Ukraine occupée : dans l’horreur de la réalité parallèle de la Russie

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Pour justifier l’invasion de l’Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a utilisé les faux prétextes de la « dénazification » et de la « démilitarisation » du pays. La propagande d’Etat russe est construite autour du mythe d’une Ukraine aux mains des « nazis », celle où les Russes viennent « libérer » les « russophones ». Cette propagande est diffusée non seulement en Russie, mais aussi dans les territoires ukrainiens occupés, où la population est plongée dans une réalité parallèle. La journaliste de FRANCE 24, Elena Volochine, est allée à la rencontre des habitants et a exposé les conséquences réelles terrifiantes de la propagande russe sur la guerre en cours en Ukraine.

Après le succès de la contre-offensive ukrainienne début septembre, notre reporter Elena Volochine, qui a passé près d’une décennie comme correspondante de FRANCE 24 à Moscou, s’est rendue dans les territoires libérés du nord de l’Ukraine. Dans la ville d’Izium, dans la région de Kharkiv, elle a été témoin de l’exhumation de corps de victimes de l’occupation russe, dont certains portaient des traces de torture. Sur le terrain, des habitants lui ont fait part d’un régime de terreur imposé par les Russes : interdiction de parler ukrainien, mais aussi pillages, arrestations, tortures systématiques, exécutions arbitraires et plus largement, une réalité parallèle. Partout où ils pénétraient en Ukraine, les Russes se décrivaient comme des « libérateurs » et des « héros » et mettaient un point d’honneur à essayer de faire basculer l’opinion de la population locale vers celle du « monde russe ».

« Ils n’arrêtaient pas de répéter qu’ils étaient venus nous libérer. Mais de quoi ? » Ce fut la réaction surprise de nombreux habitants qui ont survécu à l’horreur. Parmi eux, Yann, 20 ans, petit-fils de garde-forestier : « Je suis aussi apprenti garde-forestier, et ils ont retrouvé ma tenue de camouflage. Ils pensaient que papy et moi étions des tireurs d’artillerie. » Yann a raconté la torture et l’humiliation qu’ils ont subies lorsque, après l’avoir battu, les Russes l’ont brûlé à l’entrejambe. « Ils répétaient constamment : ‘Tu es un nazi !’ J’ai dit : « Je ne suis pas un nazi ! » Ils ont répondu : ‘Tais-toi ou je te frappe dans les dents avec la crosse de mon fusil' ».

Une « erreur historique » imputable à Lénine

Dans la ville de Poltava, Volochine a rencontré Victoria Ziborova, une professeure d’histoire qui a survécu à l’occupation dans la région de Berdiansk. Elle a expliqué que les Russes voulaient la forcer, elle et ses collègues, à travailler avec des manuels et des programmes russes, les menaçant d’être envoyés au front s’ils refusaient. Ziborova a secrètement enregistré une interview avec le commandant militaire russe local, qui s’est vanté que la Russie avait déjà fourni « 30 000 formations de requalification » aux enseignants ukrainiens en Crimée. Le professeur expose comment la propagande russe réécrit l’histoire : selon la doctrine de Poutine, copiée mot pour mot par les occupants, l’Ukraine a été « créée par la Russie » et est une « erreur historique » imputable à Lénine.

Au milieu de ces récits officiels russes qui appellent implicitement à la destruction de l’Ukraine et de son identité nationale, le bureau du procureur général ukrainien a ouvert une enquête sur un possible « génocide » et « incitation au génocide ». Le procureur chargé de l’affaire a montré à FRANCE 24 les pièces à conviction, dont un livre intitulé « La dénazification de l’Ukraine », que le Kremlin aurait obtenu en 2018.

Notre journaliste s’est également concentré sur l’impact de ces récits sur la psychologie des Russes combattant en Ukraine. Elle a interviewé un chef mercenaire russe, qui a passé six mois d’occupation à Izium et a partagé sa vision de la guerre et de ses activités. En attendant, selon un psychothérapeute ukrainien qui travaille pour l’ONG américaine Corus International, la raison pour laquelle la propagande russe est si efficace – dans un contexte culturel prédisposé à la recevoir – est que l’absence d’informations alternatives, plus l’agressivité et l’omniprésence de la propagande épuisent les capacités mentales des individus à y résister.

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