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Après que Mistral AI et Microsoft ont annoncé leur partenariat stratégique lundi 26 février, suscitant un tollé de la part des législateurs du Parlement européen, les députés français ont exprimé leur inquiétude quant à l’impact du partenariat sur la concurrence et la souveraineté dans le secteur du cloud.
La startup parisienne Mistral AI et Microsoft ont annoncé que Large, le modèle d’IA de Mistral AI et concurrent de GPT-4, sera disponible sur le cloud Azure de Microsoft.
Cependant, cette décision a été critiquée en raison des inquiétudes concernant l’externalisation du stockage de données vers des entreprises non basées dans l’UE et des craintes que cette décision ne renforce la monopolisation des grands acteurs du secteur technologique.
«La France ne devrait pas se vanter et brandir le mot ‘souveraineté’ à gauche et à droite. Le gouvernement manque complètement de cohérence », a déclaré à Euractiv la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly.
«Nous continuons à nous appuyer sur des acteurs non européens, même si l’accord de transfert de données avec les États-Unis ne nous protège toujours pas contre les lois extraterritoriales. La France ne défend pas du tout ses clouders », a-t-elle déclaré.
La souveraineté
Les législateurs français s’inquiètent depuis longtemps de l’extraterritorialité de la loi américaine sur le renseignement extérieur (FISA) et du Cloud Act. En vertu de ces lois, les agences de sécurité américaines peuvent contraindre les entreprises ou les citoyens américains à partager des données étrangères sensibles.
Pour tenter de se prémunir de ces vulnérabilités, la France a créé la certification SecNumCloud, développée par l’agence de sécurité nationale ANSSI, et mis en place sa doctrine du « cloud-to-the-center » qui exige que les données publiques sensibles soient stockées sur SecNumCloud- nuages certifiés.
Selon la députée de centre-droit Anne Le Hénanff, rapporteuse des articles sur le cloud sur le projet de loi parapluie français sur le numérique SREN, l’utilisation par Mistral AI du cloud de Microsoft ne pose pas de problème tant qu’aucune donnée sensible n’est partagée sur Azure.
Elle considère cependant que lorsqu’il s’agit de données sensibles, l’utilisation de Large devra respecter la doctrine du « cloud-to-the-center » et s’abstenir d’utiliser des cloud non souverains.
Elle a noté que Mistral AI s’était dit disposé à travailler avec OVHcloud, un fournisseur de cloud français qui a obtenu les plus hautes certifications SecNumCloud.
Une source proche de l’actuelle secrétaire d’État au Numérique, Marina Ferrari, a déclaré à Euractiv que Mistral AI allait également déployer des modèles d’IA sur d’autres fournisseurs de cloud français, comme Scaleway ou Outscale.
Concours
Plusieurs députés se sont également interrogés sur l’impact du partenariat sur la concurrence.
« À mon avis, la position française est d’encourager et de soutenir l’innovation européenne tout en empêchant la réapparition des monopoles historiques », a déclaré à Euractiv Mireille Clapot, députée Renaissance et présidente du Haut-commissariat au numérique et aux postes de l’Assemblée nationale.
Dans le même esprit, Le Hénanff a indiqué qu’elle se méfierait des « pratiques néfastes de Microsoft mises en avant par l’autorité française de la concurrence », citant les pratiques d’auto-préférence et de verrouillage des utilisateurs sur l’offre cloud d’Azure.
« Microsoft a mis en œuvre au cours des 25 dernières années un certain nombre de pratiques très néfastes dans le secteur du cloud dans des domaines clés », a-t-elle déclaré, ajoutant que c’était notamment le cas pour les outils collaboratifs de Microsoft.
L’Autorité française de la concurrence a décidé début février d’examiner les pratiques concurrentielles des entreprises numériques dans les secteurs de l’IA et du cloud, ainsi que les investissements des Big Tech dans les startups de l’IA. Un avis est attendu dans les prochains mois.
En outre, un porte-parole de la Commission européenne a confirmé mardi (27 février) que l’exécutif européen avait reçu une notification du partenariat, qui implique un investissement de 15 millions d’euros de Microsoft dans Mistral AI, et qu’il examinerait l’accord.
Par ailleurs, un porte-parole de Mistral AI a déclaré à Euractiv que l’objectif de l’entreprise était de développer une technologie adaptée aux besoins des entreprises, en utilisant donc le cloud de Microsoft, tout en rendant l’IA générative accessible au plus grand nombre et en restant donc « profondément attachée au modèle open source ».
Éric Bothorel, député de Renaissance, a déclaré à Euractiv qu’il ne fallait pas tirer de conclusions hâtives, car ce partenariat de distribution n’est qu’un moyen de croissance pour Mistral AI.
Il considère par ailleurs l’investissement de Microsoft comme « une contribution marginale par rapport aux 500 millions d’euros » levés par la startup depuis sa création en avril 2023.
L’investissement de Microsoft dans Mistral AI ne représente pas encore une participation dans l’entreprise, mais pourrait être converti en capitaux propres lors du prochain cycle de financement de Mistral.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a félicité Mistral AI dans un post sur X mardi 27 février, concluant que : « La France a les moyens d’être l’une des grandes nations » [developing] l’intelligence artificielle en Europe et dans le monde ».
[Edited by Nathalie Weatherald/Zoran Radosavljevic]