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Til a partagé le secret de l’amour après les heures normales, qui est l’une des choses les plus difficiles à capturer avec un appareil photo. Le photographe suédois Christer Strömholm était passé maître dans l’art de ce genre d’instants non affectés. Après des années de guerre dramatiques dans la résistance norvégienne, il s’est installé à Paris et est devenu un incontournable de la société des cafés dans les années 1950 et 1960. Durant plusieurs années, il passe ses nuits à photographier les personnes transgenres à Pigalle pour une série de clichés, Les Amies de Place Blanche. Souvent, il se retrouvait dans les cafés du Quartier Latin, toujours avec son Leica à la main. Cette photo a été prise à La Méthode, un bar célèbre à l’époque pour ses horaires d’ouverture toute la nuit, et pour ses habitués comprenant des étudiants de la Sorbonne voisine, des artistes et des écrivains. Serge Gainsbourg en était un habitué incontournable.
Cette photo de jeunes amoureux prise en 1960 semble exiger un accompagnement à la Gainsbourg, peut-être L’Eau à la bouche – « écoute mon cœur qui bat, laisse-toi être » – qui fait un carton cette année-là. Le couple est à la dérive et seul parmi les buveurs que l’on voit dans le miroir derrière eux. Leur monde semble s’être réduit joyeusement à la contemplation du reflet des lunettes sur la table – contrastant avec le regard flou de l’homme dans le miroir, voyeur momentané, comme le photographe lui-même.
Strömholm est décédé en 2002, à l’âge de 83 ans. Il s’est marié quatre fois. Un nouveau livre rétrospectif de son travail comprend une interview d’Anders Petersen, l’un des nombreux jeunes photographes suédois que Strömholm a enseigné et encadré, et qui a peut-être créé le livre définitif de photos de cafés de la Reeperbahn de Hambourg à la fin des années 60. Interrogé sur ce qu’il a appris de Strömholm, Petersen répond : « Les photographes sont seuls, mais le fait de réaliser que vous avez partagé cette solitude avec d’autres donne un sentiment de parenté très chaleureux ».