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Rangoun (AFP) – Les autorités militaires du Myanmar ont annoncé mercredi une prolongation de six mois de l’état d’urgence, retardant ainsi les élections que la junte s’était engagée à organiser d’ici août, alors qu’elles combattent les combattants anti-coup d’État à travers le pays.
Le pays d’Asie du Sud-Est est en ébullition depuis la prise de pouvoir de l’armée en 2021, et une répression ultérieure de la dissidence a déclenché des combats dans des pans entiers du pays tout en bloquant l’économie.
Le chef de la junte Min Aung Hlaing a reconnu que plus d’un tiers des cantons du pays ne sont pas sous contrôle militaire total, dans des commentaires rapportés par les médias officiels mercredi.
L’admission est intervenue le deuxième anniversaire du putsch, alors que le Conseil de la défense nationale et de la sécurité a accepté de prolonger l’état d’urgence déclaré lorsque les généraux ont renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi.
« L’état d’urgence sera prolongé de six mois supplémentaires à compter du 1er février », a déclaré le président par intérim Myint Swe, cité par les médias officiels.
La prolongation de l’état d’urgence repousse la date à laquelle les élections doivent avoir lieu, selon la constitution du pays.
L’armée a gouverné le Myanmar pendant des décennies après l’indépendance de la Grande-Bretagne en 1948 et a dominé l’économie et la politique du pays avant même le coup d’État.
Et tandis que Min Aung Hlaing a réitéré son engagement à travailler pour des élections nationales, il a clairement indiqué que l’armée maintiendrait son rôle de premier plan.
L’armée sera toujours « la gardienne des intérêts de l’Etat et du peuple… sous quelque gouvernement que ce soit », a-t-il déclaré, selon MRTV.
Rues désertes
L’annonce est intervenue alors que les rues se vidaient et que les magasins fermaient à travers le Myanmar en signe de protestation à l’occasion de l’anniversaire, les puissances occidentales lançant une nouvelle vague de sanctions contre les généraux.
Les rues du centre commercial de Yangon étaient en grande partie désertes depuis la fin de matinée, ont indiqué des correspondants de l’AFP, après que des militants ont appelé les habitants de tout le pays à fermer les entreprises et à rester à l’intérieur.
Les routes menant à la célèbre pagode Shwedagon – un sanctuaire bouddhiste qui domine l’horizon de Yangon et qui est généralement bondé de fidèles – étaient en grande partie désertes.
Environ 200 partisans de l’armée ont défilé dans le centre-ville historique de Yangon en début d’après-midi, tandis qu’à Bangkok, quelque 400 manifestants anti-junte ont organisé un rassemblement bruyant devant l’ambassade du Myanmar.
Les routes vides contrastaient avec les énormes manifestations observées dans les semaines qui ont suivi le coup d’État de 2021, qui se sont éteintes face à une répression sanglante des forces de sécurité.
Min Aung Hlaing a déclaré que bien que les manifestations de rue aient disparu, « la violence est toujours là », accusant les groupes anti-junte d’entraver les plans électoraux.
« Les terroristes terrorisent, dérangent, tuent et détruisent », a-t-il dit, selon MRTV.
« Troubles et violences »
Phil Robertson de Human Rights Watch a déclaré à l’AFP que l’extension montre que « Min Aung Hlaing ne se soucie que de tenir fermement au pouvoir, et que les droits et les souffrances du peuple birman soient damnés ».
La Birmanie est l’ancien nom du Myanmar.
« Un aveu clair de l’échec du SAC à contenir la guerre civile déclenchée par leur coup d’État », a déclaré à l’AFP l’analyste indépendant David Mathieson, utilisant un acronyme pour le nom officiel de la junte.
L’armée a justifié sa prise de pouvoir du 1er février 2021 par des allégations non fondées de fraude généralisée lors des élections que le parti de la figure de proue de la démocratie Suu Kyi a remportées dans un glissement de terrain.
L’état d’urgence devait expirer fin janvier et on s’attendait à ce que l’armée annonce mercredi qu’elle se préparerait aux élections.
Les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ont annoncé une nouvelle série de sanctions à l’occasion de l’anniversaire, ciblant les membres de la junte et les entités soutenues par la junte.
L’ancien dirigeant colonial du Myanmar, la Grande-Bretagne, a ciblé des entreprises fournissant du carburant d’aviation à l’armée et permettant sa « campagne de raids aériens barbares dans le but de maintenir le pouvoir ».
L’Australie a également annoncé ses premières sanctions, visant 16 membres de la junte « responsables de violations flagrantes des droits de l’homme » et deux conglomérats tentaculaires contrôlés par l’armée.
Plus de 2 900 personnes ont été tuées dans la répression de l’armée contre la dissidence depuis qu’elle a pris le pouvoir et plus de 18 000 ont été arrêtées, selon un groupe de surveillance local.
La junte a récemment conclu une série de procès à huis clos contre Suu Kyi, emprisonnant son ennemi de longue date pour un total de 33 ans dans un processus que les groupes de défense des droits ont qualifié de tromperie.
« Le principal souhait pour 2023, c’est que nous voulions la liberté et que nous rentrions chez nous », a déclaré à l’AFP Thet Naung, un militant de la région du nord de Sagaing, où militaires et combattants anti-coup d’État se sont régulièrement affrontés.
« Nous avons traversé de nombreuses difficultés. Nous voulions être heureux et vivre librement mais nous avons tout perdu. Nous avons passé la plupart de notre temps dans la jungle et sommes restés loin des villes. »
© 2023 AFP
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