Pourquoi les excuses néerlandaises pour l’esclavage me laissent un goût amer dans la bouche

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ELis Juliana, poète, artiste et intellectuelle de l’île caribéenne néerlandaise de Curaçao, décédée en 2013, a dit un jour : « Les cicatrices des pieds de mon peuple suite à l’esclavage néerlandais sont encore du pus hurlant. C’est une déclaration frappante qui reflète la domination du pouvoir politique et économique néerlandais sur le peuple noir de Curaçao et de ses îles sœurs, notamment Saba, Statia, Bonaire, Aruba et St Maarten. Et cela reste vrai – même après les excuses surprenantes des Pays-Bas le mois dernier pour les atrocités de l’esclavage hollandais dans la région.

Dans ces excuses, le Premier ministre, Mark Rutte, a déclaré : « Au nom du gouvernement néerlandais, je présente mes excuses pour les actions passées de l’État néerlandais : aux personnes réduites en esclavage dans le passé, partout dans le monde, qui ont souffert à la suite de ces actions, ainsi qu’à leurs filles et fils, et à tous leurs descendants, jusqu’à ce jour.

Ce qu’il a omis de mentionner, c’est que cette annonce a été faite sans la contribution des personnes auprès desquelles il s’excusait. Imposer une décision aussi percutante qu’une annonce à sens unique d’en haut vous dit tout sur la hiérarchie qui régit encore les relations entre les Pays-Bas et ses anciennes possessions coloniales. L’indignation qui a accompagné l’annonce était justifiée.

Mais, d’abord, l’histoire. Les colonies néerlandaises dans les Caraïbes, qui étaient au centre de leur traite génocidaire des esclaves pendant le soi-disant « âge d’or » aux Pays-Bas, le sont restées jusqu’en 1954, lorsque le gouvernement a finalement accepté de semi-décoloniser ses territoires.

Les élites de la minorité blanche au pouvoir ont négocié une union de six îles, les Antilles néerlandaises, qui au 21e siècle, après une série de référendums, étaient devenues un arrangement par lequel trois îles, dépouillées de leur autonomie, sont gouvernées directement depuis les Pays-Bas comme municipalités et trois sont des « pays autonomes » au sein du Royaume des Pays-Bas.

En réalité, dans les pays autonomes, les dépenses publiques sont contrôlées et nécessitent l’approbation néerlandaise d’un conseil de surveillance. Les services sociaux manquent de ressources, ce qui oblige les gens à vivre dans des conditions de pauvreté. Les écoles primaires de Curaçao, par exemple – où le néerlandais est privilégié par rapport à la langue locale, le papiamentu – échouent encore et encore. Avec une tristesse enragée, je vois nos sociétés caribéennes rester sous-développées, constamment assiégées par les puissances coloniales.

Mais l’annonce des excuses éclipse une atrocité encore plus grande : l’effacement des expériences vécues des habitants des Caraïbes, qui comprennent que le mal de l’esclavage passé ne s’est pas arrêté après l’abolition, mais s’est seulement transformé en politiques oppressives du gouvernement néerlandais et en exploitation économique.

Cela se manifeste aujourd’hui par la dépendance vis-à-vis du tourisme néerlandais, les Européens dominant la propriété de l’industrie. Vous le voyez dans les projets de gentrification qui déplacent les communautés noires. Ou la « imposition rigide » de règles budgétaires par une « élite politique qui se sent plus proche de La Haye » que les habitants de la région, dans les mots d’un ancien banquier central.

Les Néerlandais présentent Bonaire comme un modèle de réussite d’outre-mer. Ce qui n’est pas mentionné, outre la pauvreté généralisée, c’est l’affaire de justice climatique en cours de Greenpeace contre l’État néerlandais pour ne pas avoir investi dans la protection contre le changement climatique, comme il l’a fait aux Pays-Bas. Saint-Martin est la preuve vivante que l’ouragan Irma a eu plus de compassion que le gouvernement néerlandais, qui a fait de fausses promesses d’aide au redressement financier après la catastrophe de 2017.

La visite royale du roi Willem-Alexander, de la reine Maxima et de la princesse héritière Catharina-Amalia dans les îles à la fin de ce mois offre l’occasion de tenir l’État néerlandais responsable du sous-développement structurel des Caraïbes.

Le raisonnement économique et géopolitique selon lequel les Noirs ne peuvent pas se gouverner eux-mêmes remonte à l’époque où leurs navires négriers sous mandat royal ont transporté de force nos ancêtres sur ces côtes. D’où l’éternel non-respect de leur obligation de rendre ces îles économiquement, socialement et culturellement souveraines et autosuffisantes.

Des excuses d’une telle ampleur de la part d’un premier ministre ne peuvent avoir de sens que s’il existe un véritable engagement en faveur d’un processus complet de guérison réparatrice, dirigé par et pour les communautés caribéennes, et ancré dans la législation.

Les communautés souffrant du néocolonialisme néerlandais devront se réunir pour déterminer un programme. La justice réparatrice pourrait ressembler à des dispositions constitutionnelles dans lesquelles les assemblées populaires des Caraïbes deviennent les seuls architectes de la politique. Cela pourrait prendre la forme de réparations climatiques de Dutch Royal Shell ou de la suppression de la fonction de gouverneur de l’époque coloniale, de la répudiation d’une dette étudiante odieuse ou de l’attribution de postes clés dans le secteur public à des habitants noirs.

Les Néerlandais se présentent comme des champions mondiaux des droits de l’homme, faisant de La Haye la capitale du droit international. L’un des principes les plus importants de la justice réparatrice pour la violence coloniale en vertu du droit international est la cessation et la garantie de non-répétition ; à ce jour, cela reste un principe qu’ils n’ont jamais respecté.

Il est temps pour nous, dans les Caraïbes néerlandaises, de résister à l’idée coloniale selon laquelle nos maisons sont un espace de liberté et de créer des structures politiques qui nous conduisent vers une véritable liberté.

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