Le plan financier noir-rouge de 500 milliards d’euros destiné aux infrastructures et à la défense soulève des débats sur son caractère historique et irresponsable. Les économies pourraient croître si les investissements sont bien utilisés, mais un endettement accru pourrait peser sur les générations futures. Les experts insistent sur la nécessité de réformes structurelles et d’une augmentation de la capacité de production pour que ce plan soit efficace. Des incertitudes persistent quant à sa mise en œuvre et ses conséquences.
Le plan financier noir-rouge représente une occasion sans précédent pour la République fédérale de s’endetter. Les économistes s’accordent à dire qu’il s’agit d’un véritable test de résistance pour la politique économique.
Avec un budget de 500 milliards d’euros dédié aux infrastructures et à la protection climatique, ainsi que des fonds presque illimités pour la défense, cette initiative est en grande partie financée par l’endettement. Le gouvernement fédéral sortant s’apprête à s’engager sur cette voie avant même de prendre ses fonctions. Des adjectifs tels que ‘historique’, ‘astronomique’, mais aussi ‘irresponsable’ résonnent dans les débats.
L’Union et le SPD, en tant que partenaires de coalition potentiels, se réjouissent d’avoir réussi à faire adopter ce plan, y compris la révision constitutionnelle nécessaire pour modifier le frein à l’endettement, avec le soutien des Verts, malgré les résistances rencontrées au Bundestag.
L’économiste Clemens Fuest, directeur de l’institut ifo à Munich, souligne avec ironie : ‘Prendre la décision d’accumuler des dettes est la partie facile. Tout le monde peut le faire.’ La véritable difficulté réside dans l’utilisation de ces dettes. Les économistes pointent à la fois d’importantes opportunités et des risques considérables. Le succès dépendra largement de la politique mise en place, et le potentiel d’échec est élevé.
Une opportunité de redynamiser l’économie
En premier lieu, le plan présente des aspects positifs : les programmes d’investissement, totalisant plusieurs centaines de milliards d’euros, pourraient enfin offrir à l’Allemagne une croissance significative, tant désirée depuis trois ans. Marcel Fratzscher de l’Institut allemand de recherche économique (DIW) qualifie ce plan de ‘changeur de jeu’ : ‘Nous savons que les entreprises souffrent d’un manque de compétitivité et que la désindustrialisation progresse. Ce paquet financier a le potentiel de renverser cette tendance.’
Selon le DIW, sans ces investissements supplémentaires, l’économie allemande pourrait connaître une croissance de 1,1 % en 2026. En revanche, avec les dépenses prévues, une augmentation de 2,1 % est envisageable. Étant donné que l’économie allemande a déjà enregistré une contraction au cours des deux dernières années, ces perspectives redonnent espoir à de nombreux acteurs économiques.
D’autres espoirs reposent sur le fait qu’une infrastructure renforcée, incluant un réseau ferroviaire et autoroutier efficace, des ponts sûrs et un système de communication moderne, pourrait permettre une gestion plus efficace sur le long terme.
Cependant, l’institut ifo ne prévoit pas de reprise économique significative cette année.
Une augmentation des rendements des obligations d’État
Un autre point à considérer : cette importante accumulation de dettes pourrait également entraîner des coûts considérables pour l’État. En effet, le coût d’emprunt sur le marché des capitaux augmentera. En raison des nouvelles dettes, les investisseurs exigent des taux d’intérêt plus élevés, ce qui se traduit par des rendements accrus sur les obligations d’État.
Lors de la première émission d’obligations fédérales après la réforme du frein à l’endettement, l’agence financière fédérale a dû attirer les investisseurs avec des taux d’intérêt plus élevés : pour deux obligations de 30 ans, le rendement moyen a été fixé à 3,04 % et 3,08 %. En comparaison, lors des enchères de janvier et février, ces taux étaient nettement inférieurs, se chiffrant à 2,65 % et 2,84 %.
‘Le Bund ressent déjà les conséquences des projets d’endettement approuvés par le Bundestag sur le marché des capitaux’, déclare l’analyste Elmar Völker de la Landesbank Baden-Württemberg (LBBW).
L’Allemagne sera contrainte de lever des milliards d’euros par l’émission d’obligations fédérales. Quelles en seront les implications ?
Le fardeau de la dette pour les générations futures
Un aspect crucial à considérer : cette immense charge de dettes pourrait freiner la capacité d’action des générations futures et des gouvernements à venir, préviennent les experts. Jörg Krämer, économiste en chef de la Commerzbank, précise : ‘Le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut d’Allemagne est actuellement d’environ 63 %. Ce chiffre pourrait atteindre 90 % dans la prochaine décennie.’
Tout semble donc dépendre de la réussite des projets de croissance à venir. Cela reste cependant incertain. Marcel Fratzscher du DIW souligne : ‘L’argent est une condition nécessaire, mais pas suffisante. D’autres réformes, telles que l’expansion des capacités, la déréglementation et une mise en œuvre plus rapide, doivent également être effectuées pour que cela soit réalisable.’
Il est également nécessaire que les entreprises augmentent leur capacité de production. Cela nécessite un personnel qualifié, ce qui n’est pas une tâche aisée en période de pénurie de main-d’œuvre. De plus, Fuest déclare : ‘Il est essentiel de convaincre les gens de travailler réellement davantage. Sans un effort supplémentaire, cela ne sera pas réalisable.’
Enfin, la politique doit également apporter des solutions innovantes, ce sur quoi s’accordent les acteurs économiques et les économistes. Peter Adrian, président de la Chambre allemande de commerce et d’industrie, résume : ‘Ce plan d’endettement ne pourra fonctionner que si le nouveau gouvernement s’attaque de manière cohérente aux problèmes structurels de notre pays tout en mettant en œuvre les réformes nécessaires.’
La réduction de la bureaucratie a été promise comme un moteur de croissance durant la campagne électorale. Le moment est venu de passer à l’action.
Les incertitudes qui planent
En cas d’échec, Jörg Krämer de la Commerzbank avertit : ‘Alors, il y a des risques significatifs à considérer.’