« La honte d’Apurimac »: la région du Pérou désavoue le président local


Abancay (Pérou) (AFP) – Apurimac, une région pauvre à majorité autochtone du sud rural du Pérou, est le lieu de naissance de la toute nouvelle présidente du pays, Dina Boluarte. Il a également été l’épicentre de violentes manifestations contre sa prise de pouvoir politique.

Vingt et une personnes sont mortes dans des troubles à l’échelle du pays provoqués par l’éviction au début du mois du gauchiste Pedro Castillo, sous la direction tumultueuse de qui Boluarte a été vice-président pendant 16 mois.

Six des décès ont été enregistrés à Apurimac, alors que Boluarte a pris une position ferme contre elle, marchant en grand nombre pour exiger de nouvelles élections pour un nouveau président et la libération de Castillo malgré une série d’allégations de corruption.

« On ne s’arrêtera pas là. Si les élites et le parlement ne reculent pas, on irait même jusqu’à l’insurrection », a déclaré à l’AFP l’un des opposants de Boluarte, Juan Ochicua, 53 ans.

Lui et une centaine d’autres personnes du village indigène de Quishuara ont parcouru quelque 80 kilomètres (environ 50 miles) à l’arrière d’un camion lundi pour bloquer une route entre les villes clés d’Abancay et d’Andahuaylas à Apurimac, une région d’environ un demi- millions de personnes.

Des villageois autochtones bloquent une route principale menant à la ville d’Abancay © MARTIN BERNETTI / AFP

« La constitution autorise la désobéissance civile et l’insurrection contre un gouvernement illégal », a déclaré Ochicua alors que ses compagnons scandaient des slogans en faveur de la dissolution du parlement.

« Dina, meurtrière », ont crié les manifestants, accusant le nouveau président d’avoir tué des manifestants.

« La honte d’Apurimac », scandaient d’autres en référence à Boluarte.

‘Pérou, je t’aime’

Castillo, qui a des racines indigènes, est populaire dans les régions pauvres et marginalisées où l’ancien professeur d’école rurale et dirigeant syndical incarne une antithèse aux élites politiques et économiques de Lima.

« Ils ne respectent pas les peuples autochtones au Pérou. Nous sommes économiquement maltraités et politiquement marginalisés », a déclaré Ochicua.

« Il a été piégé », a déclaré un autre partisan de Castillo, Maximo Chirinos, enseignant dans la ville montagneuse d’Abancay, qui compte quelque 100 000 habitants et qui sert de capitale administrative à Apurimac.

Un manifestant porte une pancarte appelant à la libération de l'ancien président Pedro Castillo
Un manifestant porte une pancarte appelant à la libération de l’ancien président Pedro Castillo © MARTIN BERNETTI / AFP

Dans le but de réprimer la révolte déclenchée par la destitution et l’arrestation de Castillo le 7 décembre après avoir tenté de dissoudre le Congrès pour gouverner par décret, le Congrès péruvien a officiellement voté mardi pour avancer les élections à avril 2024.

Le chef de la législature, Jose Williams, a déclaré que pour que la mesure prenne effet, elle devrait être ratifiée lors d’un autre vote dans les mois à venir.

Boluarte avait d’abord accepté d’avancer les élections prévues en 2026 à 2024, puis à l’année prochaine.

Elle a également déclaré l’état d’urgence qui interdit les rassemblements et les manifestations et autorise le déploiement de l’armée.

Malgré le risque d’arrestation, des centaines de personnes ont défilé lundi à Abancay en scandant : « Pérou, je t’aime, c’est pour ça que je te défends ! »

La police anti-émeute lourdement armée, que les manifestants accusent de brutalité, a surveillé de près les débats, qui ont été autorisés à se poursuivre tant qu’il n’y avait pas de problème.

« Il est temps de se battre »

Apurimac est une région pauvre à quelque 2 700 mètres d’altitude qui dépend fortement de la culture de la pomme de terre.

De nombreux manifestants portaient des pantalons déchirés, des chaussures trouées et des vestes délavées avec des fermetures éclair manquantes.

La police négocie avec les partisans de l'ancien président Pedro Castillo lors d'un barrage routier à l'extérieur d'Abancay, au Pérou, le 19 décembre 2022
La police négocie avec les partisans de l’ancien président Pedro Castillo lors d’un barrage routier à l’extérieur d’Abancay, au Pérou, le 19 décembre 2022 © MARTIN BERNETTI / AFP

Les manifestants mâchaient de la feuille de coca – utilisée comme stimulant et pour conjurer le mal de l’altitude – qu’ils transportaient dans des sacs en plastique.

« On s’en sort », c’est ainsi que le manifestant Freddy Quispe, un agriculteur de subsistance de 45 ans, a décrit la vie dans la région.

Il s’est plaint qu’Apurimac voit très peu les avantages d’héberger l’une des plus grandes mines de cuivre du pays.

« L’argent devrait être investi ici dans les infrastructures d’irrigation », a-t-il déclaré.

« Ce sont les grandes entreprises en collusion avec le gouvernement qui s’accaparent toute la richesse du pays. »

Son collègue manifestant Rosario Medrano Aguirre, un marchand de 72 ans, portait un insigne honorant Tupac Amaru, un chef inca qui a mené une rébellion contre les conquistadores espagnols.

C’est maintenant « l’heure de la lutte », a-t-elle proclamé.

« Les habitants d’Apurimac manifestent parce que l’État, les parlementaires et l’usurpatrice Dina Boluarte bafouent nos droits, ils veulent notre richesse », a déclaré Aguirre.

La nouvelle présidente du Pérou, Dina Boluarte, est née à Apurimac
La nouvelle présidente du Pérou, Dina Boluarte, est née à Apurimac © MARTIN BERNETTI / AFP

« Ces gens de droite mangent bien, boivent bien et s’habillent bien avec notre argent. Et les peuples autochtones n’ont pas de médicaments, pas d’éducation de qualité », a-t-elle ajouté.

« Qu’elle (Boluarte) dissolve le Parlement, qu’elle démissionne ! Sinon, nous irons à Lima fermer le Parlement », a juré Aguirre.



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