La rue Huaxin à Taipei, surnommée « Petite Birmanie », abrite une communauté d’immigrants birmans d’origine chinoise. L’article retrace leur histoire d’émigration, marquée par des événements historiques tels que la guerre civile chinoise. Des témoignages, comme celui de Jiang Ming-yo, illustrent la quête identitaire des Chinois d’outre-mer, souvent tiraillés entre leurs racines birmanes et leur vie à Taïwan. La culture birmane, bien que présente, est en déclin face à l’intégration dans la société taïwanaise.
À première vue, la rue Huaxin, située dans le sud de Taipei, ressemble à de nombreuses autres rues des quartiers anciens de la capitale taïwanaise. On y trouve des immeubles de quatre à cinq étages, construits les uns contre les autres, avec des façades ornées de petites tuiles qui scintillent dans une palette de gris, accentuée par l’humidité ambiante.
Au rez-de-chaussée, on découvre souvent de petits restaurants ouverts sur la rue, rappelant des stands de nourriture dans un garage. Avec des pancartes publicitaires colorées, ces établissements rivalisent pour attirer la clientèle. Bien que tout soit écrit en caractères chinois, des cercles distinctifs de l’alphabet birman se mêlent à l’affichage, ce qui a valu à la rue Huaxin le surnom affectueux de « Petite Birmanie ».
Une Histoire d’Immigration Birmane
Ma Yin-qing, qui a grandi dans ce quartier, évoque les « immigrants normaux » de Birmanie. Elle explique que ces migrants se distinguent des soldats nationalistes qui ont été rapatriés du nord de la Birmanie après la guerre civile chinoise. L’histoire des habitants de la rue Huaxin est riche et complexe. Ils, ou leurs ancêtres, sont originaires de l’actuel Myanmar, mais appartiennent à une minorité ethnique chinoise, ce qui explique leur migration vers Taïwan.
Après la victoire des communistes en Chine continentale en 1949, le Kuomintang (KMT) nationaliste, dirigé par Chiang Kai-shek, s’est exilé à Taïwan avec environ 1,5 million de partisans. Certaines unités ont également quitté le sud de la Chine pour se réfugier en Birmanie. Dans les années 1950 et 1960, entre 7 000 et 8 000 soldats de cette « armée perdue » et leurs familles ont été transférés à Taïwan.
Une seconde vague d’immigrants a fait son apparition entre les années 1960 et le début des années 1990. Selon Ma Yin-qing, le gouvernement birman a exercé des pressions sur la minorité chinoise, tandis que le KMT a encouragé leur migration vers Taïwan. Chaque Chinois d’outre-mer qui choisissait de s’installer à Taïwan, plutôt que dans la République populaire communiste, représentait une victoire symbolique pour les nationalistes.
Identité et Origines
Un exemple illustratif est celui de Jiang Ming-yo, qui a émigré à Taïwan. Aujourd’hui âgé de 78 ans, il a grandi à Myitkyina, dans le nord du Myanmar. Ses parents ont fui vers Taïwan après la guerre civile chinoise, alors qu’il n’avait que trois ans. Jiang a fréquenté une école chinoise, où les élèves étaient souvent divisés entre nationalistes et communistes, ce qui entraînait parfois des conflits.
Plus tard, il est devenu enseignant dans cette même école et a joué un rôle actif pour inciter d’autres Chinois d’outre-mer à immigrer à Taïwan, ce qui l’a rendu vulnérable aux menaces des communistes. En 1981, après avoir reçu des avertissements, il a fui avec sa famille vers Taïwan.
La question de l’identité est cruciale pour Jiang, qui se décrit comme un Chinois d’outre-mer birman à Taïwan, mais se présente comme Chinois à l’étranger. En revanche, Ma Yin-qing, née à Taïwan d’une famille originaire du Yunnan, se considère comme Taïwanaise, tout en étant d’origine chinoise d’outre-mer. Elle a exploré cette thématique dans son mémoire de maîtrise sur les jeunes Chinois d’outre-mer du Myanmar.
En grandissant, Ma éprouvait de la honte concernant ses origines, cherchant souvent à les dissimuler. Aujourd’hui, elle constate que beaucoup préfèrent ne pas revendiquer leurs racines, craignant les réactions négatives de leur entourage, dans un pays où la majorité de la population a des ancêtres migrants.
Une Culture Birmane en Déclin
Au sein de la communauté des Chinois d’outre-mer, la plupart des parents souhaitent que leurs enfants s’intègrent pleinement dans la société taïwanaise, entraînant une érosion de la culture birmane. Cela crée un paradoxe : bien que les Chinois d’outre-mer aient apporté la culture birmane à Taïwan, celle-ci semble leur échapper.
Autrefois, en Birmanie, les Chinois d’outre-mer célébraient des traditions riches et variées, mais ces pratiques s’estompent progressivement à mesure que la nouvelle génération s’implique davantage dans la culture taïwanaise.