Le choix potentiel de Trump pourrait inciter l’Allemagne à prendre des initiatives, selon l’expert militaire Gady. Il met en lumière la dynamique actuelle en Ukraine, où le manque de personnel militaire est préoccupant, malgré des avancées technologiques. Gady souligne que sans le soutien américain, l’Europe, notamment l’Allemagne, doit assumer un rôle de leadership pour soutenir l’Ukraine. Un retrait américain pourrait entraîner des tensions et des conflits supplémentaires dans la région.
Le choix de Trump pourrait inciter l’Allemagne à se réveiller, selon l’expert militaire Gady. Si les États-Unis perdent leur statut hégémonique, cela pourrait engendrer de nouvelles guerres, affectant directement la situation en Ukraine.
Interviewer : Vous venez de revenir d’Ukraine. Quelle est votre évaluation de la situation militaire sur le terrain ?
Franz-Stefan Gady : La dynamique sur le champ de bataille est très active. Militairement, la situation n’est pas catastrophique le long du front. Cependant, plusieurs tendances préoccupantes émergent, signalant que l’Ukraine pourrait perdre davantage de territoires à l’est dans un avenir proche.
Franz-Stefan Gady est un analyste indépendant et un conseiller militaire reconnu. Il occupe également le poste de Senior Fellow à l’Institute for International Studies à Londres et est Adjunct Senior Fellow au Center for New American Security à Washington DC. Son expertise est sollicitée par des gouvernements et des forces armées en Europe et aux États-Unis sur des questions liées à la réforme structurelle et à l’avenir des conflits. Ses missions sur le terrain l’ont conduit plusieurs fois en Ukraine, en Afghanistan et en Irak, où il a collaboré avec les forces ukrainiennes, l’armée afghane et les troupes de l’OTAN. Il est également officier de réserve et a récemment publié un livre intitulé ‘Le retour de la guerre’.
Interviewer : Pourquoi la situation est-elle préoccupante ?
Gady : Le principal défi réside dans le manque de personnel, en particulier d’infanterie. L’Ukraine n’a pas encore résolu ce problème de manière efficace. Malgré les efforts de mobilisation, trop peu de soldats arrivent sur le front, et les brigades ne peuvent pas être renouvelées.
Actuellement, une réserve opérationnelle est en cours de formation depuis la mi-mai, mais cela soulève des questions quant à son utilité alors que les forces russes lancent des offensives sur cinq axes principaux, avec un potentiel sixième axe à Saporischia. La priorité devrait être de stabiliser le front en renforçant le personnel.
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‘L’Ukraine pourra-t-elle traverser un autre hiver ?’
Interviewer : Pouvons-nous nous attendre à d’autres avancées des forces russes dans ce contexte ?
Gady : Pour l’instant, je ne prévois pas de percées opérationnelles significatives de la part des forces russes. Bien qu’elles aient réussi à réaliser certaines avancées en raison du manque de personnel ukrainien, elles n’ont pas su exploiter ces gains à grande échelle, comme encercler des unités ukrainiennes. De plus, les pertes russes sont extrêmement élevées.
La qualité de leurs troupes diminue, et un manque de matériel devient de plus en plus évident. En revanche, l’Ukraine peut compenser son déficit de personnel grâce à des drones, notamment des drones kamikazes improvisés et de l’artillerie.
La guerre reste largement dominée par l’artillerie, et la situation de l’Ukraine s’est améliorée par rapport à l’été. En ce qui concerne les livraisons d’aide, nous avançons dans la bonne direction, bien que l’Occident doive agir plus rapidement et plus vigoureusement. Si les Russes n’intensifient pas leurs attaques avec des forces considérablement plus importantes que lors de l’hiver 2023/2024, l’Ukraine pourrait passer cet hiver. La question demeure : l’Ukraine pourra-t-elle survivre à un autre hiver ?
Des alertes aériennes ont retenti à plusieurs endroits en Ukraine alors que le pays subit de nouvelles attaques par drones russes.
‘Les pays doivent maintenant montrer du leadership’
Interviewer : Avec un futur président comme Donald Trump, cela pourrait-il changer, étant donné qu’il a exprimé son souhait de réduire, voire d’arrêter, le soutien américain ?
Gady : Il est essentiel de reconnaître que l’Europe ne peut compenser que partiellement le manque d’aide militaire des États-Unis. Sans l’implication américaine, il sera presque impossible de maintenir le niveau actuel de soutien militaire.
Les pays européens, et en particulier l’Allemagne, doivent désormais faire preuve de leadership et sortir de l’ombre des États-Unis. Il est tout à fait possible de soutenir l’Ukraine de manière plus efficace à moyen et long terme.
‘Sans garant, une guerre de succession est probable’
Interviewer : Des rumeurs circulent sur des discussions entre Trump et Poutine concernant des concessions territoriales en Ukraine. Est-ce un scénario réaliste ?
Gady : Il existe une proposition avancée par le vice-président désigné J.D. Vance, qui suggère d’accorder à l’Ukraine un statut de neutralité tout en gelant le conflit le long des frontières actuelles. Cependant, deux problèmes majeurs se présentent.
Premièrement, l’Ukraine était de facto neutre en 2014 lors du début des agressions russes, et cela ne l’a pas protégée. Deuxièmement, un statut de neutralité exigerait des garanties, mais je doute que les États-Unis soient prêts à garantir la neutralité de l’Ukraine ou à intervenir militairement en cas de besoin.
Si l’Ukraine est contrainte de signer un cessez-le-feu sans garant et sans une définition claire de son statut, par exemple par une adhésion à l’UE ou à l’OTAN, il est fort probable qu’une guerre de succession éclate.
‘Des conflits similaires sont à prévoir’
Interviewer : Un retrait des États-Unis de leur rôle de puissance protectrice pourrait-il engendrer de nouveaux conflits ?
Il est probable que cela mène à des tensions accrues et à des conflits émergents dans la région.