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Alors que 2022 touche à sa fin et que certains d’entre nous reviennent sur ce qui a été ou aurait pu être, Euronews Culture a rompu le pain avec nombre de nos boulangers français au sujet de la décision historique de l’ONU de faire l’éloge de l’article sans doute le plus humble de la France – le baguette.
Au cas où vous l’auriez manqué, l’agence culturelle des Nations Unies, l’UNESCO, a récompensé le savoir-faire artisanal français en inscrivant la baguette et « patrimoine culturel immatériel de l’humanité ».
Ne vous méprenez pas, en tant que Française, c’est formidable de voir un produit de tous les jours célébré, mais la baguette est peut-être le pire article d’un panier de courses français à choisir comme le porte-drapeau de notre savoir-faire culinaire.
En effet, en France, derrière le mot « baguette », vous trouverez une large gamme de différents produits de qualité ; des baguettes maison très savoureuses aux génériques très insipides.
Ce n’est pas une surprise en soi, mais vous ne savez peut-être pas qu’un nombre croissant de Français se détournent de la baguette. Le ménage moyen mangeait environ trois baguettes par jour au début du XXe siècle, contre à peine la moitié d’une aujourd’hui.
Retour aux fondamentaux du pain
Mais comment la France, capitale mondiale de la gastronomie, en est-elle arrivée là ?
Pour mieux comprendre, remontons un peu dans le temps et suivons le fil de l’histoire de la baguette… Inventée au XIXème siècle, l’apparition de la baguette a considérablement réduit le travail pénible des boulangers, sa forme allongée réduisant notamment le temps de cuisson.
Au cours du XXe siècle, le pétrissage est progressivement facilité par l’arrivée des machines, les farines blanches prennent le pas sur les grains entiers, et la levure – qui fait pousser la pâte plus vite – remplace progressivement le levain.
La baguette, d’abord réservée aux citadins, s’est popularisée après la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1960 et 1970, au moment du boom de l’agriculture intensive et de l’industrialisation agroalimentaire.
Mais n’ayez crainte. Il y a une nouvelle génération de boulangeries, dirigées par des artisans, pour qui la baguette est un triste symbole de standardisation alimentaire. Et ils veulent réinventer notre pain quotidien.
Nouvelle génération de baguettes
Mayé est l’une d’entre elles. Dans sa boulangerie lyonnaise, elle ne vend pas de baguettes ni de croissants mais des pains de mie qui changent de forme chaque jour, le tout 100% au levain naturel.
Mayé est mexicaine et vit en France depuis 11 ans.
« Le pain, ici en France, c’est sacré, je me souviens encore de la première fois où je suis entré dans une boulangerie, c’était magique. »
Avant d’ouvrir sa propre entreprise, elle a d’abord travaillé pendant six ans comme pâtissière dans différentes boulangeries.
« Lorsque j’ai commencé à travailler, je me suis vite rendu compte à quel point le pain était mal traité ici, en particulier la baguette. Dans de nombreuses boulangeries, des additifs et du gluten peuvent être ajoutés à la farine pour accélérer la production ; et des « mélanges » prêts à l’emploi sont disponibles. une pratique courante. C’est comme lorsque vous achetez un mélange à crêpes au supermarché, vous n’avez qu’à ajouter de l’eau et c’est tout.
Patisserie
Depuis les années 1970, supermarchés, chaînes de boulangeries et franchises se sont multipliées, menaçant les techniques artisanales. 400 boulangeries artisanales en moyenne disparaissent chaque année depuis cinquante ans, majoritairement en milieu rural.
« Aujourd’hui, le levain, autrefois ingrédient essentiel de la panification, n’est même plus enseigné dans la plupart des cours de boulangerie », explique Mayé.
Afin de revaloriser le travail des artisans, depuis 1993, les techniques traditionnelles de fabrication du pain et notamment la fameuse « tradition baguette » – qui représente aujourd’hui la moitié des baguettes vendues en France – sont protégées par une loi. Les seuls ingrédients autorisés sont la farine, le sel, l’eau, le levain ou la levure.
L’UNESCO met l’accent sur ces quatre ingrédients et donne des détails sur le processus de production traditionnel consistant à « peser et mélanger les ingrédients, pétrir, fermenter, diviser, détendre, façonner manuellement, seconde fermentation, marquer la pâte avec des coupes peu profondes (la signature du boulanger) et cuire ».
« De l’eau, de la farine et de la patience »
Pour Mayé, comme pour ces néo-boulangers, inspirés des méthodes ancestrales, la baguette est déjà démodée, et il est temps de redonner au pain son éclat d’antan. Sa recette ? Des farines bio élaborées à partir de diverses céréales (blé, petit épeautre, seigle…) de variétés anciennes et surtout, du levain maison.
« Le levain maison, c’est de l’eau, de la farine et de la patience. Le mélange par fermentation crée des bactéries et des levures que nous ajoutons à la pâte. Cela prend du temps mais c’est ce qui va donner tous les arômes au pain, améliorer sa conservation, et le rendre très digeste ».
Baguette ou pas, « quel que soit le type de pain que vous achetez, n’hésitez pas à poser des questions à votre boulanger, demandez-lui le type de farine, s’il y a du levain, comment le pain a été fabriqué. Un boulanger qui travaille avec des matières premières doit savoir comment répondre ».
Espérons que la reconnaissance de l’UNESCO permettra de répondre à l’appétit pour les baguettes industrielles, en mettant en avant le savoir-faire traditionnel spécifique des boulangers français mais je crains que ce prix ne mette davantage l’accent sur la baguette par rapport au savoir-faire artisanal.
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