Un nouveau partage du pouvoir se dessine entre la Russie, la Chine et l’Occident | Raphaël Behr

Les enjeux de la rivalité entre l’Orient et l’Occident

Nous assistons à une nouvelle ère de conflit entre deux puissances concurrentes, l’Orient et l’Occident, mais sommes-nous en présence d’une nouvelle guerre froide ou d’une continuation de la précédente ? La réponse se situe entre les deux. Vladimir Poutine considère que la rivalité entre les superpuissances n’a jamais cessé. Bien que l’Union soviétique ait perdu la bataille économique et militaire, le président russe est déterminé à effacer cette humiliation de l’histoire nationale. Cependant, il doit faire face à une concurrence avec la Chine qui se rapproche de plus en plus des États-Unis. Cette différence est le contexte de la visite de Xi Jinping à Moscou.

Poutine n’est pas aussi isolé qu’on pourrait le croire. Il reste en mesure de faire de la Russie une nuisance mondiale, étant donné qu’elle possède des armes nucléaires et qu’elle poursuit des objectifs d’expansion territoriale. Néanmoins, la parité avec les États-Unis est un lointain souvenir, alors que la Chine est en passe de devenir une puissance économique majeure et un concurrent sérieux pour l’hégémonie américaine. La visite de Xi Jinping à Moscou n’est donc pas seulement un nouvel épisode diplomatique pour renforcer les liens entre les deux nations, mais également une façon pour la Chine de s’affirmer sur la scène internationale et de remettre en cause la domination américaine.

Le poutinisme et le modèle de gouvernement russe

Le poutinisme n’a pas la prétention de représenter autre chose que les intérêts russes. C’est un hybride banal de nationalisme sanguinaire et de kleptocratie. Il ne possède pas l’aura idéologique qui avait fait du communisme un mouvement mondial. Cependant, il peut compter sur des adeptes étrangers, notamment chez les extrémistes de droite aux États-Unis et en Europe. Le Kremlin cherche à amplifier son influence en propageant la désinformation sur les réseaux sociaux et en finançant les campagnes électorales.

La Chine, quant à elle, a réussi à associer la dictature au dynamisme industriel, malgré les prédictions faites à la fin de la guerre froide qui annonçaient la fin du contrôle monopolistique de l’État et l’avènement de droits de propriété, de l’État de droit et de la liberté politique. La théorie voulait que la transition de l’économie marxiste nécessiterait la fin du contrôle de l’État et que cela permettrait de donner du pouvoir à une classe moyenne privée riche qui exigerait ensuite des droits politiques. Les événements ont montré que cela était illusoire.

Le modèle économique des démocraties est en crise

La menace ne vient pas seulement des rivaux extérieurs, mais également de notre incapacité à nous attaquer à des problèmes complexes et structurels. Les salaires ont stagné au Royaume-Uni depuis 2008, rompant ainsi la promesse du XXe siècle selon laquelle les enfants grandiraient dans des conditions meilleures que leurs parents. Les gens pensent que la politique démocratique ne peut pas apporter le changement radical qu’ils attendent, ce qui peut favoriser l’émergence de mouvements populistes.

Le populisme tire son pouvoir de l’exploitation de l’impatience et de la recherche de solutions simples à des problèmes complexes. Cependant, il ne peut que susciter de fausses illusions et des échecs prévisibles. Cela peut entraîner une aggravation de la perception publique que la politique démocratique ne peut pas apporter le changement radical, ce qui est une recette de plus de populisme.

Conclusion

La rivalité entre l’Orient et l’Occident est un défi pour les démocraties occidentales. La menace réside dans le populisme et notre incapacité à résoudre les problèmes structurels, tels que la stagnation des salaires et l’inégalité. L’Occident ne peut plus compter sur le modèle économique qui avait sous-tendu la démocratie, et de nouveaux modèles émergent en Chine et en Russie. Les démocraties doivent relever le défi d’expliquer aux gens que des solutions simples à des problèmes complexes sont illusoires et que la résolution de ces problèmes nécessite des efforts à long terme et une volonté politique accrue.

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