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Le 16 mars, le gouvernement français a déclenché le désormais tristement célèbre article 49.3 pour contourner le Parlement et faire adopter son projet de loi controversé sur la réforme des retraites. L’acte, qui est inscrit dans la constitution, a déclenché une motion de censure contre le Premier ministre Elisabeth Borne et ses ministres – à laquelle ils ont survécu de peu.
Des mois de protestations contre la réforme et l’utilisation potentielle du « 49.3 » ont fait la une des journaux à travers l’Europe. Mais quelque chose de similaire pourrait-il se produire ailleurs sur le continent ? Nous examinons les règles dans d’autres pays européens.
Allemagne : majorité gouvernementale requise
En Allemagne, il n’y a aucun moyen de faire passer un projet comme la réforme des retraites françaises sans une majorité gouvernementale au Bundestag (parlement). Les projets de loi sont déposés de l’une des trois façons suivantes : par le gouvernement fédéral; du Bundestag lui-même (soit par un groupe parlementaire, soit au moins 5 % des membres du Bundestag) ; soit par le Bundesrat, l’organe législatif représentant les régions allemandes au niveau fédéral. C’est ce que stipule l’article 76, paragraphe 1, de la constitution allemande.
Si le gouvernement fédéral souhaite modifier ou introduire une loi, le chancelier fédéral doit d’abord transmettre le projet de loi au Bundesrat. Il a ensuite généralement six semaines pour faire une déclaration, sur laquelle le gouvernement peut à nouveau commenter par écrit. Le chancelier fédéral transmet ensuite le projet de loi au Bundestag.
En cas d’urgence – par exemple, en cas d’attaque militaire – si le parlement ne peut pas réagir et voter assez rapidement, les décisions peuvent être prises par décret. Cependant, la protection de la constitution allemande reste une priorité absolue. A la limite, elle peut prévoir des lois d’exception permettant, par exemple, de restreindre la liberté de circulation ou le secret de la correspondance. Une commission mixte, formée de membres du Bundestag (deux tiers) et du Bundesrat (un tiers), aurait le droit d’adopter ces lois. La législation serait valable pour un maximum de six mois.
La prudence quant à l’utilisation des règlements d’urgence en Allemagne remonte à la République de Weimar, lorsque les nationaux-socialistes ont abusé de nombreux décrets d’urgence à leurs propres fins.
Russie : la chambre basse a le dernier mot
Selon la Constitution de la Fédération de Russie, les projets de loi adoptés par la Douma d’État (chambre basse du parlement) sont soumis à l’approbation du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement). Une loi fédérale est considérée comme approuvée si plus de la moitié du nombre total de sénateurs votent pour elle, ou si elle n’est pas examinée par le Conseil de la Fédération dans les 14 jours.
Si le Conseil de la Fédération rejette une loi, celle-ci est renvoyée à la Douma d’Etat pour révision dans les cinq jours. Les deux chambres du parlement peuvent former une commission de conciliation pour trouver une solution mutuellement acceptable sur des questions controversées. Sur la base des résultats, la Douma d’État peut approuver ou rejeter la loi en ce qui concerne les commentaires formulés. Si la chambre basse accepte les recommandations, elle approuve la loi à la majorité simple et la renvoie au Conseil de la Fédération. Si la chambre haute rejette alors la loi, mais que la Douma n’est pas d’accord, le projet de loi est soumis au vote dans sa version originale. Si les deux tiers de la chambre basse votent pour, la loi est adoptée et envoyée au président pour être signée, contournant ainsi le Conseil de la Fédération.
Italie : le vote de confiance est roi
En Italie, le gouvernement propose un vote de confiance sur une loi. Si l’approbation est donnée par le parlement, la loi est votée. L’adoption – ou non – d’une loi ne dépend pas de ce qui est inscrit dans la constitution.
En pratique, le vote est utilisé par le gouvernement pour consolider une majorité parlementaire ou pour éviter l’obstruction de l’opposition. Un vote de défiance envers une loi est également considéré comme un vote de défiance envers le gouvernement. Dans ce cas, le gouvernement est tenu de remettre son mandat au chef de l’État (le président).
Royaume-Uni : Majorité simple requise, mais il pourrait y avoir une longue attente
Il est notoire que le Royaume-Uni n’a pas de constitution «codifiée», définissant explicitement les pouvoirs et légitimant sa législature. Il est impossible de contourner le parlement si le gouvernement souhaite créer une nouvelle loi. Toutes les lois doivent passer par une majorité simple dans les deux chambres du parlement : la Chambre des communes, qui est élue ; et la Chambre des Lords, qui est nommée. Dans le cas inhabituel où la Chambre des lords rejette un projet de loi, la Chambre des communes peut l’adopter malgré tout, après avoir attendu un an.
Espagne : utilisé en cas de « besoin extraordinaire et urgent »
L’équivalent le plus proche de l’article 49.3 de la France en Espagne est le décret-loi royal.
Il s’agit d’une norme juridique ayant le statut de loi, qui n’est émise par le gouvernement qu’« en cas de nécessité extraordinaire et urgente ». Le parlement doit valider la situation d’urgence à l’origine du décret-loi royal dans les 30 jours, et non son contenu. Cela permet au gouvernement d’adopter une loi sans avoir besoin d’un débat parlementaire.
Selon la Constitution espagnole, à l’article 86, ces décrets-lois royaux « ne peuvent affecter l’organisation des institutions fondamentales de l’État, les droits, devoirs et libertés des citoyens (…), le régime des communautés autonomes, ou loi électorale générale ».
Des matières telles que le droit de grève ou les questions relatives à l’éducation ne pouvaient être modifiées par décret-loi royal.
Dans la pratique politique espagnole récente, le décret-loi royal a été de plus en plus utilisé comme moyen par lequel l’exécutif incorpore les lois dans le système juridique, réduisant ainsi le temps nécessaire pour adopter une loi. Il est souvent fortement contesté par l’opposition.