L’UE a raison, nous devons défendre la démocratie. Mais « l’ingérence étrangère » n’est pas la plus grande menace


Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent en aucun cas la position éditoriale d’Euronews.

Plus de trente ans après la chute du rideau de fer, l’Europe est confrontée à la dure réalité que la démocratie n’est pas acquise.

La lutte contre le recul démocratique figure parmi les priorités de l’agenda de l’UE.

Il a occupé le devant de la scène lors du discours sur l’état de l’Union de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Pas plus tard que la semaine dernière, la Commission européenne a lancé une consultation sur son prochain paquet Défense de la démocratie.

Mais l’UE passe à côté de la plaque lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux causes profondes du recul démocratique.

Comme le montre la réponse au scandale de corruption du Parlement européen, l’UE réduit une fois de plus la question à l’ingérence étrangère au lieu de se pencher sur ce qui se passe chez elle.

Qu’est-ce qui affaiblit la démocratie ?

Chaque jour, la société civile et les mouvements populaires témoignent de la façon dont la confiance dans la démocratie et ses institutions est menacée de l’intérieur.

Les gens évaluent la démocratie en fonction de la capacité des politiques gouvernementales à répondre à leurs besoins, à leurs préoccupations et à leurs espoirs pour l’avenir.

Pour de nombreuses personnes dans l’UE aujourd’hui, confrontées à la pauvreté, à l’exclusion et à la discrimination, le système ne fonctionne tout simplement pas, les obligeant à lutter pour les droits et la dignité.

En négligeant ces griefs, les politiciens ouvrent la voie aux forces anti-démocratiques pour élargir les divisions entre nationalité, ethnie, religion, identité de genre et sexualité.

Ils le font en promettant aux « bons patriotes » qu’ils garderaient les « étrangers » à distance, ce qui implique que certains ont plus le droit que d’autres de jouir des droits de l’homme et de la dignité.

Pour cette raison, renforcer la démocratie signifie avant tout relever ces défis de l’intérieur.

L’UE devrait donner la priorité aux politiques de cohésion interne et de résilience, d’égalité, de liberté et de participation, valeurs qui sont au cœur des actions quotidiennes de la société civile, conformément aux articles 2, 3 et 11 des traités de l’UE et à la Charte des droits fondamentaux.

Scandale de la corruption : rejeter la faute sur la société civile

Depuis un certain temps maintenant, les institutions de l’UE semblent se concentrer davantage sur l’ingérence étrangère que sur les défis plus proches de chez eux.

Cela est démontré dans le scandale de corruption en cours au Parlement européen, qui est utilisé par certains pour lancer une chasse aux sorcières contre la société civile et les ONG.

Lors d’un débat au Parlement européen, le président de la commission de contrôle budgétaire a qualifié la société civile d' »ennemis potentiels de nos démocraties » et a appelé à un « équivalent européen de la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers » pour accroître le contrôle et la transparence.

Mettons les pendules à l’heure : il s’agit d’un scandale d’intégrité publique et de corruption impliquant des députés européens actuels et anciens et leurs assistants, dont certains auraient abusé de leur pouvoir de direction dans deux organisations à des fins criminelles.

Renverser la responsabilité sur la société civile et les ONG en tant que secteur semble un stratagème pratique pour détourner l’attention, mais cela ne sert pas l’objectif de défendre la démocratie.

Elle contribue plutôt à de nouvelles restrictions sur l’espace civique déjà menacé, comme en témoignent les rapports annuels sur l’État de droit présentés par la Commission européenne.

Le récit et la législation autour des « agents étrangers » ont déjà été capitalisés pour cibler des associations et des ONG dans des pays comme la Russie, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie et la France.

Si l’UE continue d’adopter cette approche, elle risque de légitimer davantage ce récit et d’alimenter la répression déjà inquiétante de la société civile et des voix critiques qui demandent des comptes aux gouvernements.

Aborder la résilience démocratique interne de nos sociétés

Pour protéger la démocratie, il faut protéger et non attaquer la société civile.

L’UE ne doit pas manquer l’occasion de le faire dans son prochain paquet de défense de la démocratie. Alors que sa récente consultation reconnaît l’importance de la société civile et de la participation civique, elle se concentre étroitement sur « l’influence étrangère secrète ».

Il désigne également les ONG comme particulièrement vulnérables à l’ingérence étrangère, même si les ONG ont des obligations strictes en matière de déclaration et de transparence pour les financements qu’elles reçoivent.

Dans le même temps, les grandes entreprises et les lobbies d’entreprises internationales respectent moins d’obligations de transparence dans le cadre du registre de transparence de l’UE et contournent souvent ces règles.

Se concentrer sur l’ingérence étrangère comme seule menace pour la démocratie est contre-productif, car cela risque de balayer les attaques nationales contre la démocratie sous le tapis ou même d’absoudre les gouvernements européens qui en sont responsables.

Au contraire, si l’UE veut protéger la démocratie, elle doit accorder la priorité à ce qui contribue à la résilience démocratique interne.

Il doit soutenir et protéger les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme et veiller à ce que les libertés civiques, y compris la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression, soient préservées et renforcées.

L’état de la société civile et la qualité des libertés civiques ne sont pas seulement un indicateur de l’état de la démocratie mais aussi un élément de son infrastructure critique.

La reconnaissance doit être ancrée au niveau européen. S’il doit y avoir un espace ouvert et florissant pour la société civile à tous les niveaux de l’UE, les institutions européennes doivent montrer l’exemple.

Raffaella Bolini et Jean-Marc Roirant sont co-présidents du Forum civique européen, un réseau paneuropéen qui rassemble près de 100 associations et ONG dans 29 pays européens.

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