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La vie ressemble parfois à un roman médiocre : plein de coïncidences. Le 2 avril 2024 marquait les 20 ans du décès de mon père, et ce même jour j’apprenais que Maryse Condé était également décédée.
Condé n’était pas vraiment une famille, et pourtant je me sentais plus proche d’elle que de beaucoup de personnes qui ont croisé mon chemin. Avant même de la rencontrer – un rêve que j’ai pu réaliser il y a quelques années –, j’avais l’impression de la connaître intimement. C’est le sort des écrivains que d’être connus de leurs lecteurs presque malgré eux. J’ai vécu avec Condé et avec ses personnages pendant de longues heures solitaires et à différents âges de ma vie. J’ai tellement lu d’elle que sa langue m’est devenue aussi familière que celle de ma mère et ses obsessions si confondues avec les miennes que j’ai adopté le paysage des Caraïbes et découvert et aimé le parfum des fleurs que je n’avais jamais vues.
Le langage de Condé, sensuel et ironique, d’une beauté déchirante, fait partie de moi. Ses personnages Tituba la sorcière, Célanire ou encore la famille Louis dans Arbre de vie sont devenus pour moi des compagnons, voire des amis. J’ai lu l’œuvre de Condé et j’ai rencontré une sœur et en même temps un mentor, une femme d’une incroyable honnêteté dans son portrait de la maternité, de l’expérience de la métissage, de la petite bourgeoisie et de toutes les formes de racisme. C’était une artiste sûre de sa vocation et rien ne pouvait la détourner de son envie d’écrire.
Condé a été pour moi un modèle extraordinaire. Elle n’aimait pas appartenir à un quelconque clan ni recevoir une étiquette. En tant que Guadeloupéenne, elle disait qu’elle ne comprenait pas bien son île natale et qu’elle ne s’y sentait pas comprise. Dans What Is Africa to Me ?, son autobiographie, elle raconte comment le continent africain, où elle a vécu si longtemps et auquel elle a consacré son roman épique Segu, était un peu comme un grand amour non partagé, une passion pas entièrement réciproque. Cette double culture, cette vie toujours équilibrée comme un tango joyeux ou mélancolique, c’est quelque chose que nous avions en commun. C’est peut-être ce que j’ai le plus aimé chez Condé et ce dont notre époque a vraiment besoin : c’était une femme capable de déplaire et de décevoir, car sans doute elle a compris que c’était la seule manière d’être libre et d’être un grand écrivain.
Il y a quelques années, mon rêve s’est réalisé lorsque j’ai dîné avec Condé et sa famille. Nous avons parlé de toutes nos relations : notre enfance dans des familles petites-bourgeoises, nos passions précoces pour l’écriture, notre installation à Paris à 17 ans et notre intérêt pour le continent africain. Et puis bien sûr, notre amour commun pour la cuisine – je regrette de ne pas avoir pu répondre à l’invitation et cuisiner Condé une de mes spécialités. Il n’est pas toujours conseillé de rencontrer ses héros, mais dans mon cas, cela a été le début d’une amitié.
Condé m’a fait preuve d’une générosité et d’une tendresse qui continuent de me soutenir. Je tiens à la remercier pour les portes qu’elle a ouvertes, pour le courage dont elle a fait preuve. Je sais que d’autres jeunes écrivaines continueront à trouver dans ses œuvres et dans son parcours une source d’inspiration inépuisable.
La dernière fois que j’ai vu Condé, c’était à Londres en 2023, alors qu’elle était finaliste au prix international Booker et que j’avais le plaisir de présider le jury. J’avais les larmes aux yeux ce jour-là en pensant à mon adolescence qui rêvait de rencontrer son idole.
Adieu, Maryse, et merci pour l’intelligence et la lumière que vous avez apportées à ma vie et pour les livres que je chéris et partage avec ceux que j’aime. Reposez en paix.