L’article explore l’arrivée de migrants à Gjader, un village en Albanie, où le chef Aleksander Preka voit une opportunité économique grâce à un camp de rétention proposé par l’Italie. Ce projet, motivé par la politique migratoire de la Première ministre Giorgia Meloni, suscite des scepticismes parmi les habitants qui se questionnent sur ses bénéfices. Les émotions variées des villageois face à cette nouvelle réalité, ainsi que l’impact de l’émigration continue sur la communauté, sont également abordés.
Il y a deux semaines, les carabiniers ont amené les premiers migrants dans le village côtier de Gjader, un événement que Aleksander Preka avait anticipé pendant six mois. Sa commune, au cœur de la dynamique migratoire en Europe, était désormais sous les projecteurs.
Le maire de Gjader, situé dans le nord de l’Albanie, venait à peine de voir des images de ces migrants, diffusées en direct à la télévision. Il avait observé un groupe de jeunes hommes, la tête baissée et en tongs blanches, se diriger vers le centre d’accueil près du port de Shengjin. À leurs côtés, des policiers italiens et des employés du centre récemment inauguré marchaient. Certains parmi eux étaient des visages connus, notamment ceux d’Italiens et d’Albanais ayant récemment emménagé dans le village, qui venaient faire leurs courses dans son magasin.
Giorgia Meloni, la Première ministre italienne, souhaite rediriger une partie des flux migratoires vers cette région de l’Albanie. Les réfugiés venus de pays jugés sûrs sont interceptés par la marine italienne en Méditerranée et redirigés vers le camp de Gjader, où ils subiront des procédures d’asile. Les chances d’obtenir l’asile y sont assez minces. Ils seront retenus jusqu’à un mois en attendant de savoir si leur passage vers l’Italie sera accordé.
Une prison à l’abandon
Selon le plan de Meloni, la plupart des migrants doivent être rapidement retournés dans leur pays d’origine. La stratégie vise à dissuader d’autres voyageurs de tenter le périlleux voyage maritime si la finalité est une détention en Albanie.
Le système est suivi de près par les gouvernements européens, notamment par Bruxelles. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a exprimé la nécessité d’apprendre de l’expérience albanaise et a évoqué la possibilité d’établir des « centres de retour » dans d’autres pays. La semaine dernière, elle s’est rendue en Albanie pour discuter avec le Premier ministre Edi Rama.
En attendant, Aleksander Preka, assis devant son magasin à Gjader, observe une actualité qui semble figée dans le temps. Le village, autrefois peuplé de près de 2000 habitants, se réduit aujourd’hui à quelques centaines, majoritairement des personnes âgées. Les discussions sur le projet migratoire ne sont pas favorables, car un tribunal italien a décidé que les migrants de Gjader doivent être transférés en territoire italien pour une procédure d’asile formelle. Le camp semble donc être en voie d’abandon.
Des générations ont migré
Preka s’interroge sur l’impact réel de ce projet sur sa communauté. Agé de 64 ans, cet homme a vu plusieurs générations fuir sa terre natale. Les années 90 ont été marquées par des départs massifs; ses propres enfants ont quitté pour trouver de meilleures opportunités à l’étranger. Les crises économique et sociale n’ont fait qu’accélérer ce processus.
Ayant déjà plusieurs emplois pour subvenir à leurs besoins, y compris une épicerie et un café, Preka tente de rediriger les craintes de ses concitoyens vers des perspectives positives. Lorsque lui et sa communauté ont appris que Gjader allait devenir un centre pour migrants, beaucoup étaient sceptiques. Cependant, des discussions avec des Albanais vivant à l’étranger, qui pour certains ont déjà investi dans leurs maisons natales, mènent Preka à croire que ce projet pourrait finalement revitaliser le village.
Quel bénéfice pour Gjader ?
De nombreux villageois, désormais à la retraite avec des pensions de 200 euros par mois, dépendent financièrement de leurs enfants émigrés. Ils se posent la question : que peut apporter un centre de détention à proximité ? Preka a donc eu l’idée de consulter ses fils, tous deux établis en Italie, sur cette initiative. Leur retour aux racines pourrait offrir une nette amélioration à Gjader.
Les enfants partagent une vision différente de l’avenir. Alors que certains ont acheté des maisons pour les visites, d’autres explorent des opportunités d’emploi créées par l’arrivée du camp. La possibilité de retrouver famille et amis autour de ce projet offre un nouvel espoir au village. Gjader, avec ses paysages pittoresques et son église récemment rénovée, pourrait devenir un