L’article explore l’évolution de Migros, un géant de la distribution suisse, passant d’une entreprise innovante à une structure confrontée à des défis de rentabilité et de complexité. Inspiré par le Printemps M, un mouvement critique des années 1980 prônant des pratiques alternatives, l’article met en lumière les tensions entre croissance économique et valeurs humaines. Malgré certaines adaptations, Migros a continué son expansion, mais aujourd’hui, son modèle semble de plus en plus obsolète face aux attentes changeantes des consommateurs.
En 1980, les partisans du Printemps M, un mouvement alternatif de gauche, reconnaissaient l’efficacité remarquable de Migros, notamment pour son rôle dans l’organisation de la distribution des biens. À l’époque, cette entreprise était considérée comme un modèle de dynamisme et de succès dans le secteur de la vente au détail en Suisse, grâce à ses grands magasins et à ses nouveautés.
Cependant, la situation actuelle de Migros est préoccupante. L’entreprise fait face à des difficultés financières, à une complexité organisationnelle excessive et à des doublons, nécessitant ainsi une restructuration profonde. Son image, autrefois emblématique, a perdu de son éclat au fil des années.
À la fin des années 1970, le succès de Migros suscitait des critiques, notamment de la part des membres du Printemps M, qui était inquiet d’une expansion jugée effrénée. Ils aspiraient à un retour vers une gestion plus humaine et mesurée, réagissant contre la croissance incontrôlée des grandes entreprises.
De la grandeur à la simplicité
Les critiques du Printemps M reflétaient une tendance des années 1970, où la taille et la croissance des entreprises étaient remises en question dans un contexte de complémentarité avec les mouvements sociaux de l’époque. Dans leur manifeste, leur ouvrage de 1980, « M-Frühling – vom Migrosaurier zum menschlichen Mass », s’inspirait largement de travaux comme « Small is Beautiful » d’Ernst F. Schumacher et « Grenzen des Wachstums » de Dennis Meadows.
Pour le Printemps M, Migros, avec sa structure coopérative, offrait une opportunité idéale pour mettre en œuvre des pratiques anti-croissance. Leur but était de porter leurs idées au sein des organes de direction lors des élections prévues en juin 1980, espérant initier un changement radical de la stratégie de l’entreprise.
Évoluer au-delà des anciennes contraintes
Les ambitions du Printemps M étaient résumées dans un ouvrage intitulé « Migrosaurier », qui incluait des contributions sur divers thèmes comme la culture accessible à tous, le respect de l’environnement, et la valorisation des produits locaux. Leur vision visait à abolir les contraintes de l’ère industrielle et à créer une société plus humaine.
Malgré la réticence de la direction de Migros à embrasser totalement ces idéaux, plusieurs propositions ont progressivement trouvé leur place dans l’entreprise, comme l’essor des produits bio et des labels écologiques. Cela témoigne d’une certaine capacité d’adaptation, même sans un renversement radical de la stratégie de l’entreprise.
Toutefois, certaines ambitions du Printemps M auraient conduit à une transformation extrême de Migros, remettant en question sa structure même et ses pratiques commerciales. Ils souhaitaient réduire la taille de l’entreprise et mettre fin à toute expansion, tout en écartant les normes de rentabilité habituelles.
Un vision sociale utopique
Le mouvement imaginait un avenir où Migros deviendrait un laboratoire d’expérimentation, inspiré par des idéaux socialistmes et une économie sans contraintes. L’idée de pouvoir simuler une nouvelle économie au sein de Migros a été mal reçue par la direction, qui prônait la rationalité économique et le bon sens face aux visions utopiques des critiques.
Élections et réalité
Lors des élections de juin 1980, le Printemps M n’a pas réussi à convaincre les coopérateurs, qui ont re-élu la direction en place. Cela a mis en évidence une mauvaise évaluation de la volonté de changement au sein de la coopérative, qui était avant tout perçue comme un supermarché pour des produits accessibles.
Les représentants du mouvement ont surestimé la capacité de Migros à se transformer par des moyens démocratiques. Bien que fondée par Gottlieb Duttweiler comme une coopérative, l’entreprise n’a jamais véritablement fonctionné comme une entité appartenant au peuple, rendant peu probable une réelle participation démocratique.
Une expansion sans frein
Malgré les critiques, la direction de Migros, dirigée par Pierre Arnold, a continué d’accroître les activités de l’entreprise, avec un chiffre d’affaires qui a doublé de 1980 à 1995. La stratégie s’est axée sur l’exploitation des économies d