La BNS distribue-t-elle des bénéfices insuffisants ?

La BNS distribue-t-elle des bénéfices insuffisants ?

La Banque nationale suisse a enregistré un bénéfice record de 80 milliards de francs après une année boursière favorable, malgré un déficit de 53 milliards dans sa réserve de distribution. Les économistes appellent à une révision des distributions, plaidant pour un nouveau ratio de fonds propres afin d’assurer la durabilité de la politique monétaire. Actuellement, le ratio est de 16,3 %, mais des pertes importantes pourraient mettre en péril la solidité financière de la banque à long terme.

Une Année de Bénéfices Record pour la Banque Nationale Suisse

En raison de la perte sans précédent enregistrée en 2022, la Banque nationale suisse (BNS) n’a pas pu distribuer de fonds à la Confédération et aux cantons durant les deux années précédentes. Au début de 2024, la réserve de distribution, destinée à équilibrer les paiements, affichait encore un déficit de 53 milliards de francs. Toutefois, une année boursière exceptionnellement favorable, couplée à un franc relativement faible, a permis d’atteindre un bénéfice record de 80 milliards de francs.

Les Économistes Demandent une Révision des Distributions

Conformément à l’accord actuel sur l’utilisation des bénéfices, qui doit être renégocié cette année avec le Département fédéral des finances, un montant de 3 milliards de francs peut désormais être distribué. Un tiers de ce montant ira à la Confédération, tandis que les deux tiers seront attribués aux cantons. Cependant, cela est jugé insuffisant par l’Observatoire de la BNS, un groupe d’économistes, dont Stefan Gerlach, Ivan Lengwyler et Charles Wyplosz, qui expriment régulièrement leurs opinions sur la politique monétaire de la banque. Ils avaient déjà soutenu l’an dernier que la BNS aurait pu effectuer des paiements malgré la réserve de distribution déficitaire. Dans un récent commentaire, ils plaident pour que la BNS établisse un nouveau ratio de fonds propres, afin de garantir la pérennité de sa politique monétaire. Selon eux, des bénéfices qui dépassent ce seuil devraient être redistribués, suggérant un taux de 10 à 15 % comme adéquat.

Actuellement, le ratio de fonds propres de la BNS s’élève à 16,3 %, ce qui représente 11,5 milliards de francs au-dessus de l’objectif de 15 %. Cela soulève la question : la BNS est-elle trop réticente à distribuer ses bénéfices ? Depuis la crise financière, la BNS a investi dans des devises étrangères pour éviter une appréciation excessive du franc, augmentant ainsi ses placements de près de 50 milliards à environ 750 milliards de francs aujourd’hui, majoritairement en obligations d’État étrangères et en actions.

Cependant, chaque fluctuation des devises entraîne des variations comptables significatives. Avec un bilan plus de huit fois supérieur à celui de 2008, la magnitude des gains et pertes à la fin de chaque année a considérablement augmenté, entraînant une volatilité accrue. Si la BNS devait respecter l’objectif de fonds propres de 15 % suggéré, elle devrait actuellement disposer de 128 milliards de francs. Une perte comme celle de 2022, qui a engendré une dévaluation de 132,5 milliards de francs, pourrait déjà plonger ses fonds propres dans le négatif.

Bien qu’une banque centrale puisse opérer avec des fonds propres négatifs, cela pourrait nuire à sa réputation et à la stabilité de sa monnaie à long terme, entraînant potentiellement des effets inflationnistes. Les banques centrales affichant des fonds propres négatifs durables doivent souvent être recapitalisées par l’État, comme observé récemment en Suède, ce qui les rend vulnérables aux pressions politiques, une situation non envisagée en Suisse.

Il est donc crucial d’établir un ratio de fonds propres durable qui dépasse le seuil de 15 %, même si la détermination de ce niveau précis pose des difficultés. Avant 2008, le ratio était supérieur à 50 %, avant de chuter temporairement en dessous de 10 %. L’établissement d’un ratio fixe pourrait poser des problèmes, car des variations significatives de la taille du bilan nécessiteraient une augmentation ou une réduction des fonds propres à chaque fois.

Le potentiel de bénéfices à moyen terme et sa volatilité sont intimement liés à la taille du bilan. Actuellement, les bénéfices et pertes pourraient varier de plusieurs milliards à des chiffres à deux ou trois chiffres. Il est donc souhaitable d’élaborer des règles adaptées qui renforcent le coussin de fonds propres et augmentent la réserve de distribution, permettant ainsi de stabiliser les distributions tout en les protégeant de la pression politique. Distribuer davantage maintenant pourrait avoir l’effet inverse souhaité.