Le regard du Guardian sur Annie Ernaux : une lauréate du prix Nobel vintage | Éditorial

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Oorsque les futurs ethnographes veulent étudier ce que c’était d’être une femme en Europe dans les décennies entre la seconde guerre mondiale et aujourd’hui, ils pourraient faire pire que de prendre les œuvres rassemblées d’Annie Ernaux, qui est devenue cette semaine la première femme écrivain française gagner le prix Nobel de littérature.

Ernaux se décrit déjà comme « l’ethnographe de ma propre vie », mais elle a aussi toujours insisté sur le fait qu’elle est une auteure de fiction plutôt que de mémoires. La puissance de son observation personnelle est telle que certains la considéraient à tort comme une historienne de sa propre vie. Loin d’être une écrivaine de l’école du moi-moi-moi, son don à la littérature a été de trouver le collectif dans le particulier. Ses recréations sans relâche de sa propre expérience, issue de la classe ouvrière, ont affronté de nombreux grands tabous, du désir sexuel et de l’avortement illégal au cancer et à la démence. Moins solipsiste que Simone de Beauvoir (l’une des grandes ratées du prix Nobel), elle l’a néanmoins suivie pour anatomiser la montée de la conscience féministe et les nombreux défis auxquels elle a dû faire face.

Elle vient d’avoir 82 ans, publie depuis près de 50 ans et est depuis longtemps célébrée en France, où elle est l’une des rares femmes auteurs à figurer dans les programmes scolaires. Ce qui est extraordinaire, c’est le temps qu’il a fallu au monde anglophone pour rattraper son retard. Malgré une vague de traductions au tournant du millénaire, ce n’est qu’en 2019 que son chef-d’œuvre The Years (Les Années) a été présélectionnée pour le prix International Booker, qu’elle a commencé à être largement remarquée.

La réponse habituelle à une telle situation est de se lamenter sur l’état alarmant de la littérature traduite en anglais, et ce n’est certainement pas une coïncidence si elle est publiée non pas par l’un des grands acteurs mais par une petite presse indépendante. Elle a offert à la maison d’édition Fitzcarraldo son deuxième prix Nobel en quatre ans, après la Polonaise Olga Tokarczuk. Plus surprenant, cependant, comme Fitzcarraldo publie également Elfriede Jelinek et Svetlana Alexievich, l’éditeur détient près de 25 % des 17 femmes à avoir gagné depuis 1901.

C’est à ce grand tableau qu’Ernaux appartient. Le jury l’a félicitée pour « le courage et l’acuité clinique avec lesquels elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». Son travail s’inscrit dans une tradition européenne d’autofiction qui a depuis produit Elena Ferrante, Karl Ove Knausgård et son jeune compatriote Édouard Louis.

La rubrique du prix Nobel appelle à « un travail exceptionnel dans une direction idéale ». Malgré toutes leurs différences, les quatre lauréats de Fitzcarraldo sont des écrivains profondément politiques qui jouent selon leurs propres règles. Dans le cas d’Ernaux, il s’agissait de repousser l’expérience intime des femmes dans le monde des hommes. Même s’il serait imprudent d’exagérer l’importance de sa victoire, cela suggère que la notion de « direction idéale » est peut-être en train de changer. Et à propos du temps aussi. À une époque de répression renouvelée des droits des femmes dans tant de régions du monde, toute augmentation de la visibilité de l’intrépide Ernaux ne peut être qu’une bonne chose.

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