Titre : Reconstitution Cum-Cum : Un enjeu de milliards à ne pas négliger

Les affaires de Cum-Cum ont causé des pertes énormes pour l’État allemand, estimées à 28,5 milliards d’euros entre 2000 et 2020. Alors que la Rhénanie-du-Nord-Westphalie intensifie ses efforts pour récupérer ces fonds, d’autres régions avancent lentement. Des voix s’élèvent pour exiger des actions concrètes contre ces fraudes fiscales. Anne Brorhilker, ancienne procureure, met en garde contre la destruction de preuves et appelle à une mobilisation accrue pour récupérer les milliards d’euros perdus.

Les affaires de Cum-Cum ont entraîné des pertes colossales pour l’État. Tandis que la Rhénanie-du-Nord-Westphalie prend des mesures décisives, d’autres régions peinent à avancer. Les spécialistes exigent désormais des actions concrètes.

Près de 30 milliards d’euros sont alloués au budget fédéral de 2025 pour couvrir les dettes publiques. En parallèle, des estimations de Christoph Spengel, professeur de gestion à l’Université de Mannheim, indiquent que l’État allemand a perdu environ 28,5 milliards d’euros entre 2000 et 2020 en raison des transactions liées aux Cum-Cum. Spengel est un expert reconnu sur ce sujet depuis de nombreuses années.

Suite aux décisions de la Cour fédérale des finances et des tribunaux fiscaux concernant les structures Cum-Cum, il serait théoriquement possible que les autorités fiscales récupèrent ces fonds. Toutefois, jusqu’à présent, peu d’actions ont été menées dans ce sens.

Concernant le Cum-Ex, considéré comme le « petit frère » des Cum-Cum selon Spengel, une estimation plus précise des dommages s’élève à 7,2 milliards d’euros après analyse des transactions. De plus, la progression juridique entourant les Cum-Ex a été beaucoup plus rapide que pour les Cum-Cum.

Le fisc pourrait potentiellement récupérer jusqu’à 30 milliards d’euros grâce aux transactions liées aux Cum-Cum. Pourquoi alors cette lenteur dans le processus ?

La nécessité de récupérer les fonds

Un constat qui, selon Anne Brorhilker, de l’association à but non lucratif ‘Finanzwende’, soulève une profonde indignation. Dans une interview accordée au Bayerischer Rundfunk, elle déclare : ‘Il n’y a absolument aucune raison que les fonds fiscaux détournés ne soient pas récupérés. Le public a le droit d’exiger que l’État mette tout en œuvre pour récupérer ces milliards d’euros d’impôts.’

Juriste de formation, Brorhilker a enquêté pendant des années sur les affaires Cum-Ex et Cum-Cum au bureau du procureur général de Cologne. Depuis son départ l’année dernière, elle dirige désormais le secteur de la criminalité financière chez ‘Finanzwende’, où la récupération des milliards d’impôts est devenue une de ses priorités.

Récemment, l’ancienne procureure générale a lancé une pétition en ligne, craignant que les institutions financières et les entreprises commencent à détruire des documents prouvant leur implication dans des affaires Cum-Cum illégales. Elle avertit que la disparition de ces preuves pourrait entraîner la perte irrémédiable des milliards d’euros d’impôts. Cette situation a été aggravée par une récente loi sur la réduction de la bureaucratie adoptée par la coalition gouvernementale.

Alors que les acteurs impliqués dans les transactions Cum-Ex se font rembourser plusieurs fois un impôt sur les gains en capital pour des dividendes payés une seule fois, le principe des Cum-Cum est différent. Les titres d’actionnaires étrangers sont temporairement prêtés à des partenaires commerciaux en Allemagne juste avant le versement des dividendes, permettant à ceux-ci de se faire rembourser l’impôt sur les gains en capital. Les gains sont alors partagés entre les acteurs, laissant l’État sans rien.

Pour les enquêteurs, la loi pourrait compliquer encore davantage la lutte contre les fraudes fiscales comme les Cum-Ex.

Les actions des Länder

Le BR a interrogé plusieurs ministères des finances des Länder concernant les montants récupérés à la suite des affaires Cum-Cum. La Hesse, région dotée du plus grand secteur bancaire du pays, estime avoir récupéré environ un milliard d’euros.

Le ministère souligne que des ‘examens approfondis et complexes’ sont en cours pour d’autres cas de suspicion de Cum-Cum. En tout, il est estimé que deux milliards d’euros sont concernés par ces transactions. L’administration fiscale hessoise veille à ce qu’aucune prescription des créances fiscales n’intervienne grâce à des mesures adéquates et collabore étroitement avec le procureur de Cologne, qui enquête actuellement sur 1 700 suspects liés aux affaires Cum-Cum et Cum-Ex.

En Bavière, bien que des récupérations aient eu lieu, le bureau des impôts ne divulgue pas de montants spécifiques pour éviter des conclusions sur des cas individuels. Cependant, un député vert a estimé le risque potentiel de perte fiscale due aux Cum-Cum à près de 222 millions d’euros, dont 34 millions ont été récupérés.

Le Bade-Wurtemberg a identifié 479 millions d’euros provenant de transactions illégales de Cum-Cum, dont la majorité a déjà été remboursée. Ces montants proviennent principalement de transactions réalisées entre 2007 et 2015, selon un porte-parole du ministère des Finances. Des enquêtes supplémentaires sont également en cours.

Anne Brorhilker, désormais impliquée dans la lutte contre la criminalité financière, abandonne ses fonctions judiciaires pour se concentrer sur cette cause.

Une nouvelle approche en Rhénanie-du-Nord-Westphalie

Le ministère des Finances de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie fait preuve de prudence en raison de procédures en cours. Cependant, la région renforce ses efforts : une commission d’enquête Cum-Cum a été mise en place, et un département dédié à la lutte contre la criminalité financière dans l’Office des finances est en train d’être créé avec du personnel supplémentaire.

Fin août 2024, la direction des finances de Münster (OFD) a également diffusé un mémo interne aux autorités fiscales compétentes, exposant des pistes potentielles pour les enquêtes. Selon ce document, les structures Cum-Cum pourraient être considérées comme une fraude fiscale si des déclarations inexactes ou incomplètes sur des faits fiscalement significatifs sont faites aux autorités fiscales, entraînant une réduction des impôts ou l’obtention d’avantages fiscaux non justifiés.

Si des contribuables n’ont pas divulgué d’opérations Cum-Cum dans leurs déclarations, cela pourrait donc constituer une fraude fiscale. Pour cette raison, la vigilance des autorités est plus que jamais nécessaire pour lutter contre ces pratiques illégales.