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Le film est comme un voyage visuel dans les tons or et sépia. Le soleil du soir recouvre la chambre d’hôtel d’une lumière chaude et de longues ombres portées jusqu’à ce qu’un orage assombrit la pièce et l’atmosphère. Lorsque le soleil se fraye un chemin à nouveau à travers les nuages, il provoque des reflets clignotants dans les vitres du bâtiment d’en face.
Le son joue aussi avec les ambiances. Au fur et à mesure que la voix remplit chaleureusement et doucement l’espace qu’elle décrit, les bruits s’imposent de plus en plus au premier plan. Les tonalités de piano, pour la plupart dissonantes, deviennent de plus en plus fortes, la sonnerie stridente du téléphone brise les moments de silence, le bruit de la circulation et la pluie battante se frayent un chemin dans la pièce, et le grattement d’une plume dorée sur du papier tire sur les nerfs.
La vidéo « Marilyn » de Philippe Parreno, visible à l’Espace Louis Vuitton de Munich dans la série « Hors-les-murs » de la Fondation, ne dure que 23 minutes. Mais entre-temps, le spectateur perd presque toute notion du temps. Le film se déroule dans une suite de l’hôtel new-yorkais « Waldorf Astoria ». Marilyn Monroe y avait longtemps loué une suite, mais n’y a finalement passé que quelques nuits. Le décor du film semble original comme s’il datait des années 1950, la suite de Parreno est authentique jusque dans les moindres détails. Mais l’est-elle ? Le film ne résout ce problème qu’à la fin.
Parreno essaie de remplir l’espace avec l’esprit de l’actrice. Et vous pouvez prendre cela au pied de la lettre. Car l’artiste multimédia française de 59 ans, née en Algérie, a même tenu une séance pour se rapprocher de Monroe – ou de ce qu’il pourrait encore rester d’elle dans un autre monde. Le bouquet de fleurs, qui se fond dans des couleurs pâles dans un long plan, semble être un memento mori d’une carrière cinématographique qui a détruit l’homme et l’a conduit à la dépression.
Monologue de Marilyn dans le film, sa voix délicate, presque féminine, a été programmée à l’aide d’une intelligence artificielle. Sachant cela, on pense immédiatement aux fausses nouvelles profondes actuelles ou on se souvient d’anciennes histoires de services secrets dans lesquelles des extraits d’enregistrement ont été assemblés dans de nouvelles phrases afin de falsifier des déclarations. Parreno fait dire à Marilyn Monroe des phrases qu’elle n’a jamais dites – mais que l’artiste pense qu’elle aurait pu dire comme ça.
L’ambiance créée par les mots semble être plus importante que leur contenu. Parce que ce que vous entendez n’est qu’une description répétée de ce que vous voyez : un canapé, deux oreillers blancs, trois pommes rouges dans un bol en verre semi-transparent sur une table d’appoint avec des magazines… Le monologue suit la caméra, qui visualise la pièce scans. Si intense qu’on sent presque le papier peint en relief, les lourds rideaux, le seau à champagne glacé.
L’écriture, qui s’écrit sur du papier avec un stylo doré comme par magie, est constituée de pièces originales de Marilyn. Parreno imagine un Monroe privé, celui qui pense à la vie et au quotidien ; un qui laisse les mots couler sur le papier au fur et à mesure que le stylo glisse dessus; un dont l’hésitation et la procrastination se manifestent parfois par des suppressions de texte gestuelles et expressives, dans la peinture de visages enfantins aux yeux écarquillés ; celui dont l’écriture est copiée comme pour rassurer ses paroles. Mais de qui est la main qui écrit ici ? Tant de choses peuvent être révélées, Parreno est fasciné par les premières technologies robotiques.
Le film est fascinant. Mais il faut persévérer, s’y exposer complètement pour en faire l’expérience physique et pouvoir s’immerger complètement dans son atmosphère.
D’autres œuvres de Philippe Parreno sont visibles au rez-de-chaussée, dont la vidéo « L’Ecrivain ». Vous pourrez y voir en zoom des extraits comment un dispositif d’écriture des années 1770 met un texte sur papier. L’écriture des mains en bois est générée mécaniquement, comme avec les premiers ordinateurs, mais derrière les traits du visage en forme de marionnette bougent des yeux qui semblent réels. Pourquoi la question écrite « Qu’est-ce que tu crois ? Tes yeux ou mes mots ? » n’est pas purement rhétorique. Comme dans la vidéo « Marilyn », Philippe Parreno prouve ici que les ordinateurs, les robots et l’intelligence artificielle sont pour lui des terrains de jeu fascinants, à l’aide desquels il peut imaginer des lieux et des moments à sa guise.
Philippe Parreno: Marilyn / Selected Works from the Collection, Espace Louis Vuitton Munich, Maximilianstraße 2a, jusqu’au 6 août
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