À Dahiye, des célébrations marquent la mise en place d’un cessez-le-feu, malgré les lourdes pertes du Hezbollah. Les partisans expriment leur fierté et leur résilience, tout en doutant de la paix durable tant qu’Israël existe. La population libanaise, méfiante, fait face à un avenir incertain, alors que l’armée doit relever le défi de sécuriser la région. La reconstruction apparaît comme une tâche colossale, laissant le pays dans une situation précaire.
Le cessez-le-feu vient tout juste d’entrer en vigueur, mais déjà, à Dahiye, l’ambiance est à la célébration. À l’entrée de cette banlieue chiite, fortement touchée par les bombardements israéliens la nuit précédente, de jeunes hommes se rassemblent. Ils brandissent des drapeaux du Hezbollah et affichent des portraits du défunt Hassan Nasrallah, le leader de la milice, décédé lors d’une frappe aérienne israélienne fin septembre.
Bien que deux mois se soient écoulés, la mémoire de Nasrallah reste vive, avec ses partisans affirmant le porter dans leurs cœurs. Malgré les ravages causés par la guerre, le nombre élevé de victimes et une position affaiblie du Hezbollah, la milice considère le cessez-le-feu comme une victoire indéniable.
« Cela prouve que les Israéliens n’ont aucune chance contre nous », déclare Hassan, un homme au visage marqué par le soleil, fumant un Marlboro Rouge devant des débris. Bien qu’il ait vécu un temps à Berlin, son cœur reste au Liban. « Nous sommes un peuple résilient », ajoute-t-il. « Les Israéliens possèdent toutes les armes modernes, mais ils n’ont pas avancé dans le sud. »
« La lutte continuera tant qu’Israël existera »
Dans les rues avoisinantes, les sentiments sont similaires. « C’est indéniablement une victoire pour le Hezbollah », affirme Aicha Daoui, qui inspecte l’état de son appartement avec son mari et leurs enfants. L’ancien salon est maintenant une ruine, un trou béant dans le béton. Bien qu’elle se réjouisse que la guerre soit terminée, elle doute de la durabilité de la paix. « Tant qu’Israël sera là, nous serons contraints de nous battre », explique-t-elle. « Nous sommes des gens pacifiques. Nous ne souhaitons pas que nos enfants deviennent des martyrs. Mais nous n’avons pas d’autre choix. »
En réalité, le Hezbollah a subi des pertes significatives durant ce conflit. Il a finalement accepté un cessez-le-feu qui répondait aux exigences israéliennes formulées dès septembre : retrait du sud du Liban, cessation du soutien à Gaza et accord d’un comité de surveillance dirigé par des Américains. Bien qu’il ait perdu des milliers de combattants et sa direction, la milice semble transformer sa survie en une victoire éclatante. Les députés du Hezbollah, qui étaient restés discrets, affichent désormais un ton martial, affirmant avoir contraint Israël à céder.
Un avenir incertain pour le Liban
La population libanaise, quant à elle, reste sur ses gardes face à cette paix précaire. Malgré l’afflux de drapeaux libanais sur les réseaux sociaux, l’euphorie n’est pas au rendez-vous – l’avenir semble trop instable. Après la fin des hostilités avec Israël, d’autres problèmes préoccupants surgissent.
« Le Hezbollah est certes affaibli, mais il contrôle toujours le Liban. Rien ne changera ici », déclare Ismael, un professeur de littérature à la retraite, assis dans un café à Hamra. Il partage cette table avec d’autres hommes âgés, entouré par la fumée des cigarettes et une tasse de café vide. Dans les rues de Beyrouth, des familles de réfugiés préparent leur retour vers Dahiye ou le sud.
Ismael exprime son pessimisme face à l’avenir du Liban. De même, Khodor Kamah, propriétaire d’une boutique de cadres à Hamra, partage une vision sombre : « 80 % des Libanais étaient contre cette guerre. Ils savent que le Hezbollah l’a perdue. Maintenant, ils doivent tout reconstruire. Ça ne peut pas continuer ainsi. »
Les défis de l’armée libanaise
Conformément à l’accord de cessez-le-feu, le Hezbollah est censé remettre ses armes à l’armée libanaise. Cependant, l’issue de cette démarche reste incertaine. En effet, l’armée, qui a principalement observé les événements, doit désormais faire face à une tâche colossale : sécuriser la frontière sud, expulser le Hezbollah, maintenir l’ordre et, idéalement, opérer en tant qu’État fonctionnel.
Pourtant, l’armée se retrouve à la limite de ses capacités. Bien que des véhicules militaires se soient rapidement dirigés vers le sud, la situation est chaotique. Des centaines de milliers de personnes affluent vers leurs villes et villages du sud, malgré les avertissements, certains étant accueillis par des tirs d’avertissement des soldats israéliens toujours présents. Les routes sont encombrées de voitures, et les drapeaux du Hezbollah flottent encore, tandis que des enfants font le signe de la victoire.
La durée de cette euphorie reste incertaine. La guerre a laissé des cicatrices profondes dans un Liban déjà fragilisé. Ni l’État ni l’armée n’ont les ressources nécessaires pour la reconstruction, et encore moins le Hezbollah, qui se proclame victorieux.