Les liens entre la Russie et l’incendie du Coran devant l’ambassade de Turquie : ont-ils fait échouer la candidature de la Suède à l’OTAN ?

La candidature conjointe de la Suède et de la Finlande à l’OTAN a été mise en péril après qu’un extrémiste d’extrême droite a mis le feu à un Coran devant l’ambassade de Turquie à Stockholm. En réaction, la Turquie a annoncé qu’elle ne ratifierait que la candidature de la Finlande tandis que la Suède a été laissée de côté. La Turquie avait déjà menacé de faire dérailler les aspirations de la Suède à l’OTAN après qu’un groupe de Kurdes eut accroché une effigie du président turc Recep Tayyip Erdogan à un lampadaire devant l’hôtel de ville de Stockholm. Le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, a qualifié l’incident de « sabotage contre la candidature suédoise à l’OTAN ». Mais ce qui a été déroutant, c’était le timing de l’incident. L’acte a envoyé des ondes de choc dans de grandes parties du monde musulman, déclenchant des manifestations de masse en Turquie et ailleurs, tandis que plusieurs rapportsont émergé depuis pour suggérer des liens présumés avec la Russie parmi les organisateurs de la manifestation.

Politiquement, l’incendie du Coran n’a été rien de moins qu’un désastre pour la Suède qui a tenté d’apaiser la Turquie pour sa très importante ratification de sa demande d’adhésion à l’OTAN. Les demandes d’Ankara étaient passées de demandes d’extradition de « terroristes kurdes » au nom de la sécurité nationale turque à l’appel à la Suède de réprimer les manifestations anti-turques à Stockholm et de limoger un ministre. Le président Erdogan a même annoncé que la Suède ne pouvait plus compter sur le soutien de la Turquie pour rejoindre l’alliance militaire.

Bien que l’incinération du Coran ait été une manifestation courante de la part de l’extrémiste d’extrême droite, Rasmus Paludan, il y avait quelque chose d’étrange dans la manifestation qui suscitait des interrogations. La mise en scène était organisée dans un moment particulièrement sensible dans la candidature de la Suède à l’OTAN et Paludan avait voyagé du Danemark en Suède dans le seul but d’organiser la manifestation. L’ancien ministre finlandais des Affaires étrangères, Alexander Stubb, a immédiatement blâmé la Russie, évoquant la guerre hybride d’un État voyou. Cette déclaration a été suivie par celle du successeur de Stubb, Pekka Haavisto, qui a déclaré que les liens de Paludan avec la Russie avaient fait l’objet d’une enquête et que certains liens dans son voisinage avaient été trouvés.

Le programme d’enquête suédois Kalla Fakta a également révélé que Paludan avait des liens avec la Russie. Selon le programme, il a été connecté à au moins six personnes liées au groupe paramilitaire privé russe Wagner via le réseau de médias sociaux russe VKontakte. L’un d’eux serait un recruteur et un membre éminent du groupe et a été accusé par l’Ukraine d’ingérence électorale et d’influencer l’opinion publique en faveur des intérêts russes dans d’autres pays. Bien que Paludan ait nié toutes les allégations, les experts disent qu’une implication russe globale ne peut être exclue.

« Il y a des raisons de devenir méfiants lorsque des événements qui ont été mis en place de manière si sophistiquée font clairement le jeu de la Russie », a déclaré Tony Ingesson, maître de conférences en analyse du renseignement à l’Université de Lund, soulignant la logique selon laquelle « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Cependant, il a ajouté, « la Russie utilise des méthodes secrètes pour que les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont soutenus [dans leurs actes] ». Jorgen Holmlund, un expert en analyse du renseignement à l’Université suédoise de la Défense, est d’accord, mais ajoute que les preuves doivent être rassemblées avant de tirer des conclusions.

Le moment ne pouvait pas être plus critique pour la Suède alors qu’elle cherche à rejoindre l’alliance militaire de l’OTAN. Toutefois, l’incendie du Coran organisé par Paludan, ainsi que le sabotage précédent par les Kurdes ont entravé les aspirations de la Suède. Les liens potentiels avec la Russie dans ces incidents rendent la situation encore plus précaire. Les États-Unis, à travers leur représentant, fait savoir que l’OTAN ne peut pas se permettre de perdre la Suède, mais le message semble être brouillé dans la confusion diplomatique engendrée par ces incidents. Les conséquences des événements récents sur le statut de la Suède dans l’OTAN restent à déterminer.

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