyond Meat étaient acclamées comme les leaders d’un futur durable et végétalien, attirant l’attention d’investisseurs notables tels que Bill Gates et Leonardo DiCaprio.
Nestlé, en tant que plus grand groupe alimentaire mondial, souhaitait également s’impliquer dans cette révolution. Avant de lancer le Vrimp, l’entreprise avait introduit le Vuna, un thon végétalien, suivi par le Voie gras, une alternative végétalienne au foie gras. À Vevey, on était convaincu que les substituts de viande végétaliens allaient devenir « la prochaine grande tendance ».
Cependant, en seulement trois ans, la donne a complètement changé. Le Vrimp ? Il est resté à l’état de prototype. Beyond Meat ? L’entreprise peine à maintenir sa place. Quant à l’engouement pour les produits de substitution de viande, il s’est transformé en un petit engouement.
Des pertes inquiétantes pour Beyond Meat
Le marché des substituts de viande est en stagnation. Bien que le chiffre d’affaires de ces produits ait connu une forte croissance au cours des six dernières années, il représente actuellement 87 millions de francs, plaçant ce segment au deuxième rang du marché suisse des substituts (derrière les produits laitiers avec 134 millions de francs). Malheureusement, les ventes sont en déclin depuis deux ans. Selon les données de Nielsen, le chiffre d’affaires des alternatives à la viande a diminué de 1,5 % l’année précédente. Les détaillants Coop et Migros constatent également que la croissance de cette catégorie de produits est presque à l’arrêt après des années d’expansion.
La situation est particulièrement préoccupante pour Beyond Meat, une ancienne figure de proue du secteur. L’entreprise californienne, célèbre pour ses burgers à base de pois, enregistre des pertes financières trimestre après trimestre. La flamboyante valorisation boursière qui atteignait des milliards appartient désormais au passé, l’action ayant chuté de 234 dollars en juillet 2019 à seulement 5 dollars aujourd’hui.
Les coûts opérationnels de l’entreprise sont élevés. Elle doit investir massivement dans la recherche, le développement et la production de ses hamburgers et saucisses sans viande, tandis que les consommateurs achètent de moins en moins. Aux États-Unis, les ménages, impactés par l’inflation, deviennent de plus en plus attentifs à leurs dépenses. Après une phase de test de deux ans, McDonald’s a même retiré le burger Beyond de son menu.
Pourtant, cette situation ne peut pas tout expliquer. Les ventes mondiales d’alternatives végétaliennes, y compris les boissons végétales comme le lait de soja et d’avoine, continuent d’augmenter selon le Good Food Institute. Pourquoi cette disparité ?
Ingrédients préoccupants et lobbying puissant
Kevin Hegg, professeur de marketing alimentaire à la Haute École de Berne, souligne que « la réputation des substituts de viande a été gravement affectée ces dernières années ». Il identifie trois raisons principales pour ce déclin.
La première raison concerne les ingrédients. Les produits de substitution de viande sont souvent très transformés. De nombreux burgers, saucisses et nuggets végétaliens contiennent des émulsifiants, des conservateurs et des colorants. Les étiquettes nutritionnelles révèlent également que ces produits ne sont pas toujours à la hauteur de leurs homologues d’origine animale. Par exemple, un burger moyen de Beyond Meat peut avoir autant de calories qu’un burger de boeuf, mais avec moins de protéines.
Cela donne du grain à moudre aux détracteurs des alternatives végétales, qui critiquent souvent ces produits en les qualifiant de « chimiques ». On oublie cependant que de nombreux aliments carnés subissent également des transformations importantes : une saucisse traditionnelle n’est rien d’autre que de la viande hachée, enveloppée dans un boyau animal et rehaussée de divers additifs.
Le PDG de Beyond Meat, Ethan Brown, évoque un « climat de désinformation » : les groupes de pression ne manquent pas une occasion de critiquer les produits de substitution de viande. Par exemple, le Center for Consumer Freedom aux États-Unis a même comparé les ingrédients d’un burger Beyond à de la nourriture pour chiens.
Déceptions gustatives des consommateurs
Un autre défi majeur est le goût. Kevin Hegg explique que « les produits de substitution de viande visent à imiter la viande, mais échouent souvent à reproduire son goût et son apparence ». De nombreux consommateurs s’attendent à ce qu’une saucisse de soja ait le même goût qu’une saucisse de viande grillée, et se sentent déçus lorsque ce n’est pas le cas.
Laurent Freixe, le nouveau PDG de Nestlé, reconnaît également qu’il existe un problème à ce niveau. Il a déclaré récemment aux journalistes : « Si le goût n’est pas au rendez-vous, les clients ne rachèteront pas le produit. » Nestlé en a fait l’expérience, ayant dû retirer sa ligne de substituts de viande Garden Gourmet du marché à deux reprises au Royaume-Uni.
Cependant, la situation de départ reste prometteuse. Selon le « Plant Based Food Report » de Coop de cette année, 58 % de la population suisse choisit délibérément de réduire sa consommation de produits d’origine animale plusieurs fois par mois. De plus, un quart des Suisses consomment des alternatives végétaliennes imitant les produits d’origine animale, et ce, plusieurs fois par mois.
En conséquence, l’offre est vaste. Que ce soit Garden Gourmet, Beyond Meat, Green Mountain, V-Love ou Planted, les consommateurs peuvent désormais trouver une impressionnante sélection de substituts de viande dans les rayons. Coop propose plus d’une centaine d’alternatives végétales, tandis que Migros en offre deux cents.
Malgré cela, le marché demeure une niche, les imitations de viande représentant encore seulement deux à trois pour cent du total des ventes alimentaires.