La censure de Mediapart met à nu la détérioration de la liberté de la presse dans l’UE


Une décision de justice française d’arrêter la publication d’une enquête par Médiapart dans la corruption politique a suscité des avocats et d’autres médias qui disent que cela va à l’encontre des grands principes de la législation française et européenne sur la presse.

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Le portail devait publier une enquête sur le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau des Républicains (LR), notamment à propos du puissant président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes et candidat potentiel à la présidentielle, Laurent Wauquiez.

L’ordonnance préliminaire de censure signée le 18 novembre « ordonne de ne pas publier une enquête d’intérêt public à la demande expresse de la personnalité concernée », a écrit sur le site le co-fondateur et président de Mediapart, Edwy Plenel.

Des enregistrements, publiés par Mediapart dans le cadre d’une autre enquête en septembre, faisaient déjà état d’un prétendu scandale de chantage à la sex-tape impliquant Perdriau et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, contre le premier adjoint de la ville et rival du maire de la ville, Gilles Artigues.

Si elles étaient publiées, de nouvelles accusations porteraient probablement un nouveau coup à la réputation de Perdriau.

Une décision « extrêmement grave »

« Le vendredi 18 novembre, un huissier s’est rendu au siège de Mediapart pour délivrer un acte judiciaire sans précédent dans la mémoire d’un journaliste ou d’un juriste », a ajouté Plenel de Mediapart.

« Cette décision est extrêmement grave », Christophe Bigot, avocat spécialisé en droit de la presse pour Le Mondea déclaré à EURACTIV France, cela viole la loi française sur la presse et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Suite à une demande urgente de l’avocat de Perdriau, le tribunal a décidé de censurer le rapport sans donner à Medipart l’occasion de faire entendre sa cause pour publication.

De plus, l’article 10 de la CEDH sur la liberté de la presse souligne l’importance cruciale du principe de proportionnalité – qui ne peut être apprécié qu’à la lumière des informations publiées, a ajouté Bigot.

En d’autres termes, la censure d’une information d’intérêt général, même si elle pouvait porter atteinte à la réputation du sujet avant publication, est une violation et « constitue une atteinte grave à la liberté d’informer », écrit le Syndicat national des journalistes dans un communiqué. .

Déjà en octobre, le tribunal de commerce de Nanterre avait censuré une enquête menée par le média Reflets avant sa publication concernant le groupe Altice, propriété du milliardaire Patrick Drahi.

Il s’agissait d’une « intimidation » et d’une « procédure de bâillon flagrante », avait déclaré le syndicat à l’époque.

Érosion de la liberté de la presse en Europe

Parallèlement, dans le classement annuel 2022 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, il a été noté que « des lacunes subsistent dans la protection des sources des journalistes et la répression des SLAPP [Strategic Lawsuit Against Public Participation] procédures. »

Selon le classement de la presse, la France se classe désormais 26e sur 180 pays en matière de liberté de la presse, loin derrière d’autres pays de l’UE comme la Lituanie, l’Irlande, le Portugal et l’Allemagne.

Selon le rapport, la liberté de la presse en Europe connaît un déclin inquiétant, qui met en lumière « le retour des meurtres de journalistes » et des violences contre les journalistes dans un nombre croissant de pays européens.

La Grèce, par exemple, se distingue par de graves accusations de surveillance et d’espionnage de journalistes, au point de menacer la stabilité politique du gouvernement du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis. La Commission a ouvert une enquête à ce sujet.

« Nous assistons à une érosion du modèle européen de liberté de la presse, a déclaré le secrétaire général de RSF France, Christophe Deloire. Pour « éviter le contournement de la loi sur la presse par les justiciables, il faut sensibiliser le public à la question », a-t-il ajouté.

En réponse, l’Union européenne tente de maîtriser la situation, notamment à travers l’élaboration de la directive contre les poursuites stratégiques contre la participation publique et la loi sur les médias.

« Nous devons évidemment soutenir l’adoption d’une directive ambitieuse », a expliqué Deloire.

« La directive se concentre uniquement sur les procédures SLAPP transnationales. Mais elle doit être complétée par une législation qui limite ces pratiques au niveau national », a-t-il ajouté.

Une loi européenne sur la liberté des médias est également à l’étude, bien que le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) ait souligné la semaine dernière le manque d’ambition pour protéger les journalistes contre les logiciels espions.

Mediapart a confirmé lors d’une conférence de presse mardi 22 novembre que sa demande de retrait de l’ordonnance du tribunal serait examinée vendredi 25 novembre.

Le chef de la Fédération européenne des journalistes dénonce la liberté de la presse en Grèce

Le manque de confiance, l’instabilité économique et l’espionnage des journalistes rendent l’environnement de la presse en Grèce inquiétant et difficile, a déclaré la présidente de la Fédération européenne des journalistes, Maja Sever, à EURACTIV dans une interview exclusive.

EURACTIV.gr s’est entretenu avec Sever après le…

[Edited by Alice Taylor]





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