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Centre spatial Kennedy (États-Unis) (AFP) – Le télescope spatial européen Euclid a décollé samedi, lançant une toute première mission visant à faire la lumière sur deux des plus grands mystères de l’univers : l’énergie noire et la matière noire.
« Je peux vous dire que je suis tellement ravi, je suis tellement excité de voir cette mission dans l’espace », a déclaré le directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), Josef Aschbacher, après le lancement.
Le télescope a décollé avec succès de Cap Canaveral, en Floride, à 11h12 heure locale (15h12 GMT) sur une fusée SpaceX Falcon 9.
Peu de temps après, une fois séparée de la fusée, elle émet son premier signal, comme prévu.
L’ESA a été forcée de se tourner vers la société du milliardaire Elon Musk pour lancer la mission après que la Russie a retiré ses fusées Soyouz en réponse aux sanctions liées à la guerre en Ukraine.
« Le lancement a été parfait », a déclaré Carole Mundell, directrice scientifique de l’ESA. « Maintenant commence ce voyage. »
Après un voyage d’un mois dans l’espace, Euclide rejoindra le télescope James Webb à un point stable à environ 1,5 million de kilomètres (plus de 930 000 milles) de la Terre appelé le deuxième point de Lagrange.
À partir de là, Euclid tracera la plus grande carte jamais réalisée de l’univers, englobant jusqu’à deux milliards de galaxies sur plus d’un tiers du ciel.
En capturant la lumière qui a mis 10 milliards d’années pour atteindre le voisinage de la Terre, la carte offrira également une nouvelle vision de l’histoire de l’univers, vieille de 13,8 milliards d’années.
« Nous allons percer les mystères de l’univers sombre », a déclaré Mundell.
« Gêne cosmique »
Les scientifiques espèrent utiliser les informations recueillies par Euclide pour remédier à ce que le chef de projet Giuseppe Racca appelle un « embarras cosmique »: que 95% de l’univers reste inconnu de l’humanité.
On pense qu’environ 70% sont constitués d’énergie noire, le nom donné à la force inconnue qui provoque l’expansion de l’univers à un rythme accéléré.
Et 25% est de la matière noire, censée lier l’univers et représenter environ 80% de sa masse.
« Depuis que nous avons pu voir des étoiles, nous nous sommes demandé si l’univers était infini ? De quoi est-il fait ? Comment ça marche ? Michael Seiffert, scientifique du projet Euclid de la NASA, a déclaré à l’AFP.
« C’est tout simplement incroyable que nous puissions prendre des données et commencer à faire même un peu de progrès sur certaines de ces questions. »
« Détective noir »
Guadalupe Canas, membre du consortium Euclid, a déclaré lors d’une conférence de presse avant le lancement que le télescope spatial était un « détective noir » qui peut en dire plus sur les deux éléments.
Euclid, qui mesure 4,7 mètres (15 pieds) de haut et 3,5 mètres de large, utilisera deux instruments scientifiques pour cartographier le ciel.
Sa caméra à lumière visible lui permettra de mesurer la forme des galaxies, tandis que son spectromètre et son photomètre dans le proche infrarouge lui permettront de mesurer à quelle distance elles se trouvent.
Alors, comment Euclide essaiera-t-il de repérer des choses qui ne peuvent pas être vues ? En recherchant leur absence.
La lumière provenant de milliards d’années-lumière est légèrement déformée par la masse de matière visible et noire en cours de route, un phénomène connu sous le nom de lentille gravitationnelle faible.
« En soustrayant la matière visible, nous pouvons calculer la présence de la matière noire qui est entre les deux », a déclaré Racca à l’AFP.
Bien que cela ne révèle peut-être pas la véritable nature de la matière noire, les scientifiques espèrent qu’elle fournira de nouveaux indices qui aideront à la retrouver à l’avenir.
Quant à l’énergie noire, l’astrophysicien français David Elbaz a comparé l’expansion de l’univers au gonflement d’un ballon avec des lignes tracées dessus.
En « voyant à quelle vitesse il se gonfle », les scientifiques espèrent mesurer la respiration – ou l’énergie noire – en la faisant se dilater.
‘Mine d’or’
Une différence majeure entre Euclid et les autres télescopes spatiaux est son large champ de vision, qui couvre une zone équivalente à deux pleines lunes.
Le scientifique du projet, Rene Laureijs, a déclaré que cette vue plus large signifie qu’Euclid pourra « surfer dans le ciel et trouver des objets exotiques », comme des trous noirs, que le télescope Webb pourra ensuite étudier plus en détail.
Au-delà de l’énergie noire et de la matière, la carte de l’univers d’Euclid devrait être une « mine d’or pour tout le domaine de l’astronomie », a déclaré Yannick Mellier, responsable du consortium Euclid.
Les scientifiques espèrent que les données d’Euclid les aideront à en savoir plus sur l’évolution des galaxies, des trous noirs et plus encore.
« On essaie de déterminer quelque chose qui nous échappe énormément : la matière noire, l’énergie noire », explique à l’AFP Marc Sauvage, membre du consortium Euclid.
Les premières images sont attendues une fois les opérations scientifiques lancées en octobre, avec d’importantes publications de données prévues pour 2025, 2027 et 2030.
La mission de 1,4 milliard d’euros (1,5 milliard de dollars) est prévue pour durer jusqu’en 2029, mais pourrait durer un peu plus longtemps si tout se passe bien.
Au cours des prochaines années, la NASA prévoit également de lancer le télescope spatial Nancy Grace Roman, son propre projet d’étude de la matière noire et de l’énergie noire.
Les deux missions se complèteront, a déclaré Sauvage.
« En fin de compte, il n’y a qu’un seul univers. »
© 2023 AFP