Le président américain Trump impose des droits de douane élevés sur les véhicules allemands, affectant particulièrement des marques comme Porsche, Audi, Volkswagen, Mercedes et BMW. Ces entreprises font face à des défis financiers significatifs, car les marges bénéficiaires risquent de s’effondrer. Bien que des ajustements de production soient envisageables, la création de nouvelles usines prend du temps et engendre des incertitudes. L’expert Ferdinand Dudenhöffer met en garde contre les conséquences à long terme sur l’industrie allemande et souligne l’importance de s’orienter vers des partenariats avec la Chine.
Pression sur les Constructeurs Automobiles Allemands
Le président américain Trump exerce une pression considérable sur les fabricants de voitures allemands. Lors d’une récente interview, l’expert en industrie automobile Ferdinand Dudenhöffer a expliqué quelles marques sont les plus touchées par l’imposition de droits de douane et les coûts associés à la création de nouvelles usines. Il met en garde : le secteur est en train de souffrir gravement.
Les Impacts des Droits de Douane sur l’Industrie
ntv.de : Trump vise à relancer la production automobile aux États-Unis grâce à des droits de douane. Sera-t-il couronné de succès ?
Ferdinand Dudenhöffer : Si ces droits de douane restent à 25 % sur le long terme, alors oui, cela aura un impact destructeur. Trump a une aversion particulière pour les constructeurs allemands. Son objectif est double : il souhaite préserver des emplois aux États-Unis tout en manifestant son ressentiment envers l’Allemagne et l’Europe.
Quelles entreprises sont particulièrement affectées ?
Porsche, par exemple, ne fabrique pas de voitures aux États-Unis. Environ 30 à 40 % de ses ventes se font sur le marché américain. Des droits de douane de 25 % seraient insupportables pour la marque. Porsche n’aura d’autre choix que d’augmenter ses prix de 10 à 20 % tout en essayant de compenser les pertes par d’autres moyens. Les mêmes défis s’appliquent à Audi, Volkswagen, ainsi qu’en grande partie à Mercedes et BMW, car leurs modèles sont principalement fabriqués en Europe. Bien que BMW ait déjà une production aux États-Unis, cela concerne uniquement des SUV, qui sont également exportés vers la Chine. Si la Chine impose des droits de douane, BMW se retrouvera également en difficulté pour vendre ses voitures là-bas avec un bénéfice.
Est-il rentable d’importer une voiture avec un droit de douane de 25 % aux États-Unis ?
Non, cela n’est pas réalisable. Porsche affiche actuellement un rendement d’environ 10 à 12 %. Soit le constructeur augmente ses prix et perd des clients, soit il subit des pertes. Quel que soit le choix, il semble qu’il soit dans une impasse. Porsche est suspendu à la décision de Trump.
BMW pourrait-il augmenter sa production aux États-Unis ?
Il serait certainement possible de réduire la production de SUV pour se concentrer davantage sur les berlines. Cependant, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n’est pas aussi simple que de changer la production d’un SUV à une berline sur la même chaîne de montage. Acquérir les machines et outils nécessaires prend au minimum un an et demi. Bien qu’une adaptation de la production soit envisageable, cela demande du temps et des investissements financiers considérables.
Combien de temps faut-il pour établir une nouvelle usine ?
La mise en place d’une nouvelle production aux États-Unis prend au moins deux ans. Cette période de transition place les fabricants dans une position économique délicate, car ils investissent dans un futur incertain. Lorsqu’une entreprise construit une usine, elle planifie ses investissements sur vingt ans. Comment Porsche et d’autres peuvent-ils prévoir leurs ventes dans une décennie ? C’est une grande inconnue, surtout avec l’instabilité que représente la présidence de Trump.
Les fabricants allemands vont-ils investir dans de nouveaux sites de production ?
BMW et d’autres marques ne construiront pas de nouvelles usines. Ils vont plutôt s’adapter et réfléchir à des moyens de déplacer leur production. Une option est le processus CKD, qui signifie ‘completely knocked down’. Ce procédé consiste à expédier les voitures en pièces détachées pour éviter des droits d’importation élevés. Bien que des ajustements aient déjà été réalisés dans ce sens, il est peu probable que les fabricants abandonnent complètement le processus CKD.
Les droits de douane sont-ils vraiment aussi graves pour l’Allemagne ?
Selon les calculs de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale, les droits de douane ne représenteraient qu’environ 0,03 % du produit intérieur brut allemand. Cela semble donc négligeable, non ?
Je considère cette évaluation comme erronée. Nous ne devons pas oublier que la structure industrielle va changer. Une fois que l’industrie automobile se sera retirée d’Allemagne, elle ne reviendra pas, même si les droits de douane sont levés. Actuellement, environ 780 000 personnes travaillent dans l’industrie automobile en Allemagne, ce chiffre pourrait tomber à seulement 500 000. Ce secteur industriel est en train de souffrir gravement.
Quelle direction l’Europe doit-elle prendre ?
Trump et Poutine semblent partager l’Europe entre eux, tandis que nous restons quelque peu impuissants. Il est temps de chercher un nouveau partenaire. La Chine se présente comme un allié puissant, avec qui notre industrie collabore déjà efficacement et qui est très innovante. Notre secteur automobile dépend de la Chine, et non des États-Unis. C’est dans les usines chinoises que se crée la valeur ajoutée, pas par les exportations. La question qui se pose désormais est : parviendrons-nous à réaliser les changements nécessaires en collaboration avec la Chine ?
Juliane Kipper a interviewé Ferdinand Dudenhöffer.