L’industrie automobile allemande fait face à une perte significative d’emplois, avec une estimation de 140 000 postes à supprimer dans les dix prochaines années en raison de la transition vers l’électromobilité. Malgré la création de 29 000 emplois depuis 2019, le secteur a déjà perdu 75 000 travailleurs. Enzo Weber de l’IAB souligne que la transformation nécessite innovation et investissement, et que les salariés doivent développer des compétences pour s’adapter aux nouveaux domaines d’activité.
Les emplois traditionnels dans le secteur automobile ont connu des bouleversements majeurs. D’après des études, le secteur pourrait perdre environ 140 000 postes au cours des dix prochaines années, ce qui représente un emploi sur cinq. Depuis 2019, l’industrie a déjà enregistré une perte de 75 000 emplois, alors que seulement 29 000 ont été créés durant cette période. Quelles conséquences cela a-t-il pour les travailleurs et quel est l’avenir de cette industrie essentielle en Allemagne ? C’est ce que nous révèle Enzo Weber, expert de l’Institut pour le marché du travail et la recherche professionnelle (IAB). Selon lui, le défi principal ne réside pas tant dans les licenciements, mais dans notre capacité à innover.
Les chiffres du VDA sur l’impact de la transition vers l’e-mobilité sont alarmants. Quelle est votre analyse ?
Enzo Weber : La diminution de la main-d’œuvre nécessaire pour la production de voitures électriques n’est pas une surprise ; cela a été prouvé par plusieurs études. Avec l’inclusion des sous-traitants, il devient évident que l’emploi dans le secteur va diminuer. Actuellement, nous perdons environ 7 000 emplois par mois dans l’ensemble de l’économie. Cependant, il est essentiel de comprendre que nous faisons face à une transformation. Cette transformation signale un changement plutôt qu’un effondrement. Il existe des opportunités de création de valeur dans les technologies vertes et la mobilité durable, mais jusqu’à présent, ces nouvelles voies ne se manifestent pas suffisamment.
Quels métiers sont les plus exposés à ces changements dans l’industrie automobile ?
Les métiers de fabrication seront sans doute affectés. Toutefois, il y a aussi un besoin accru de compétences techniques en matière de décarbonisation. Que ce soit dans l’infrastructure, les systèmes de chauffage, l’hydrogène ou l’énergie éolienne, les métiers techniques sont très demandés. L’Allemagne peut évoluer dans cette direction. Nous disposons des compétences nécessaires, mais il est crucial de former les travailleurs pour qu’ils s’adaptent à de nouveaux domaines d’activité. Plutôt que de générer du chômage, nous devons veiller à ce que la main-d’œuvre reste disponible.
L’industrie automobile a-t-elle négligé la reconversion et le développement des compétences ?
Actuellement, de nombreux investissements sont déployés pour réorienter le secteur. Il est légitime de penser que l’industrie a été trop lente à agir dans les années 2010, ce qui a freiné son évolution. Aujourd’hui, nous ressentons les conséquences de cette hésitation, avec la nécessité d’un changement rapide. Il est temps d’initier une relance transformative, soutenue par des innovations et des investissements dans de nouveaux modèles opérationnels, tout en développant le marché du travail dans des secteurs émergents. Nous avons encore la possibilité d’y parvenir.
Quels éléments sont nécessaires pour garantir une transition réussie et accompagner le plus de travailleurs possible ?
La politique doit inciter une compétition favorable à cette transformation. Toutefois, l’État ne peut pas réussir seul. Nous avons besoin de dynamisme dans les nouveaux domaines d’activité. La situation actuelle ne se compte pas simplement en effondrements, car les licenciements sont encore inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie, et les fermetures d’entreprises sont également en déclin. Le véritable défi réside dans notre capacité à générer de nouvelles initiatives.
Quelles actions concrètes doivent être prises ?
Nous enregistrons une insuffisance de créations d’entreprises et de nouvelles offres d’emploi. Les investissements sont en déclin depuis plusieurs années. Une politique économique stable et prévisible est primordiale. Nous devons encourager l’innovation à travers de nouvelles aides au lieu de recourir aux anciens modèles de subventions, et investir dans les infrastructures ainsi que dans les technologies en priorité pour les startups. C’est en suivant cette voie que l’Allemagne pourra rehausser ses capacités technologiques.
Compte tenu de l’importance de l’industrie automobile, doit-elle recevoir un soutien spécifique ?
La crise touche l’ensemble du secteur industriel, pas uniquement l’automobile. Je préconise une approche stratégique englobant tous les secteurs.
Pas d’exception pour l automotive alors ?
Les actions que j’ai mentionnées, si elles sont mises en œuvre avec détermination, représenteront déjà un défi important, même