Mohammadi, l’activiste iranienne qui persiste dans son combat

Mohammadi, l'activiste iranienne qui persiste dans son combat

Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, évoque ses 13 incarcérations et son engagement inébranlable pour les droits humains en Iran, malgré les souffrances personnelles. Elle s’inquiète pour les prisonnières malades et dénonce l’oppression persistante du régime. Bien qu’elle soit actuellement libre, elle reste déterminée à poursuivre sa lutte, même depuis la prison. Mohammadi souligne que les récents changements législatifs ne traduisent pas une réelle amélioration des droits des femmes.

Narges Mohammadi, la lauréate iranienne du prix Nobel de la paix, a déjà connu l’incarcération à treize reprises. Parfois, elle se demande si son combat en vaut la peine, mais elle finit toujours par conclure qu’elle doit intensifier ses efforts.

Interviewer : Vous n’êtes pas actuellement derrière les barreaux pour des raisons médicales. Comment vous sentez-vous ?

Narges Mohammadi : Après une intervention chirurgicale sérieuse à la jambe droite, j’ai passé 22 jours supplémentaires en prison où j’ai été soignée. Grâce à l’intervention de mes avocats, nous avons réussi à obtenir une suspension de peine de 21 jours. Maintenant, ils travaillent pour prolonger cette période après son expiration.

Interviewer : Votre situation actuelle, loin de la prison, indique-t-elle une amélioration dans la manière dont le régime traite les dissidents ?

Mohammadi : Je suis préoccupée par la condition des malades dans le quartier des femmes de la prison d’Evin. Il y a des détenues souffrant de maladies graves, comme des tumeurs au cerveau, qui restent en détention. De plus, des rapports alarmants font état d’exécutions de 31 femmes en 2024, et environ 400 exécutions ont eu lieu au cours des deux derniers mois.

Ces événements soulignent que la situation des droits humains en Iran est très alarmante. Aucune amélioration n’est perceptible, ni aucune ouverture dans le pays.

Pas de regrets dans la lutte

Interviewer : Votre famille a quitté l’Iran. Vous avez choisi de rester et d’affronter l’arrestation à plusieurs reprises. Avez-vous déjà remis en question cette décision ?

Mohammadi : J’ai été arrêtée treize fois, dont quatre en isolement, une période particulièrement difficile pour moi. J’ai également traversé des moments douloureux, comme la perte de mon père, à qui je n’ai pas pu dire adieu, même mon téléphone étant coupé. Il en a été de même il y a dix ans lorsque mes enfants ont quitté l’Iran et que j’étais en prison.

Ces expériences laissent une empreinte profonde et peuvent susciter des doutes sur la valeur de mon engagement. Cependant, après tant de souffrances, je suis convaincue que la lutte pour les droits de l’homme, la liberté, l’égalité et les droits des femmes doit persister, notamment au Moyen-Orient, en proie aux conflits. C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts.

En somme, pour répondre à votre question : Non, je ne regrette rien. Au contraire, je suis déterminée à me battre plus intensément que jamais. Je reste pleine d’espoir et d’énergie pour continuer cette lutte.

Pour la seconde fois consécutive, le prix Nobel de la paix n’a pas pu être remis en personne.

Un peuple renforcé par la lutte

Interviewer : La loi sur le voile et la chasteté des femmes, qui alourdissait les règles, ne sera finalement pas appliquée, en grande partie à cause de la crainte de manifestations massives. Cela marque-t-il une réelle ouverture ou s’agit-il d’une illusion de démocratie ?

Mohammadi : À mon sens, cette loi et son adoption par le parlement révèlent la volonté du gouvernement de continuer à opprimer, surtout les femmes. Après le mouvement ‘Femme, Vie, Liberté’, les autorités ont tenté d’accroître la pression.

Cette oppression est également visible dans d’autres domaines, touchant les créateurs culturels, les dissidents et les prisonniers politiques. Les dirigeants semblent miser sur l’oppression car le temps joue contre eux et leur soutien est limité.

Le fait que cette loi ait été adoptée mais ne soit pas appliquée est un signe de la faiblesse des dirigeants face aux femmes qui se battent dans la société. Cela témoigne également des avancées dues au mouvement ‘Femme, Vie, Liberté’. Sans ce combat, ces évolutions ne seraient pas possibles. Cela prouve que le peuple a gagné en force et en courage, une réalité dont les dirigeants ont peur.

Actuellement, je suis de nouveau en prison, mais je poursuis mon travail depuis l’intérieur.

Des conséquences possibles pour cette interview

Interviewer : Vous avez accepté de donner cette interview. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir pour vous ?

Mohammadi : À mon avis, il est inacceptable de cesser de se battre et de résister. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire une pause, que ce soit par l’emprisonnement ou d’autres formes de répression. Rien ne peut me faire taire.

J’ai été condamnée neuf fois, et dans cinq de ces cas, c’était en raison de mon activisme en prison et de mes prises de position. Cela prouve que les murs de la prison ne peuvent pas m’empêcher de poursuivre mon combat, même si cela implique de souffrir. L’année dernière, ils ont même coupé mon téléphone pour empêcher mes déclarations de sortir.

Je n’ai pas eu la possibilité de voir mes avocats, car les autorités craignaient que je ne puisse pas me défendre correctement sans eux, bien que je n’assiste de toute façon pas à mes audiences.