Électricité en Afrique : entre progrès et dépendance, le parcours de l’Éthiopie au Kenya

L’Afrique, avec des initiatives comme l’interdiction des voitures à essence en Éthiopie et la modernisation de la flotte automobile au Kenya, avance rapidement vers une mobilité électrique durable. L’Éthiopie vise la neutralité climatique d’ici 2050 et attire des investissements étrangers, tandis que le Kenya mise sur l’énergie renouvelable pour transformer ses véhicules. Des entreprises comme Roam et Qtron innovent dans la production et la conversion de véhicules, renforçant l’émergence d’une industrie automobile locale en pleine expansion.

Alors que l’Europe continue ses débats sur l’avenir des moteurs à combustion, l’Afrique prend les devants avec des actions concrètes : l’Éthiopie a interdit les voitures à essence, le Kenya modernise sa flotte automobile, et une marque locale de véhicules électriques attire l’attention.

Le sujet de la transition vers des transports durables et la mobilité électrique divise les opinions en Europe depuis plusieurs années. Pendant que nous débattons sur la nécessité d’une interdiction des moteurs à combustion, certaines régions d’Afrique semblent déjà avoir pris de l’avance, avec des opportunités qui vont bien au-delà d’une simple transition vers des transports économiquement et écologiquement viables.

Les véhicules électrifiés ont le potentiel de rendre la mobilité individuelle et les systèmes de transport public en Afrique à la fois plus abordables et accessibles. À long terme, une industrie automobile locale pourrait même émerger. Cette nouvelle approche de la mobilité pourrait également favoriser des avancées significatives en matière de protection du climat tout en diminuant la dépendance aux importations de pétrole coûteuses.

Interdiction d’importation des voitures à combustion en Éthiopie

L’Éthiopie pourrait devenir l’un des marchés les plus dynamiques pour la mobilité électrique dans les années à venir. Avec une population de près de 130 millions d’habitants, le pays a instauré au début de l’année 2024 une interdiction d’importation des voitures à moteur à combustion, malgré l’absence d’une industrie automobile locale. Cette mesure équivaut à une interdiction stricte des moteurs à combustion, bien avant qu’une telle initiative ne soit envisagée en Europe.

Le gouvernement d’Addis-Abeba a des motifs économiques solides pour cette décision. En 2023, les dépenses liées à l’importation de combustibles fossiles ont dépassé six milliards de dollars, un fardeau considérable pour les réserves de devises qui sont déjà limitées. C’est pourquoi l’Éthiopie investit massivement dans les énergies renouvelables, notamment l’hydroélectricité. D’ici le début des années 2030, le pays envisage d’augmenter significativement sa production d’électricité verte pour réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de pétrole.

Un objectif de neutralité climatique d’ici 2050

La préservation de l’environnement et la lutte contre le changement climatique sont également au cœur des priorités éthiopiennes. Le pays aspire à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, un objectif ambitieux pour une nation déjà fortement impactée par les effets du changement climatique.

Cependant, cette transition énergétique n’est pas sans défis. Les infrastructures de recharge restent rares et les coupures d’électricité sont fréquentes. De nombreux propriétaires de véhicules électriques doivent charger leurs voitures à domicile, ce qui pose problème en raison d’un approvisionnement énergétique instable. De plus, l’entretien et l’approvisionnement en pièces de rechange sont des préoccupations majeures. Selon un reportage d’Addis-Abeba, la communauté grandissante des conducteurs de véhicules électriques vit une expérience mitigée.

Encouragement à l’importation de voitures électriques

Malgré ces défis, le gouvernement reste déterminé à avancer, comme l’indique le quotidien français ‘Le Monde’. Les importateurs de voitures électriques bénéficient d’incitations fiscales attrayantes. Selon la Commission américaine du commerce international, le droit d’importation pour les véhicules électriques en Éthiopie n’est plus que de 15 %, tandis que les voitures à essence sont soumises à des taxes cumulées pouvant atteindre 128 %. Cela fait des voitures électriques une option financièrement plus avantageuse.

La stratégie semble porter ses fruits : le gouvernement avait initialement prévu 148 000 voitures électriques d’ici 2032, mais dès l’été 2024, environ 100 000 voitures électriques circulaient déjà sur les routes. Les prévisions ont depuis été révisées à la hausse, tablant sur 439 000 véhicules d’ici 2030, ce qui pourrait représenter un tiers des voitures en circulation dans le pays.

Partenariat avec BYD

Des fabricants étrangers, dont le géant chinois BYD, reconnaissent également le potentiel de ce marché. Hilina Legesse, présidente de l’Addis Abeba E-Mobility Association, a récemment évoqué un partenariat entre l’importateur automobile Moenco et BYD. Les investisseurs sont de plus en plus intéressés et envisagent de répondre aux besoins d’infrastructure en construisant 100 stations de recharge. Le ministre des Transports, Bareo Hassen, rêve même d’une production locale de voitures électriques, bien que les projets antérieurs aient échoué. Cependant, l’espoir demeure pour le développement d’une industrie de fabrication de batteries locale.

La montée de la mobilité électrique au Kenya

Au Kenya, voisin au sud de l’Éthiopie, la mobilité électrique connaît également un essor, non pas par le biais d’interdictions gouvernementales, mais grâce à des solutions pragmatiques. Le pays génère déjà plus de 90 % de son électricité à partir de sources renouvelables, avec une importance croissante de l’énergie solaire.

À Nairobi, une communauté d’opérateurs de panneaux solaires innove avec des installations de plus en plus performantes, comme l’indique Joseph Gakuru, directeur de Qtron, dans une interview. L’autosuffisance en électricité photovoltaïque ouvre de nouvelles perspectives pour la mobilité électrique, même en l’absence d’infrastructures de recharge adéquates.

Des entreprises telles que Qtron se concentrent sur la conversion des véhicules classiques : des modèles tels que le Land Rover Defender, les anciennes Mercedes ou le VW Bus sont désormais propulsés par des moteurs électriques. Les clients peuvent choisir des technologies de conversion en provenance d’Allemagne, de Chine ou de Tesla, les composants chinois étant particulièrement prisés pour leur coût abordable et leur disponibilité.

Les coûts de conversion varient considérablement, un projet complexe pouvant atteindre 40 000 dollars, mais cela reste souvent moins cher qu’une voiture neuve importée, étant donné les taxes élevées sur les nouvelles voitures au Kenya, qui peuvent presque doubler le prix final.

Roam, un acteur clé de la mobilité électrique

Alors que des entreprises comme Qtron se positionnent sur le marché de la conversion, la société kenyane Roam se distingue par la production de motos et de bus électriques, contribuant ainsi à l’essor de la mobilité électrique dans la région.