L’évolution des jeux érotiques au Japon : un aperçu de 2024

L'évolution des jeux érotiques au Japon : un aperçu de 2024

Cet article explore l’univers des eroge, des jeux vidéo japonais dotés de contenu érotique, souvent négligés par les chercheurs occidentaux. Il souligne leur importance dans l’évolution du secteur vidéoludique, en mettant en lumière des figures emblématiques comme Yuji Horii. En abordant leur histoire, l’article évoque l’influence culturelle du shunga et la tolérance japonaise envers les médias érotiques, tout en discutant de la réglementation actuelle et de l’impact économique significatif de cette industrie.

Comprendre les Eroge

Pas de panique – vous ne souffrez pas de déjà-vu. Si ce texte vous semble familier, c’est parce que nous republions certaines de nos fonctionnalités les plus appréciées de l’année dernière pour célébrer le meilleur de 2024. Si vous découvrez cela pour la première fois, savourez chaque mot ! Ce texte a été initialement publié le 8 février 2024.

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L’Histoire des Jeux Érotiques au Japon

Le sujet de cet article, les jeux érotiques, a été choisi délibérément car de nombreux chercheurs et journalistes occidentaux préfèrent l’éviter. Cependant, c’est une approche erronée. De grands noms comme Yuji Horii, le créateur de Dragon Quest, ont commencé leur parcours avec des ‘eroge’, ouvrant ainsi un espace créatif qui a favorisé l’émergence d’idées innovantes pour des jeux futurs. Que vous les appréciiez ou non, de nombreux jeux populaires d’aujourd’hui portent l’empreinte des eroge.

Nous vous invitons à apprécier cet article collaboratif, gracieusement partagé par le GPS.

Note : Cet article examine deux axes importants dans le développement des jeux érotiques d’Enix et Koei. Étant donné la richesse du sujet, il ne couvre pas d’autres développements significatifs, tels que les jeux lolita ou de stripping, et se limite à l’année 1985. D’autres recherches sont encouragées.

Alors, qu’est-ce qu’un eroge ? Dans son sens le plus large, un eroge est un jeu vidéo présentant un contenu érotique, souvent illustré dans un style anime ou manga. Plus précisément, ce terme désigne les jeux dont l’objectif principal est de dévoiler du contenu érotique, plutôt que de proposer une expérience de jeu immersive. Cela les distingue des jeux bishoujo, qui mettent en avant de jolies jeunes femmes et incluent également de la nudité, mais dont l’aspect principal reste le gameplay et l’histoire.

En matière de contenu, les eroge sont soumis aux lois japonaises, où les organes génitaux sont soit masqués, soit pixelisés, et tous les personnages participant à des actes sexuels doivent être âgés de 18 ans ou plus, ou leur âge ne doit pas être précisé. Notamment, les représentations de violence sexuelle et d’autres actes violents ne sont pas rares. De plus, le public des eroge n’est pas exclusivement masculin, car ces jeux peuvent aussi s’adresser aux femmes cis et aux joueurs LGBTQ+. Bien qu’à l’origine, les eroge étaient largement non réglementés, ils sont aujourd’hui surveillés par l’EOCS (Ethics Organization of Computer Software, ou Sofurin), et leur contenu peut parfois être illégal en dehors du Japon.

Il est fascinant de constater l’ampleur impressionnante de l’industrie des eroge au Japon. Des centaines de titres sont lancés chaque année, générant des millions de ventes, avec environ 20 000 personnes travaillant à plein temps dans ce secteur. Outre la demande évidente pour du contenu érotique, les coûts de production relativement bas – grâce à un art accessible, une histoire et une musique appropriées, et un minimum de programmation – permettent aux développeurs de créer des jeux à bas coût, vendant seulement une petite quantité pour atteindre la rentabilité, ce qui favorise une faible barrière à l’entrée et une grande viabilité. Ces jeux sont également un phénomène culturel unique au Japon.

Historiquement, les eroge ont toujours été présents dans l’industrie vidéoludique japonaise grâce à deux raisons principales. Premièrement, le Japon a une culture plus tolérante envers les médias érotiques (tant qu’ils respectent les lois de censure) et possède une riche histoire de contenu érotique dans son art et sa culture populaire. Cela remonte en partie à l’importance de la fertilité dans le shintoïsme, qui illustre même la création des îles japonaises comme un acte sexuel. On peut retracer l’origine du contenu érotique à la période Heian (794-1185), associé à la classe des courtisans et leur raffinement artistique, comme en témoigne le premier roman japonais, écrit par Murasaki Shikibu au début du 11ème siècle, qui narre les aventures amoureuses de Hikaru Genji, le fils fictif d’un empereur.

La période Heian a également donné naissance au shunga, des œuvres d’art érotiques représentant des actes sexuels. Traduite littéralement par « images de printemps », le shunga provient de shunkyu-higi-ga (« peintures secrètes du palais de printemps »), qui sont des rouleaux chinois illustrant les douze actes sexuels du prince héritier, chacun associé à un mois. Bien qu’à l’origine, le shunga était destiné à la noblesse et aux classes religieuses, il est resté un thème central de l’art japonais, considéré même comme un porte-bonheur par les samouraïs et les marchands. Le shunga a connu un essor pendant la période Edo (1603-1867) grâce à l’impression sur bois et au style ukiyo-e, qui est très apprécié aujourd’hui. En fait, de nombreux artistes ukiyo-e renommés, tels que Hokusai, ont produit du shunga tout au long de leur carrière. Bien que des décrets impériaux aient tenté de freiner sa production et sa diffusion, les influences victoriennes durant l’ère Meiji ont conduit à une stigmatisation du contenu érotique. Bien que le shunga ait finalement été supplanté par la photographie érotique, le manga et l’anime sont perçus comme des prolongements de cette tradition dans l’ère moderne.