Par où commencer : Colette | Livres

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Le mois dernier a marqué le 150e anniversaire de la naissance de Sidonie-Gabrielle Colette, qui a pris le mononyme Colette après son deuxième divorce. Mariée à 20 ans, elle a été contrainte par son premier mari à écrire des livres sous son nom, comme le montre le biopic de 2018 mettant en vedette Keira Knightley et Dominic West. La série Claudine a fait sensation, relatant avec ravissement le passage à l’âge adulte d’une jeune fille et sa quête de liberté sexuelle ; l’adolescent français moderne était arrivé. Une fois séparée, Colette se plonge dans « les plaisirs si légèrement dits physiques », et les exprime dans ses romans avec une intensité poétique et un joyeux savoir-faire. Simone de Beauvoir l’a qualifiée de « seule grande femme écrivain en France », mais Colette s’est également épanouie en tant que danseuse, scénariste, librettiste, journaliste et propriétaire d’une chaîne de beauté. Elle aimait les femmes, épousa trois fois des hommes et, à 40 ans, donna naissance à une fille. Elle a reçu quatre grades de la Légion d’honneur, est devenue la première femme présidente de l’Académie Goncourt et a été la première femme à recevoir des funérailles nationales en France à sa mort en 1954. Pour ceux qui découvrent l’œuvre de cet auteur étonnant, l’écrivain et le fan de Colette, James Hopkin, suggère quelques bons points de départ.


Le point d’entrée

Si vous n’aimez pas la prose magnifiquement frénétique de la série Claudine (traduite par Antonia White), alors vous devriez commencer par Le Vagabond (1910) traduit par Enid McLeod. C’est ici que Colette trouve sa voix dans la sensualité mesurée, la mélancolie et l’humour d’une femme déterminée à aller de l’avant. Renée Néré, trente-trois ans (Renée signifie « renaître »), foule les planches après avoir échappé à un mariage oppressif. Lorsque Renée succombe au « plaisir voluptueux » d’un admirateur, elle s’enfuit en tournée. Colette écrivait sa propre vie. Elle a composé le livre alors qu’elle était interprète lors d’une tournée de 32 villes en France, sa trousse de maquillage sur ses genoux en guise de bureau. Chaque page est marquée par une tendre perspicacité et des détails picturaux alors que Colette nous exhorte à ressentir la beauté et la bravoure de la vie errante et à défier les conventions de l’amour. Angela Carter a déclaré le roman « l’une des expositions les plus véridiques du dilemme d’une femme libre dans une société dominée par les hommes ».


Celui à lire dans le jardin

Détestant le tapage autour de la mort, Colette n’a pas assisté aux funérailles de la mère qu’elle adorait. Mais 10 ans plus tard, elle publie La Maison de Claudine (1922), traduite par Una Vincenzo Troubridge et Enid McLeod, et publiée sous le titre My Mother’s House. Dans ce mémoire de son enfance idyllique en Bourgogne, l’auteur ressuscite une déesse de la Terre. Sido parcourait ses jardins à l’aube, traînant un parfum de feuilles de verveine citronnée alors qu’elle s’occupait de ses « roses, lychnis, hortensias ». Dispensant l’instruction maternelle aux côtés de la sagesse paysanne astucieuse et des jeux de mots, elle était généreuse envers ses enfants et envers tous les êtres vivants. Colette veut qu’on l’adore, et on l’adore. La prose doucement rhapsodique est une élégie, chantée non seulement à sa mère mais à la pastorale disparue de la fin du XIXe siècle. Avis aux amoureux des fleurs : Colette écrit de manière ravissante sur les plantes et leurs pouvoirs de réparation de l’âme, des mûres roses à la rose Cuisse-de-Nymphe émue.


Si vous voulez explorer la liberté sexuelle

Colette a entretenu de nombreuses relations avec des femmes, la plus longue avec Mathilde de Morny, dite « Max » ou « Missy ». Le couple provoque un tollé avec un baiser sur scène en 1907. Toujours provocatrice, Colette se produit régulièrement dans des revues presque nues telles que Flesh. Les détracteurs, et ils étaient nombreux, l’appelaient « Culotte » (signifiant « culotte »). Femme vivant et écrivant ses passions au début du XXe siècle, époque de misogynie rampante, Colette était radicale, disciplinée et courageuse. Elle n’essayait pas d’écrire comme un homme ; elle avait créé un nouveau style. Elle était aussi une journaliste prolifique. Regardez Earthly Paradise pour des exemples. Ou essayez Le pur et l’impur (1932/41 ; traduit par Herma Briffault) et suivez une Colette plus âgée alors qu’elle visite les clubs lesbiens et les fumeries d’opium. Se qualifiant d’« hermaphrodite mentale », elle précise néanmoins où vont ses sympathies : « Nous n’apporterons jamais assez de crépuscule, de silence et de gravité pour entourer l’étreinte de deux femmes.

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Denise Gough et Keira Knightley dans le rôle de Missy et Colette dans le film Colette de 2018.
Denise Gough et Keira Knightley dans le rôle de Missy et Colette dans le film Colette de 2018. Photo : Numéro 9 Films/Allstar

Si vous manquez de temps

Gigi (1944) donne le nom de l’écrivain en anglais (traduit par Roger Senhouse), et lance la carrière d’un jeune acteur que Colette choisit pour l’adaptation scénique après l’avoir repérée dans un hôtel de Monte-Carlo. Son nom? Audrey Hepburn. Colette avait une étonnante capacité à lire un visage, un paysage, un désir. Elle utilise ce don à bon escient en tant que narratrice-enquêteuse de ses nouvelles, sondant sous la mascarade de la Belle Époque pour révéler des vérités mêlées de poison ainsi que de plaisir. Vous aimerez les âmes  »naufragées » du demimonde au beau monde avec leurs potins fruités et leur désespoir quotidien. Et vous n’échapperez pas à l’œil vif ou à l’esprit insolent du narrateur. Pourtant, son ton est souvent apaisant. Au Bar Le Sémiramis, fréquenté par les « hard-ups en vestes bizarres », elle se sent chez elle avec la patronne au ton dur. Dans la menace contrôlée de The Rainy Moon, une femme trahie cherche à se venger par la sorcellerie. Et à Bella-Vista, deux femmes gérant une maison d’hôtes tentent de dissimuler leur relation. Lisez la nouvelle The Cat (traduite par Antonia White, 2001). Personne n’écrit sur les animaux comme Madame Colette.


Le chef-d’œuvre

Chéri (1920, nouvelle traduction de Paul Ebrile) est une fable se déroulant en 1912 sur une courtisane voluptueuse, Léa, et son beau gosse « presque filial », Fred/Chéri, de 25 ans son cadet (Colette elle-même séduira plus tard son fils de 16 ans). ancien beau-fils lors de son second mariage). Léa nourrit son « nourrisson » de plaisirs culinaires et corporels qui vous donneraient la nausée si vous n’étiez pas déjà enivré par l’enquête sensuelle de Colette sur le couple gâté. Elle n’a jamais hésité à écrire son corps, souvent sans pitié. La Fin de Chéri (1926) est une suite brillamment sombre, déplorant la fin de l’innocence après la première guerre mondiale, tout en célébrant une femme plus âgée qui retrouve son autorité. Colette a écrit à plusieurs reprises sur le besoin de se ressourcer, surtout après « une des grandes banalités de l’existence, l’amour ».

« Regardez autour de vous », a-t-elle déclaré dans une interview, « imprégnez-vous de l’atmosphère des choses, c’est le but de la vie. » Et tu devrais t’imprégner de Colette. Avec ses conseils, vous serez bientôt assez fort pour accueillir à nouveau « de toutes les sources la bénédiction passagère de la joie ».

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